Enseignant-chercheur : Ces deux mots accolés caractérisent la vie de nombreux universitaires. A la différence d'un chercheur du CNRS qui peut consacrer toute sa journée à un programme de recherche, ma journée d'universitaire commençait souvent par des cours en amphithéâtre avant que le laboratoire ne reprenne ses droits. J'aimais particulièrement les enseignements avec les plus jeunes et, en particulier, avec ceux qui disaient ne pas aimer la physique et qu'il fallait convertir ! Je ne fais plus d'enseignement, ayant dépassé l'âge de la retraite, mais je continue à vivre dans un laboratoire de recherche à Jussieu (Paris 5).
Le labo : J'ai toujours aimé ce temps privilégié qui, contrairement au cas d'autres chercheurs, a été une vie d'équipe, au point que l'on ne savait parfois plus qui avait trouvé en premier quoi ! Mon premier maître dans le lointain passé, Pierre Gilles de Gennes prix Nobel, aimait à publier ces travaux d'équipe sous une appellation telle que « le groupe d'Orsay des cristaux liquides ». Aujourd'hui, l'équipe de recherche à laquelle je suis associé a pris le nom ( bizarre !) de « mecawet », mot qui associe un intérêt pour la mécanique et des propriétés liées aux liquides. C'est avec trois chercheurs (beaucoup plus jeunes que moi) José Bico, Etienne Reyssat et Benoit Roman qu'a été publié chez Flammarion, il y a quatre mois Du mystérieux caché dans le quotidien ; la physique de l'élégance. Il associe des résultats liés à l'activité de recherche et des informations scientifiques provenant de la communauté universitaire pour produire un livre accessible a un large public. Nous avions antérieurement créé ensemble une grande exposition au Palais de la Découverte « Ruptures » présentant une cinquantaine d'expériences.
Le repas : C'est un moment privilégié, qu'il s'agisse du sandwich mangé en vitesse, du repas à la cantine ou dans un bistro proche. C'est le temps où on échange informellement sur ce que chacun a fait, celui de rencontres imprévues qui conduisent parfois à de nouvelles collaborations. De même, des rencontres dans les couloirs des congrès , des « pots » après une thèse, peuvent être aussi féconds que l'audition d'un exposé même bien construit !
Cette vie professionnelle a été l'occasion de collaborations durables : une dizaine d'années très fécondes à l'Université de Californie Los Angeles, une autre décennie avec l'Université du Chili (dont je suis Docteur Honoris Causa), un long partenariat avec la compagnie pétrolière Schlumberger... J'y ai fait des séjours paradisiaques ...mais aussi bien studieux.
Ces échanges scientifiques et humains, que permet le partage de l'aventure de recherche, sont les plus beaux souvenirs de ma vie universitaire.