Il y a 74 000 ans, une super-éruption du volcan Toba, situé en Indonésie, aurait précipité le climat terrestre dans une nouvelle glaciation. Ce scénario catastrophique vient cependant d’être remis en cause par une nouvelle étude. Il ne s’agirait en effet pas d’une unique et cataclysmique éruption de quelques jours, mais au contraire d’une longue séquence éruptive s’étalant sur plusieurs dizaines de milliers d’années !


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    La période Quaternaire (-2,6 millions d'années) est marquée par une série de glaciations. La corrélation de ces alternances climatiques avec les cycles de Milankovitch suggère qu'elles sont principalement causées par les variations des paramètres orbitaux de la Terre. Mais il n'est pas exclu que certains facteurs aient pu influencer les transitions entre périodes chaudes et froides. Le volcan indonésien Toba, sur l'île de Sumatra, est ainsi suspecté d'avoir perturbé le climat terrestre il y a environ 74 000 ans, accélérant l'entrée de la Terre dans une nouvelle période glaciaire. La caldera du Toba est en effet la plus grande du Quaternaire et suggère que le volcan a connu une activité éruptiveéruptive exceptionnellement puissante. Entre 2 800 et 5 300 km3 de magmamagma auraient été émis ainsi que de formidables volumesvolumes de cendres, que l'on retrouve aujourd'hui dans une grande partie des dépôts sédimentaires de l'hémisphère sudhémisphère sud. Ces rejets massifs de particules et de gazgaz dans l'atmosphèreatmosphère auraient provoqué un hiver volcaniquehiver volcanique, impactant le climat au moment critique de la dernière transition interglaciaire-glaciaire.

    La caldeira du Toba est aujourd'hui occupée par un immense lac de 80 kilomètres de long environ. © Trond Ryberg, GFZ
    La caldeira du Toba est aujourd'hui occupée par un immense lac de 80 kilomètres de long environ. © Trond Ryberg, GFZ

    Une activité volcanique multiphase plutôt qu’une seule et unique super-éruption

    Pour de nombreux scientifiques, cette activité volcanique aurait été de courte duréedurée, de quelques jours seulement, s'apparentant ainsi à une super-éruption. Pourtant, le débat reste ouvert concernant l'enchaînement exact des événements. Une nouvelle étude vient d'ailleurs remettre en question ce scénario impliquant une éruption unique et cataclysmique.

    De récentes analyses géochimiques de carottes de glacecarottes de glace polaire suggèrent en effet qu'il n'y aurait pas eu une, mais plusieurs éruptions du Toba autour de 74 000 ans. L'identification du volcan en cause restait cependant mal contrainte. Benoît Caron, de l'Institut des sciences de la Terre de Paris, et ses collègues ont finalement confirmé cette hypothèse en analysant des sédimentssédiments marins récupérés au large de Sumatra et contenant des dépôts volcaniques tous clairement attribués au Toba. Les chercheurs ont ainsi pu identifier 17 événements volcaniques différents. Ils ont été regroupés en trois grandes phases éruptives successives survenues entre 103 000 et 76 000 ans pour la première (sept éruptions distinctes), entre 76 000 et 65 000 ans pour la seconde (six éruptions distinctes) et entre 65 000 et 48 000 ans pour la dernière (quatre éruptions distinctes).  

    Un impact plus important sur le climat qu’une éruption puissante mais courte

    Le Toba n'aurait donc pas connu une seule et unique super-éruption, mais au contraire une longue séquence de différentes phases volcaniques comprenant chacune plusieurs événements explosifs. C'est donc toute l'histoire éruptive de ce volcan qui est revisitée. Les résultats ont été publiés dans la revue Scientific Reports.

    Il apparaît que le pic d'intensité se serait d'ailleurs produit durant la seconde phase, entre 76 000 et 65 000 ans, soit au moment de la transition vers la dernière période glaciaire. Ces résultats appuient donc l'idée que les éruptions à répétition du Toba ont pu bel et bien précipiter l'entrée dans une nouvelle glaciation. Ce nouveau scénario est d'ailleurs plus crédible que celui d'une seule et unique super-éruption de très courte durée, dont les effets sur le climat auraient été bien moins importants qu'une activité volcanique quasi continue sur une période de plusieurs dizaines de milliers d'années.

    La période glaciaire commencée il y a 74 000 ans aurait entraîné la disparition d'une grande partie de la faune et de la flore du Pléistocène. © Mauricio Antón, Wikimedia Commons, CC by 2.5
    La période glaciaire commencée il y a 74 000 ans aurait entraîné la disparition d'une grande partie de la faune et de la flore du Pléistocène. © Mauricio Antón, Wikimedia Commons, CC by 2.5

    Cette nouvelle étude souligne l'impact que peut avoir une activité volcanique multiphase sur le climat global de la planète. L’activité du Toba aurait d’ailleurs pu jouer un rôle primordial dans l’évolution humaine en soumettant les humains à un stressstress volcanique et climatique, les forçant à s'adapter. Cette période est d'ailleurs considérée comme charnière dans le développement d'Homo sapiensHomo sapiens.