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Jean-François Ponge

Jean-François Ponge

Enseignant chercheur - Ecologie du sol

Bravo à toute l’équipe de Futura-Sciences pour cette merveilleuse vitrine de la recherche scientifique, où s’expriment en toute franchise des chercheurs de toutes disciplines, des sciences «dures» aux sciences «molles» (quel vilain mot!). J’espère qu’elle suscitera de nombreuses vocations, et ne découragera pas ceux et celles qui pensent trouver dans la science des certitudes…

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Biographie

Encore un très mauvais exemple de non-mobilité au cours d'une carrière scientifique, n'en déplaise à nos édiles de tout bord politique !

 Issu d'un milieu modeste dans une banlieue ouvrière (Drancy, aujourd'hui dans le 9-3) j'ai pu accéder aux études secondaires puis supérieures grâce à l'École Normale d'Instituteurs de la Seine (l'ancêtre des IUFM, mais on y entrait à l'issue de la troisième) en 1962 puis l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud (aujourd'hui ENS-Lyon) en 1966, après une année de classe préparatoire au Lycée Chaptal à Paris.

C'est un professeur de seconde, tout frais émoulu de l'agrégation de sciences naturelles et passionné de botaniquebotanique, puis le merveilleux Marcel Bournérias en prépa-ENS, qui m'ont donné le goût de l'étude des plantes puis de leur écologieécologie. Plus tard Marcel Guinochet, dont j'ai suivi les cours d'écologie végétale à l'Université d'Orsay et qui a été mon «patron» de stage de DEA (Diplôme d'Études Approfondies, aujourd'hui Master 2), m'a fait comprendre qu'aucune vérité n'était définitivement acquise et qu'il fallait sans cesse se remettre en question et remettre les autres (morts ou vivants) en question par la même occasion. Un berceau d'anarchistes cette fac d'Orsay!

Ensuite, vint le Muséum National d'Histoire NaturelleMuséum National d'Histoire Naturelle, où je suis entré en 1970 comme assistant au Laboratoire d'Ecologie Générale à Brunoy (91), sans thèse et...sans remords de ne jamais avoir été docteur !

J'ai toujours été contre le doctorat (un pensum individualiste), et pourtant j'en ai encadré pas mal, des thèses, mais comment faire autrement lorsqu'il s'agit de former des jeunes à la recherche et de leur assurer un avenir ? Heureusement, Jean-Pierre Chevènement eut l'heureuse idée en 1984 de créer l'Habilitation à Diriger des Recherches (HDRHDR), un diplôme portant sur les travaux encadrés, qui m'a permis dès 1991, non seulement d'encadrer des thèses mais également de passer professeur.

Brunoy, j'y suis resté pendant toute ma carrière au Muséum, c'est-à-dire de 1970 à 2008, et je n'y ai pas fait beaucoup de botanique (en fait d'écologie générale on y faisait surtout de l'écologie animale, de l'éthologieéthologie et de la systématique). Après un pensum de deux ans à faire de la statistique et de l'informatique (les compétences pour lesquelles j'avais été recruté) sur des données acquises antérieurement, je me suis mis à étudier les animaux du sol comme j'avais appris à le faire pour les plantes (Bournérias, Guinochet), c'est-à-dire en observant d'abord et en déduisant ensuite: méthode empirique, très loin des principes prônés par ce bon Gaston BachelardGaston Bachelard (célèbre pour sa barbe!), qui trouvait que la biologie était loin derrière les autres sciences parce qu'elle n'avait pas réussi à se formaliser !

Par la suite, je me suis intéressé à l'environnement immédiat des animaux du sol, d'où l'étude de leurs relations avec les plantes (via les racines et la litièrelitière) et la microflore (bactériesbactéries, champignonschampignons), puis j'ai essayé de replacer le fonctionnement biologique du sol dans celui des écosystèmesécosystèmes et d'en déduire des préconisations de gestion ou de conservation.

 Mes principaux outils : le microscopemicroscope et l'ordinateurordinateur. Aujourd'hui «jeune» retraité, je poursuis mes travaux, orientés essentiellement vers l'évolution, tout en poursuivant des collaborations avec mes collègues de Brunoy et bien d'autres...

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métier

Difficile de définir une «journée-type» d’un enseignant-chercheur du Muséum. D’abord, c’est quoi ? Quand on n’est pas dérangé dans le programme qu’on s’est fixé pour la journée ? C’est-à-dire jamais ? Bon, on va dire quand tout le monde ou presque est parti en congé, par exemple entre Noël et le Jour de l’An, vraiment les moments que j’ai toujours préférés pour travailler enfin tranquillement. Alors, après un bon petit déjeuner (ne jamais venir travailler à jeun), j’arrive au labo et je m’installe devant ma table de travail (à l’époque les labos n’étaient pas encore séparés des bureaux pour des raisons de sécurité, j’avais donc à ma disposition un bureau-labo avec tout ce qu’il fallait pour travailler au quotidien, même si les murs s’effritaient). En gros, la matinée est consacrée aux «corvées», c’est-à-dire les choses auxquelles je m’astreins soit par goût personnel (lecture d’articles scientifiques, jamais de livres, sans doute par paresse), et aux tâches affectées par la hiérarchie et auxquelles il est difficile d’échapper (sauf aujourd’hui, ouf!!!), donc «paperasse» et «relations publiques», on va dire. Enfin, l’après-midi est consacré au travail «noble» du chercheur: observations (terrain et labo), calculs (mon grand plaisir!), et rédaction d’articles (in English, of course, enfin depuis les années 80). Enfin, quand je dis «noble», lorsqu’on travaille sur le sol cela consiste aussi à manier la tarière, et ce par tous les temps, transporter des choses lourdes et faire la vaisselle auss i! Heureusement que l’ambiance est toujours bonne sur le terrain…pas toujours après, malheureusement ! Voilà, ça c’est une journée-type mais pas du tout le programme réel que l’on connait au quotidien. Et l’enseignement dans tout ça? Et la formation par la recherche (thèses, stages divers et variés)? Oui, bien sûr, tout ce beau programme est bousculé, en fonction des nécessités et des opportunités du moment: cours, encadrement, réunions d’équipes, de projets,… J’ai eu de merveilleux étudiants, qui pigeaient vite et à qui je pouvais faire entièrement confiance, tout en les «coachant» lorsqu’ils en avaient besoin, mais quelques autres… passons ! En gros, des bons souvenirs et de bons moments passés ensemble. Un seul regret, mais de taille: ne pas avoir pu assurer un avenir scientifique à quelques étudiants brillants, passionnés par leur sujet mais découragés par la difficulté d’entrer dans la carrière, et surtout (surtout!) par le mauvais esprit qui règne dans la communauté scientifique lorsque compétition et élitisme sont érigés en vertus cardinales: merci Mr Darwin de nous avoir fourni ce beau modèle de société! Pourtant, que c’est beau un travail de groupe lorsque chacun apporte sa pierre à l’édifice!