Première expérience française de vote à grande échelle par Internet, l'élection des représentants de l'Assemblée des Français de l'Etranger (AFE), le 18 juin dernier (tout un symbole), fut “ une ‘première' mitigée ” selon l'AFP, un “ flop ” pour 01net.

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    Vote électronique

    Vote électronique

    En cause : la procédure de préinscription trop compliquée, pour ne pas dire confuse, et que dénoncent plusieurs sénateurs. Un "mélange d'incompétence, de peur, de gens qui n'y comprennent rien et de désorganisation" pour Pierre Muller, responsable de recul-democratique.org, un site de "citoyens et informaticiens critiques envers le vote électronique".

    Sur les 525 000 électeurs potentiels, seuls 28 000 avaient ainsi choisi l'option internet. A l'arrivée, 10 119 personnes seulement ont réellement voté en ligne, soit 14% des votants (le nombre total des suffrages exprimés étant lui aussi, et seulement, de 14%).

    Les rapports des deux experts informatiques, Bernard LangBernard Lang pour l'Union des Français de l'Étranger (UFE, proche de l'UMP) et François Pellegrini, pour l'Association Démocratique des Français à l'Étranger (ADFE, proche du PSPS), mandatés pour auditer la procédure de vote viennent aujourd'hui enfoncer le clou.

    Nombreux étant ceux qui doutent déjà de la fiabilité du vote par internet, les risques de malversation, de piratage ou de bugsbugs informatiques qu'ils recensent - et qui ont déjà conduit à l'abandon du projet d'e-vote américain, par exemple -, pouvant en effet s'avérer désastreux.

    Mais le principal problème ne serait pas là. Les deux experts estiment de concert que c'est le fait même de transposer, par le biais de l'informatique, la procédure de vote démocratique qui ne permet pas de respecter sinon le texte de la loi, tout du moins son esprit.

    “Ce ne serait pas un service à rendre à la démocratie”

    Ainsi, les concepteurs du système n'ont pas anticipé la possibilité qu'un bureau de vote ne recueille le suffrage que d'un très faible nombre de votants - un seul à Kaboul, par exemple -, de sorte que, note Pellegrini, "le déroulement de ce scrutin pose un grave problème de violation du secret du vote de certains électeurs". La procédure pourrait dès lors être contestée, et l'élection annulée.

    Les experts recensent nombre d'autres effets collatéraux de la transposition du monde physiquephysique au monde virtuel de la procédure du vote démocratique : comment les assesseurs pouvaient-ils garantir l'intégrité du vote dès lors qu'ils en étaient réduits à vérifier, par écran de vidéosurveillance interposé, que personne n'entrait dans la salle machine où se trouvaient le système informatique gérant le suffrage ?

    La vidéo ne permettait aucunement de vérifier ce qui se passait à l'intérieur des ordinateurs, et encore moins de s'assurer de la qualité du code source des logiciels utilisés, non plus que de l'intégrité des flux de données, sans même parler de la sécurité des ordinateurs des votants. De plus, certaines des recommandations de la CNILCNIL et du Forum des Droits de l'Internet n'ont pas été respectées, et les audits logiciels ont été effectués, non pas par des personnalités indépendantes, mais par des représentants du maître d'oeuvre et du maître d'ouvragemaître d'ouvrage...

    En résumé, et alors que dans un vote "classique", dont la procédure, relativement simple, est compréhensible par tout un chacun, et que les urnes sont transparentes, les isoloirs fermés et individuels, le dépouillement public et le décompte vérifiable, dans l'expérience du 18 juin dernier, dont la complexité en a dérouté plus d'un, ni les assesseurs, ni les isoloirs, ni les urnes, ni le dépouillement, ni le décompte n'offraient de garanties suffisantes.

    Or, comme le souligne Bernard Lang, "le défi essentiel auquel est confronté le vote électronique est l'étendue de la confiance que lui accorde l'électeur". Pour Pellegrini, "le mécanisme le plus fiable reste le vote par correspondance papier, le vote dématérialisé n'offre aucune contrôle, et permet une portée de fraude considérable (...) Ce ne serait pas un service à rendre à la démocratie".