L’eau douce est une ressource précieuse et sa quantité diminue dans plus de la moitié des lacs et réservoirs du monde, relate une étude. Les conséquences de ce déclin sont nombreuses, d’où l’importance d’une meilleure gestion au niveau mondial mais aussi au niveau régional.


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    La quantité d'eau diminue dans plus de la moitié des lacs et réservoirs du monde, menaçant une source vitale d'eau douce, selon une nouvelle étude qui attribue largement cette tendance au réchauffement climatique et à leur utilisation excessive par les humains. Environ un quart de la population mondiale vit dans une zone comportant un lac ou un réservoir (plan d'eau régulé par un barrage) qui s'assèche, alerte cette étude publiée dans la prestigieuse revue Science.

    « Les lacs sont en danger au niveau mondial, et cela a de vastes implications, a déclaré à l'AFP Balaji Rajagopalan, professeur à l'université de Colorado Boulder, et co-auteur de l'étude. Ils permettent aux sociétés et à l'humanité de vivre, et pourtant ils ne reçoivent pas le respect qu'ils méritent ». Les lacs couvrent environ 3 % de la surface terrestre, mais représentent 87 % de l'eau douce liquideliquide sur Terre. Ils sont utilisés pour la consommation humaine, l'agriculture, ou encore la production d'électricité

    De précédents travaux se sont déjà penchés sur le déclin des plus gros lacs individuellement. Mais cette étude est la première à offrir une vue détaillée des tendances au niveau mondial, et des causes des changements observés, grâce aux observations de satellites. Au total, les chercheurs ont étudié 1 972 étendues d'eau, représentant la vaste majorité des lacs naturels (en se concentrant sur ceux de plus de 100 km2) et des réservoirs. Sur la période de quasiment 30 ans étudiée (de 1992 à 2020), l'étude conclut qu'ils se sont vidés de l'équivalent de toute la consommation en eau des États-Unis en 2015. 

    Environ un quart de la population mondiale réside dans une zone comportant un lac ou un plan d'eau régulé par un barrage qui s'assèche. © AnArtificialWonder, Adobe Stock
    Environ un quart de la population mondiale réside dans une zone comportant un lac ou un plan d'eau régulé par un barrage qui s'assèche. © AnArtificialWonder, Adobe Stock

    L'effet du réchauffement climatique sur les lacs même dans les régions humides

    L'étude comporte un résultat inattendu : les lacs perdent non seulement de l'eau dans les zones arides, mais également dans les régions humides. 

    « On considère généralement que quand le climat se réchauffe, les régions arides s'assèchent encore plus, et que les régions humides deviennent plus humides », explique Balaji Rajagopalan. Mais même dans ces dernières, « les lacs sont en déclin », ce qui est « surprenant », a-t-il souligné, en donnant l'exemple de l'Inde. Pour déterminer les causes des tendances observées, les scientifiques ont découpé leur analyse en fonction du type d'étendue d'eau. 

    Pour les lacs naturels, ils attribuent environ la moitié des pertes en eau aux activités humaines et aux températures en hausse, qui provoquent une évaporation accrue - ce dernier facteur étant lié au changement climatique. 

    Mais un autre facteur important, à savoir le manque de précipitationsprécipitations, « peut aussi être attribué au changement climatique à certains endroits », relève Balaji Rajagopalan. De plus, humains ou troupeaux peuvent être amenés à consommer davantage d'eau à cause de températures plus élevées. « Clairement, l'empreinte du changement climatique est déjà là », dit le chercheur. 

    Concernant les réservoirs, la constructionconstruction de nouveaux barrages a permis d'accroître globalement leur volumevolume d'eau, mais près de deux tiers des gros réservoirs sont en déclin. L'accumulation de sédimentssédiments était le principal facteur réduisant leur capacité de stockage, même si les sécheressessécheresses en affectent également certains, comme dans le sud-ouest des États-Unis. 

    Les conséquences de ce déclin sont nombreuses. Le manque d'eau peut provoquer des déplacements de population. La qualité de l'eau peut aussi être affectée si le niveau d'un lac est bas. Comme les océans, les lacs stockent en outre du carbonecarbone, et ne jouent plus ce rôle lorsqu'ils disparaissent, aggravant en retour le réchauffement climatique. 

    Provoquer une prise de conscience

    Mais le message des chercheurs n'est pas fataliste : ils cherchent au contraire à provoquer une prise de conscience. 

    Il n'est pas trop tard pour intervenir

    Pour certains lacs, « il n'est pas trop tard pour intervenir », souligne Balaji Rajagopalan. Les décideurs sont maintenant « armés d'informations ». Une carte interactive a été créée à partir des résultats de l'étude, détaillant la tendance observée pour chaque lac.

    « Un déclin mondial de la disponibilité en eau est inquiétant, mais ne doit pas éclipser les différences régionales, a commenté pour l'AFP Hilary Dugan, spécialiste en limnologie à l'université du Wisconsin à Madison. Comprendre les variations lac par lac donnera aux responsables une meilleure compréhension des risques dans leur juridiction. » 

    Les auteurs de l'étude plaident pour davantage de contrôles et de suivis, notamment des plus petits lacs bénéficiant de moins d'attention, et pour une gestion au niveau régional, en considérant plusieurs lacs en même temps, sur le modèle de la gestion des rivières par plusieurs juridictions à la fois. 

    Enfin, ils soulignent l'importance des mesures préventives, comme le report sur une autre source en eau si le seuil d'un lac atteint un niveau critique. « Les lacs sont d'une importance capitale. Nous devons en prendre soin, et ils prendront soin de nous », martèle Balaji Rajagopalan.