C’était une prédiction des astrochimistes des années 1970. Dans des nuages interstellaires on devait trouver le cation méthyle CH3+ à l'origine de molécules organiques plus complexes utilisables par une chimie prébiotique à l’origine de la Vie. Une équipe de chercheurs emmenée par un astrophysicien français vient de le trouver pour la première fois, grâce au télescope spatial James-Webb.


au sommaire


    Il y a plus de 50 ans, on pensait que lorsque les astronautes d'ApolloApollo arriveraient sur la Lune, ils pourraient être confrontés à des micro-organismesmicro-organismes ou pour le moins des molécules organiques complexes dans le régoliterégolite lunaire. A contrario, on pensait encore que les nuages interstellaires étaient chimiquement simples. On se trompait sur toute la ligne et la radioastronomie allait rapidement découvrir une large gamme de molécules dans ces nuages, stimulant une production théorique de la part des astrochimistes.

    Comme on savait déjà que des acides aminésacides aminés avaient été trouvés dans la fameuse météorite de Murchison on pouvait raisonnablement penser, dès les années 1970, que des réactions chimiques avaient produit dans le nuage moléculaire qui s'était effondré gravitationnellement pour donner notre SoleilSoleil, et un disque protoplanétairedisque protoplanétaire l'entourant, de nombreuses molécules prébiotiques en prélude à l'apparition de la Vie sur les planètes comme Mars et la Terre, alors en cours de formation il y a 4,5 milliards d'années. Ainsi, des acides aminés, des sucres et d'autres constituants de l'ARN étaient peut-être nés dans l'espace avant d'être apportés sur la Terre de l'HadéenHadéen par le bombardement des astéroïdesastéroïdes et des comètes.


    Sommes-nous seuls dans l’Univers ? Vous vous êtes peut-être déjà posé la question... On peut trouver des réponses dans les films, la littérature ou les bandes dessinées de science-fiction et notre imaginaire est peuplé de créatures extraterrestres ! Mais que dit la science à ce sujet ? Le site AstrobioEducation vous propose de partir à la découverte de l’exobiologie, une science interdisciplinaire qui a pour objet l’étude de l’origine de la vie et sa recherche ailleurs dans l’Univers. À travers un parcours pédagogique divisé en 12 étapes, des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines vous aideront à comprendre comment la science s’emploie à répondre aux fascinantes questions des origines de la vie et de sa recherche ailleurs que sur la Terre. © Société française d'exobiologie

    L'élusif cation méthyle

    Dès les années 1970, des astrochimistes avaient tiré de ces spéculations une prédiction concernant les mécanismes de production d'une chimiechimie organique complexe dans les nuages moléculaires interstellaires. Cette prédiction était celle d'un rôle important pour un radical chimique de formule CH3+ (encore appelé cationcation méthyle), très réactifréactif avec d'autres molécules carbonées. Il devait signaler sa présence par des raies spectralesraies spectrales en émissionémission bien caractéristiques dans le domaine de l'infrarougeinfrarouge. Mais curieusement, malgré des missions observant dans ce domaine depuis l'espace, sans l'obstacle de l'atmosphèreatmosphère terrestre, comme SpitzerSpitzer ou Hubble, la molécule de CH3+ n'avait encore jamais été identifiée dans un nuage moléculaire et encore moins dans un disque protoplanétaire.

    Ces images montrent en fausses couleurs la zone, au centre de la nébuleuse d'Orion, qui a été étudiée dans l’infrarouge avec le JWST. La plus grande image, à gauche, provient de l'instrument NIRCam de Webb. Sur la droite, le télescope se concentre sur une zone plus petite, où l'équipe a utilisé l'instrument Miri de Webb pour approfondir son étude. La région capturée ici avec des détails époustouflants par Webb est connue sous le nom de barre d'Orion. Il s'agit d'un front d'ionisation, où la lumière ultraviolette de l'amas du trapèze – situé dans le coin supérieur gauche – interagit avec des nuages moléculaires denses. L'énergie du rayonnement stellaire érode lentement la barre d'Orion, ce qui a un effet sur les molécules et la chimie des disques protoplanétaires qui se sont formés autour des étoiles naissantes. Au centre même de la zone Miri, se trouve un disque protoplanétaire nommé d203-506. En bas à droite, s’affiche une image combinée NIRCam et Miri de ce jeune système. Sa forme allongée est due à la pression des rayons ultraviolets agressifs qui la frappent. © ESA/Webb, Nasa, CSA, M. Zamani (ESA/Webb), the PDRs4All ERS Team
    Ces images montrent en fausses couleurs la zone, au centre de la nébuleuse d'Orion, qui a été étudiée dans l’infrarouge avec le JWST. La plus grande image, à gauche, provient de l'instrument NIRCam de Webb. Sur la droite, le télescope se concentre sur une zone plus petite, où l'équipe a utilisé l'instrument Miri de Webb pour approfondir son étude. La région capturée ici avec des détails époustouflants par Webb est connue sous le nom de barre d'Orion. Il s'agit d'un front d'ionisation, où la lumière ultraviolette de l'amas du trapèze – situé dans le coin supérieur gauche – interagit avec des nuages moléculaires denses. L'énergie du rayonnement stellaire érode lentement la barre d'Orion, ce qui a un effet sur les molécules et la chimie des disques protoplanétaires qui se sont formés autour des étoiles naissantes. Au centre même de la zone Miri, se trouve un disque protoplanétaire nommé d203-506. En bas à droite, s’affiche une image combinée NIRCam et Miri de ce jeune système. Sa forme allongée est due à la pression des rayons ultraviolets agressifs qui la frappent. © ESA/Webb, Nasa, CSA, M. Zamani (ESA/Webb), the PDRs4All ERS Team

    Le regard infrarouge du James-Webb

    Mais tout vient de changer à cet égard grâce aux instruments MiriMiri et NIRSpecNIRSpec du télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb, comme le montre une publication dans le journal Nature que l'on doit à une équipe internationale impliquant des scientifiques français des laboratoires CNRS-INSU et INP. La molécule de méthyle cation a été trouvée dans un disque protoplanétaire connu sous le nom de d203-50 autour d'une étoileétoile jeune (une naine rougenaine rouge avec une massemasse d'environ un dixième de celle du Soleil) dans la nébuleuse d’Orion, à environ 1 350 années-lumièreannées-lumière du Soleil.

    On sait que dans ce genre d'environnement la matièrematière est soumise à un fort rayonnement ultravioletultraviolet provenant d'étoiles massives voisines et selon les chercheurs, ce serait précisément ce type de rayonnement qui conduirait à la formation de CH3+.

    C'est notamment ce qu'explique dans un communiqué de l'ESAESA l'auteur principal de l'article de Nature, Olivier Berné de l'Université de Toulouse, qui a déclaré que cette découverte « montre clairement que le rayonnement ultraviolet peut complètement changer la chimie d'un disque protoplanétaire. Il pourrait en fait jouer un rôle critique dans les premiers stades chimiques des origines de la vie en aidant à produire du CH3+ - quelque chose qui a peut-être été sous-estimé auparavant ».


    Le télescope spatial James-Webb embarque une série de quatre instruments (Miri, NIRSpec, Niriss et NIRCam), conçus pour observer les objets les plus lointains. En particulier, l'instrument Miri (Mid-infrared instrument) est constitué d’une caméra et d’un spectromètre agissant dans l’infrarouge moyen de 5 à 28 micromètres de longueur d’onde, ce qui devrait lui permettre de révéler la formation des galaxies, il y a treize milliards d'années, ou encore d’observer la formation des étoiles et des planètes. Explications de l’instrument Miri dans cette vidéo d'animation. © CNRS