Tous les reptiles loufoques du Mésozoïque ne sont pas des dinosaures. Durant la première période de cette « ère des dinosaures », le Trias, de nombreux autres groupes de reptiles ont prospéré et beaucoup d’espèces ont vu le jour. Elles ont développé une multitude de morphologies variées et étonnantes !


au sommaire


    Saviez-vous que les ptérosaures n'étaient pas des dinosaures ? Ce sont deux groupes proches mais bien distincts apparus au Trias, alors que les écosystèmes se remettaient d'un événement d’extinction massive. Après l'épisode pluvial du Carnien, qui a bouleversé le climat mondial il y a environ 234 millions d'années, ces taxons ont vu leur diversité et leur distribution géographique s’accroître considérablement. Mais ils n'étaient pas les seuls ! De nombreux autres reptilesreptiles, qualifiés de taxons « précurseurs », parents des ptérosaures et des dinosaures, se sont aussi développés au Trias. Une équipe dirigée par le paléontologuepaléontologue Rodrigo T. Müller de l'université fédérale de Santa Maria (Brésil) a décrit l'étonnante anatomieanatomie d'un nouveau représentant de ces reptiles dans une étude récemment parue dans la revue Nature.

    Reconstitution artistique de ce à quoi aurait pu ressembler <em>Venetoraptor</em>, exécutée en collaboration avec les paléontologues. Ces derniers ont auparavant établi l’aspect probable de son squelette, dont ils ont reconstitué les parties manquantes en se basant sur les restes connus de reptiles proches, comme <em>Ixalerpeton polesinensis</em>. © Caio Fantini
    Reconstitution artistique de ce à quoi aurait pu ressembler Venetoraptor, exécutée en collaboration avec les paléontologues. Ces derniers ont auparavant établi l’aspect probable de son squelette, dont ils ont reconstitué les parties manquantes en se basant sur les restes connus de reptiles proches, comme Ixalerpeton polesinensis. © Caio Fantini

    Des reptiles uniques en leur genre

    Depuis quelques années, les nombreuses découvertes de taxons proches des dinosaures et des ptérosaures éclairent l'origine de leurs lignées. Aux côtés de ces deux groupes emblématiques, qui deviendraient les tétrapodestétrapodes le plus répandus durant le reste du Mésozoïque, un ensemble diversifié de reptiles était distribué sur toute la PangéePangée, comme les silésauridés et les lagerpétidés. C'est à cette dernière famille proche des ptérosaures qu'appartient l'espèceespèce nouvellement décrite, baptisée Venetoraptor gassenae

    Le fossilefossile brésilien a été dégagé d'une stratestrate datée d'environ 233 millions d'années, qui a également livré certains des plus vieux dinosaures jamais découverts ! Il est relativement complet et conserve une partie du crânecrâne et du membre antérieur, qui présentent justement chez Venetoraptor de curieuses particularités. Le crâne partiel de ce petit reptile de moins d'un mètre de long est terminé par un étonnant becbec ressemblant à celui d'un rapacerapace, qui pourrait avoir été recouvert d'une couche de kératinekératine comme l'est aujourd'hui celui des oiseaux. Ce sont deux caractères très rares chez les ptérosauromorphes, le groupe qui rassemble les ptérosaures et les lagerpétidés.

    Matériel fossile et reconstruction squelettique de <em>Venetoraptor gassenae</em>. Les éléments préservés sont colorés en brun clair. a) Reconstruction du crâne. La présence de dents est hypothétique. b, c et d) Fragments de l’os prémaxillaire (mâchoire supérieure), et du dentaire (mâchoire inférieure). e) Région orbitaire du crâne. f et g) Boîte crânienne. h, i, j et k) Vertèbres cervicales, dorsale et caudale. l) Reconstruction squelettique. m et n) Avant-bras et main (manus), zoom sur le coude. o) Phalanges de la main supportant les griffes. p) Os pubien. q, r et s) Fémur complet, vue inférieure, zoom sur la partie supérieure. Barres d’échelle : 1 centimètre (a, m, q), 2 millimètres (b–d, h–k), 5 millimètres (e–g, n–p, r, s) et 10 centimètres (l). © Müller <em>et al</em>. (2023)
    Matériel fossile et reconstruction squelettique de Venetoraptor gassenae. Les éléments préservés sont colorés en brun clair. a) Reconstruction du crâne. La présence de dents est hypothétique. b, c et d) Fragments de l’os prémaxillaire (mâchoire supérieure), et du dentaire (mâchoire inférieure). e) Région orbitaire du crâne. f et g) Boîte crânienne. h, i, j et k) Vertèbres cervicales, dorsale et caudale. l) Reconstruction squelettique. m et n) Avant-bras et main (manus), zoom sur le coude. o) Phalanges de la main supportant les griffes. p) Os pubien. q, r et s) Fémur complet, vue inférieure, zoom sur la partie supérieure. Barres d’échelle : 1 centimètre (a, m, q), 2 millimètres (b–d, h–k), 5 millimètres (e–g, n–p, r, s) et 10 centimètres (l). © Müller et al. (2023)

    Des traits qui préfigurent les maîtres du ciel ?

    Un autre trait particulièrement intéressant chez V. gassenae, ce sont les doigts qui portent ses longues griffes acérées. Ce membre antérieur étend la gamme morphologique rencontrée chez les parents des dinosaures et des ptérosaures. Il est proportionnellement grand par rapport à celui des autres lagerpétidés, et l'augmentation graduelle de la longueur des métacarpesmétacarpes du doigt I ou doigt IV a plus tendance à se retrouver chez les ptérosaures. 

    Illustration des différentes morphologies retrouvées au Trias chez le groupe rassemblant les dinosaures et les ptérosaures. Parmi les lagerpétidés, <em>V. gassenae</em> (d, i) est celui chez qui la main est la plus grande proportionnellement, et dont le quatrième métacarpe (mc IV) est le plus allongé. a, f) <em>Gnathovorax cabreirai</em> (dinosaure). b, g) <em>Scleromochlus taylori</em> (lagerpétidé). c) <em>Ixalerpeton polesinensis</em> (lagerpétidé). d,i) <em>Venetoraptor gassenae</em> (lagerpétidé). e, j) <em>Seazzadactylus venieri</em> (ptérosaure). h, <em>Dromomeron romeri</em> (lagerpétidé). © Müller <em>et al</em>. (2023)
    Illustration des différentes morphologies retrouvées au Trias chez le groupe rassemblant les dinosaures et les ptérosaures. Parmi les lagerpétidés, V. gassenae (d, i) est celui chez qui la main est la plus grande proportionnellement, et dont le quatrième métacarpe (mc IV) est le plus allongé. a, f) Gnathovorax cabreirai (dinosaure). b, g) Scleromochlus taylori (lagerpétidé). c) Ixalerpeton polesinensis (lagerpétidé). d,i) Venetoraptor gassenae (lagerpétidé). e, j) Seazzadactylus venieri (ptérosaure). h, Dromomeron romeri (lagerpétidé). © Müller et al. (2023)

    Pour les auteurs de l'étude, il est difficile de déterminer le comportement de V. gassenae en se basant sur ses particularités anatomiques, notamment car le bec crochu est associé chez les animaux actuels à des régimes alimentaires très différents. Les rapaces ont bien entendu l'habitude de s'en servir pour déchirer la chair de leurs proies, mais ce n'est pas le cas d'autres oiseaux comme les perroquets. Cependant, les grandes mains aux longs doigts griffus de Venetoraptor, très spécialisées, semblent avoir eu une grande mobilité et avoir été capables de saisir des objets. Couplés avec le bec crochu, ces traits pourraient indiquer que le lagerpétidé se servait de ses membres antérieurs pour attraper et immobiliser d'éventuelles proies, mais aussi pour grimper !