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Une revue scientifique sérieuse peut-elle publier une fausse étude pour faire sourire ses lecteurs ? Le débat semble lancé suite à la publication par le Journal for Evaluation in Clinical Practice d'une fausse recherche qui montrait l'inutilité des bisous maternels dans la guérison des bobos.
Cette étude inventée de toutes pièces, et dont les auteurs ne sont pas mentionnés sous le titre de l'article, partait du constat que de nombreuses mamans font des bisous « magiques » sur les bobos de leurs enfants ; cependant, cette pratique très répandue ne se base sur aucune preuve scientifique. L'objectif de l'étude était donc de réparer cet oubli.
Le protocoleprotocole fictif incluait 943 enfants d'Ottawa âgés de 18 à 36 mois, et leurs mères, sélectionnées selon des critères précis : elles devaient avoir des lèvres capables de faire des bisous palpables et les mamans avec des aphtes ou convaincues de négligence ou d'abus sur leurs enfants étaient exclues. Pour les besoins de l'étude, les enfants se sont fait de petits bobos, soit en se cognant à une table soit en se brûlant légèrement avec un objet chaud. Les enfants étaient répartis en trois groupes : certains recevaient un bisou de leur maman, d'autres le bisou d'une autre personne et d'autres rien. Résultat : les bisous maternels étaient inefficaces.
La fausse étude concluait donc à la nécessité d'un « moratoiremoratoire » sur la pratique des bisous, vu son inutilité. Dans la discussion, l'auteur suggère aussi que le temps inutilement passé par les mamans à faire des bisous pourrait être employé à d'autres activités plus bénéfiques pour les enfants, comme les initier aux fonctions algébriques ou au mandarin...
Le journal aurait-il dû mentionner explicitement que l’étude était un canular ? © Peter Bernik, Shutterstock
Une fausse étude qui lance un débat sur l’information scientifique
La publication, certes très drôle, n'a pas fait rire tout le monde car le journal n'a pas prévenu explicitement qu'il s'agissait d'une blague. Ainsi, Jack Marshall, un avocatavocat spécialisé dans l'éthique, a suggéré dans le National Post que la revue, qui aurait dû avertir le lecteur que l'étude était fausse, fasse des excuses. De même, Matthew McLennan, un professeur associé d'éthique à l'université Saint-Paul à Ottawa a souligné que, InternetInternet étant déjà une source de confusion pour le public, il attendait d'une revue comme Journal for Evaluation in Clinical Practice qu'elle n'y contribue pas. D'après lui, de tels articles peuvent nuire à la confiance que les lecteurs ont dans les publications scientifiques.
Le journal tout comme l'auteur ont reconnu qu'il s'agissait d'un article satirique, dans la tradition des articles saugrenus qui sortent en fin d'année, comme dans l'édition de Noël de BMJ. L'auteur de cette fausse étude est Mark Tonelli, un professeur de médecine et de bioéthique de l'université de Washington à Seattle. Il a expliqué qu'il y avait plein d'indices dans l'article montrant que l'étude était fausse, tels que le nom du groupe de travail (SMACK), les références bibliographiques inventées, le soi-disant financement par l'entreprise Proctor and Johnson inc., etc. L'objectif n'était pas de tromper les gens, mais plutôt de susciter la discussion sur les faiblesses de la recherche clinique. Il a aussi précisé que la ville d'Ottawa avait été choisie au hasard.
Malgré ces indices, différents sites d'information ont repris l'étude sans signaler qu'elle était fausse. Ainsi, The Daily Caller a titré sur l'étude « la plus stupide » dans un article mis à jour ensuite pour signaler que c'était un canular. Quant à l'American Mirror, l'article paru sur son site le 31 décembre et toujours en ligne « GOV'T STUDY : Mother's kiss doesn't heal boo-boos », ne signale pas la farce...