Je travaille au Commissariat à l'Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA), sur plateau de Saclay. Je suis responsable du bureau d'études mécaniques de l'Institut de Recherche sur les lois Fondamentales de l'Univers, l'Irfu. Avec mes collègues ingénieurs et projeteurs (on parle aussi de dessinateurs industriels), notre mission consiste à donner vie aux grands instruments de la physique. Nous sommes les architectes de leur structure mécanique, les garants de l'intégration des sous-systèmes qui les composent.
Les physiciens ont besoin de machines pour explorer l'infiniment grand et l'infiniment petit. Notre compréhension des mystères de l'Univers repose sur la manipulation, l'observation et la détection de rayonnements lointains ou infimes. Ce sont précisément les fonctions de nos drôles de machines : accélérateurs de particules constitués d'aimants et de cavités accélératrices, télescopes, détecteurs spatialisés (c'est-à-dire lancés dans l'espace à l'aide de satellites), détecteurs de particules enfouis sous terre ou sous la mer... Pour repousser toujours plus loin les limites de la connaissance, il faut sans cesse inventer, améliorer, complexifier... repousser toujours plus loin les limites de la technologie.
Je suis ingénieur mécanicien. Je m'intéresse principalement à l'architecture des aimants supraconducteurs. Leur fonction est de délivrer un champ magnétique très intense. À quoi ça sert ? À dévier la trajectoire de particules très énergétiques pour mieux les reconnaître par exemple. Ou bien à confiner un plasma ultra-chaud pour permettre la fusion nucléaire. Ou encore à réaliser des images très précises du corps humain. Pour gagner en performance et ouvrir de nouveaux horizons, nous cherchons sans relâche à améliorer les performances de ces aimants supraconducteurs. Ce n'est pas chose facile : de nombreux spécialistes doivent se mettre autour de la table : magnéticiens, mécaniciens, thermiciens, cryogénistes, électriciens, physiciens, producteurs de câble...
J'utilise des outils de simulation numérique pour créer des prototypes virtuels sur ordinateur, qui permettent de simuler le fonctionnement et d'optimiser par le calcul la géométrie des pièces. Ces modèles 3D sont ensuite transformés en plans qui permettront de fabriquer et d'assembler les composants de nos machines.
Au-delà de la recherche fondamentale, nos technologies présentent des applications sociétales. Ainsi l'imagerie par résonance magnétique (IRM), met à profit des technologies que nous avons acquises en travaillant sur les accélérateurs de la physique des particules pour étudier le fonctionnement du cerveau. Climat, santé, énergie, communication : les points de convergence sont nombreux et les défis passionnants, pour la physique comme pour la technologie.
En tant que scientifique mais surtout en tant que citoyen, je suis passionné par toutes ces interfaces entre science et société, dont l'énergie est sans doute la plus emblématique. C'est ainsi que je me penche en parallèle de mon travail quotidien sur cette thématique fabuleusement complexe et technique qui reste pour autant intimement liée à nos vies humaines.