Les étoiles « kaiju » sont des étoiles anormalement brillantes pour leur masse et leur taille. Elles sont rares mais le télescope spatial James-Webb s'est penché sur deux d'entre elles récemment en utilisant l'effet de lentille gravitationnelle. Les observations obtenues réfutent certaines modèles de particules de matière noire en posant des bornes sur les masses des particules de ces modèles.


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    Ces derniers siècles, les astronomesastronomes donnaient des noms de divinités gréco-latines pour les astres qu'ils découvraient. Ce fut le cas par exemple pour Pluton, découverte par l'astronome états-unien Clyde Tombaugh en 1930, ou pour Janus, la lune de SaturneSaturne découverte en 1966 par l'astronome français Audouin Dollfus.

    Les astronomes modernes ont d'autres sources mythologiques, quatre galaxies en collision ont ainsi été nommées « Les quatre Fantastiques » au moment de la sortie d'un film Marvel éponyme et voilà maintenant que deux étoiles anormalement brillantes, et donc que l'on pouvait croire anormalement grandes, ont été baptisées non seulement des étoiles « kaiju » mais aussi Mothra et Godzilla comme on peut s'en convaincre en consultant un article déposé récemment sur arXiv et pas encore publié.

    Rappelons que Kaijū (怪獣?, litt. « bête étrange » ou « bête mystérieuse ») est un terme japonais pour désigner des créatures étranges, particulièrement des célèbres monstres géants au cinéma devenus iconiques, comme précisément Godzilla et Mothra ( モスラ, prononcé « Mo-su-ra » en version japonaise).


    Dans le vide, la lumière se déplace habituellement en ligne droite. Mais, dans un espace déformé par un corps céleste massif, comme une galaxie, cette trajectoire est déviée ! Ainsi, une source lumineuse située en arrière d’une galaxie a une position apparente différente de sa position réelle : c’est le phénomène de mirage gravitationnel. Cette vidéo est originaire du webdocumentaire « L’Odyssée de la Lumière » et a été intégrée au webdocumentaire « Embarquez avec la matière noire ». © CEA, Animea

    Des petites concentrations de matière noire grossissant des étoiles ?

    Ici, l'équipe de chercheurs dirigée par l'astrophysicienastrophysicien espagnole José Diego a appelé Mothra une étoile observée par le télescope spatial James-Webb sous le nom scientifique de EMO J041608.8−240358 telle qu'elle apparaissait il y a à peine plus de 10 milliards d'années. Le JWST a utilisé un effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle pour sonder plus facilement l'UniversUnivers observable à grande distance, ce qui rend bien sûr les étoiles plus brillantes, mais aussi bien Mothra que Godzilla -- qui dépasse en brillance Mothra au point de décrocher le titre d'étoile la plus brillante connue jusqu'à présent de la noosphère -- le sont trop pour l'effet de lentille causé par un amas de galaxie.

    En fait, tout indique que Mothra est en fait probablement un système binairesystème binaire composé de deux étoiles supergéantesétoiles supergéantes, une rouge et une bleue.

    L'étoile rouge est plus froide et plus sombre, avec une température de surface de corps noircorps noir d'environ 5 000 kelvinskelvins pour une luminositéluminosité de 50 000 SoleilsSoleils alors que l'étoile bleue possède une température de surface évaluée à 14 000 kelvins et a une luminosité d'environ 125 000 soleils.

    Pour rendre compte de l'excès de luminosité apparent, les astrophysiciens proposent l'existence d'une autre distribution de matièrematière présente entre Mothra et nous, et qui, par son champ de gravitationgravitation, ajoute un effet de lentille gravitationnelle supplémentaire.

    Mais, pour cela, il faut faire intervenir une concentration de matière noirematière noire, probablement sous la forme d'une galaxie naine (peut-être ultra-diffuse, ce qui poserait alors des questions), avec peu d'étoiles et contenant entre 10 000 et 2,5 millions de fois la massemasse du Soleil.

    Plusieurs images de l'arc lumineux provoqué par effet de lentille gravitationnelle par l'amas de galaxies MACS0416. © José Diego
    Plusieurs images de l'arc lumineux provoqué par effet de lentille gravitationnelle par l'amas de galaxies MACS0416. © José Diego
    Un zoom sur une des images précédentes montre Mothra. © José Diego
    Un zoom sur une des images précédentes montre Mothra. © José Diego

    Des limites sur les masses des particules de matière noire

    Le Modèle cosmologique standardModèle cosmologique standard prédit l'existence de petites concentrations de matière noire similaire et le fait qu'on l'observe aussi vite avec le JWST implique qu'il doit y en avoir beaucoup.

    Toutefois, si cette hypothèse est exacte, les caractéristiques de celles que l'on observerait aussi bien avec Mothra et Godzilla sont de nature à contraindre les types de particules de matière noire théoriquement possibles. Ce serait le cas en particulier des modèles avec les fameuses particules que l'on appelle génériquement des axions.

    On devrait en apprendre plus sur le sujet avec l'étude d'autres étoiles « kaiju » anormalement brillantes au regard de ce que l'on peut attendre des luminosités autorisées par la théorie standard et bien testée de la structure des étoiles (voir par exemple à ce sujet le célèbre ouvrage de Francis LeBlanc).