Il y a un peu plus d’un an, quelques volontaires s’enfermaient dans une grotte avec Christian Clot pour une expérience inédite. Cette fois, l’aventurier chercheur a décidé d’emmener son équipe pour trois incursions dans des milieux extrêmes. Une odyssée destinée à comprendre comment l’humain peut s’adapter aux changements climatiques qui l’attendent. Stéphane Besnard, le responsable médical et le co-directeur scientifique des études des expéditions, nous présente les enjeux du projet Deep Climate.


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    Vous vous souvenez peut-être de Deep Time. 40 jours, 15 volontaires, 1 grotte. Une expérience hors du temps qui avait été imaginée par l'explorateur chercheur Christian ClotChristian Clot et son équipe du Human Adaptation Institut (HAI). Objectif : comprendre notre rapport au temps.

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    Aujourd'hui, voici l'équipe repartie pour une nouvelle aventure. Celle tout aussi exceptionnelle de Deep Climate. Avec dans l'idée, cette fois, de comprendre notre rapport au climat. En confrontant 20 volontaires - 10 hommes et 10 femmes dont une partie était déjà de l'expérience Deep Time - vivant habituellement sous un climat tempéré à des environnements « un peu plus extrêmes ». Depuis quelques jours, la chaleurchaleur et l'humidité de la forêt équatoriale de Guyane. D'ici quelques semaines, le climat froid et sec de la Laponie. Et pour finir, les conditions chaudes et arides qui règnent dans les déserts du Moyen-Orient.

    « L'objectif, nous explique Stéphane Besnard, le responsable médical et le co-directeur scientifique des études de Deep Climate, c'est de comprendre quelles sont nos capacités de résistancerésistance et d'adaptation face à des environnements qui passent du très chaud au très froid. Et vice versa. Mais surtout, de mesurer, pour la première fois, de façon transversale et longitudinale les capacités opérationnelles, des individus et du groupe, dans ce genre de situation. » Car, entre 1970 et 1990, de nombreuses études ont été réalisées pour explorer la façon dont le corps humain s'acclimate au chaud ou au froid, mais elles sont beaucoup plus rares concernant nos performances cérébrales (cognitioncognition : niveau d'attention, capacité de raisonnement, de jugement, d'orientation, de navigation, niveau émotionnel) dans ce type de conditions.

    Le saviez-vous ?

    28 °C de température extérieure, c’est ce que les scientifiques appellent la zone de neutralité thermique. Une sorte de température de confort pour notre corps. La température à laquelle notre métabolisme de base suffit à maintenir notre corps à 37 °C, sans avoir à produire ou évacuer de chaleur supplémentaire.

    « En devenant homéothermes (température centrale constante), les dinosaures puis les mammifères, les oiseaux et les primatesprimates, nous, les humains, ont pu explorer des régions du globe qui étaient moins accessibles aux espècesespèces plus anciennes comme les reptilesreptiles, hétérothermeshétérothermes c'est-à-dire ayant une température centrale proche de la température extérieure/ambiante. Nous maintenons notre corps à 37 °C. C'est la température qui permet d'optimiser le fonctionnement de nos cellules », nous rappelle Stéphane Besnard. L'ennui, c'est que depuis 20 à 30 ans, à grand renfortrenfort de systèmes de chauffage puis de climatisationclimatisation, nous avons créé des environnements de plus en plus cocooning. « Nous gardons la capacité à réguler notre température interne à 37 °C, mais des études montrent que nous perdons notre capacité à résister aux fortes chaleurs tout comme aux températures basses. »

    Quelles aptitudes à l'adaptation ?

    Ce ne serait peut-être pas un problème sans le réchauffement climatique d'une part et la crise énergétique de l'autre. « Nous ne pourrons pas tous vivre à 21 °C, hiverhiver comme été. Aujourd'hui, il y a environ 1,5 milliard de climatiseurs dans le monde. Demain, avec la demande qui augmente en Chine et en Inde, par exemple, il y en aura cinq fois plus. Où trouverons-nous les ressources énergétiques pour les alimenter ? » Pour le responsable médical de Deep Climate, « sauf à découvrir une source d'énergieénergie colossale et non polluante, l'équationéquation n'est pas soluble. Nous allons devoir réapprendre à vivre et à travailler dans des conditions de chaleur un peu plus "extrêmes" ».

    On comprend mieux l'enjeu des trois expéditions menées par Christian Clot. Étudier notre rapport au climat pour comprendre nos aptitudes à l’adaptation face aux nouvelles conditions de vie qui nous attendent dans le contexte de changement climatiquechangement climatique. De nouvelles conditions presque comme de nouveaux mondes. Pour comprendre aussi comment évoluer dans nos fonctionnements collectifs et individuels dans cet environnement bouleversé.

    « Nous souhaitons travailler ces questions-là avec des militaires, très entrainés mais il nous faut surtout élargir à la population civile et travailler avec des gens comme vous et moi. C'est important pour répondre aux besoins de demain et presque d'aujourd'hui, nous précise Stéphane Besnard. Parce que c'est dans la vie de tous les jours que les applicationsapplications seront les plus nombreuses. »

    Mieux mesurer pour mieux prévenir

    Pensez aux pompiers. Ceux qui ont connu des syndromessyndromes d'effondrementeffondrement, en luttant contre les flammes en Gironde, l'été dernier. « Ce n'était pas uniquement une question de thermorégulation. C'était un tout. Le manque de sommeilsommeil, la baisse de vigilance. Arrive un moment où le corps humain dit stop. » Pensez aussi aux travailleurs du quotidien. Ceux du bâtiment ou des travaux publics. Leurs conditions de travail vont rapidement devenir intenables. Peut-être pas tant en France. Mais dans les pays du pourtour méditerranéen, assurément. « Notre objectif est de mieux pouvoir les suivre. Mieux mesurer pour mieux prévenir. Éviter les moments de stressstress et d'effondrement. Pouvoir également extraire les personnes de ces environnements difficiles avant la catastrophe. »

    « Notre objectif ultime, c'est de trouver des marqueurs de bonne ou, au contraire, de mauvaise adaptation. Des marqueurs communs, mais aussi des marqueurs individuels. Car c'est la médecine de demain. Ce serait le Graal pour nous. Construire un système de mesure adapté à chaque individu. Avec les meilleurs marqueurs pour chacun. Nous n'y arriverons pas entièrement à partir des seules données de Deep Climate. Mais ce sera une belle première brique », conclut pour nous Stéphane Besnard.

    Conclut ? Sur cette partie seulement. Parce qu'il est passionné et qu'il lui reste encore beaucoup de choses à nous raconter. Comment une telle aventure s'organise, notamment. Parce que sortir du laboratoire pour aller mesurer l'humain sur le terrain, ce n'est pas si simple...