Que pouvaient donc signifier ces étranges gravures ornant des centaines de blocs de roche dans cette vallée désertique du Pérou ? Une nouvelle étude révèle qu’il pourrait s’agir de la représentation d’un rituel chamanique avec des danseurs chantant sous l’emprise de narcotiques.


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    Des formes humaines semblant porter des masques et arborant une posture très dynamique. Une impression de mouvement et de rythme renforcée par la présence de lignes en zigzag et de motifs géométriques réguliers. Voilà les scènes qui ont été gravées sur ces roches dans le sud du Pérou, il y a plus de 2 000 ans.

    Bloc gravé retrouvé dans la vallée de Toro Muerto au Pérou et présentant des danseurs entourés de figures géométriques. © Rozwadowski et Wołoszyn, 2024, <em>Cambridge Archaeological Journal</em>
    Bloc gravé retrouvé dans la vallée de Toro Muerto au Pérou et présentant des danseurs entourés de figures géométriques. © Rozwadowski et Wołoszyn, 2024, Cambridge Archaeological Journal

    Des danseurs entourés d’étranges motifs géométriques

    Le site de Toro Muerto est bien connu pour sa richesse en pétroglyphes. Environ 2 600 blocs de roches ont ainsi été gravés de motifs divers et de représentations humaines semblant en train de danser. Le plus souvent, ces danseurs sont juxtaposés à des figures très géométriques suivant un arrangement complexe dont la signification n'avait jusqu'à présent pas été réellement étudiée.

    De très nombreux blocs présentent des scènes de danse. © Rozwadowski et Wołoszyn, 2024, <em>Cambridge Archaeological Journal</em>
    De très nombreux blocs présentent des scènes de danse. © Rozwadowski et Wołoszyn, 2024, Cambridge Archaeological Journal

    De précédentes études ont proposé que les figures en zigzag autour des danseurs puissent représenter des éléments naturels, comme des serpents, des éclairséclairs, des pluies torrentielles, des rivières, des vallées... D'autres chercheurs avaient toutefois suggéré qu'il s'agisse là de représentations de sons ou de musique, sans que cette piste soit explorée plus profondément. Une hypothèse que vient cependant appuyer une nouvelle étude publiée dans la revue Cambridge Archaeological Journal.

    Découvrez l'histoire incroyable du LSD, depuis le Moyen-Âge jusqu'au bad trip du chercheur qu'il l'a isolé en 1943. © Futura

    Des danses et des chants sous substances hallucinogènes

    La posture des figures anthropomorphiques laisse peu de doute sur le fait qu'il s'agisse de danseurs. Mais que représentent donc les motifs géométriques qui les entourent ? Pour comprendre, les chercheurs se sont intéressés à l'art des Tucano, un peuple indigèneindigène vivant encore aujourd'hui dans la région amazonienne. Certaines de leurs représentations sont en effet très similaires à celles observées sur les rochers de Toro Muerto. Or, les Tucano eux-mêmes les décrivent comme des scènes parlant du cosmoscosmos ou du mythe de la création (représentés par des schémas géométriques verticaux), et du transfert de certaines personnes dans « l'autre monde » lors d'une cérémonie rituelle impliquant des chantschants (symbolisés par les lignes en zigzag). Plus intéressant encore, les Tucano expliquent que des plantes hallucinogènes étaient prises lors de ce rituel afin de stimuler les sens. Sous l’effet des narcotiques, les danseurs verraient ainsi des sinusoïdes, cercles concentriques, lignes en zigzag..., autrement dit les schémas typiques observés dans les gravures de Toro Muerto.

    Schémas géométriques présents dans les représentations des Tucano lors de rituels sous effet de narcotiques. On note la forte similarité avec les gravures de Toro Muerto. © D'après Reichel-Dolmatoff, 1978. Publié dans <em>Rozwadowski et Wołoszyn, 2024, Cambridge Archaeological Journal</em>
    Schémas géométriques présents dans les représentations des Tucano lors de rituels sous effet de narcotiques. On note la forte similarité avec les gravures de Toro Muerto. © D'après Reichel-Dolmatoff, 1978. Publié dans Rozwadowski et Wołoszyn, 2024, Cambridge Archaeological Journal

    Il est donc possible que ces pétroglyphes représentent un rituel chamanique de transfert dans un autre monde sous l'emprise de substances hallucinogènes, où les chants et la danse auraient eu une place prédominante.