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    Ce dossier a évoqué rapidement à plusieurs reprises la question de la mise au point de l'image. Il n'est pas question ici de traiter l'ensemble des problèmes de mise au point, mais uniquement ceux qui sont en rapport avec des capteurscapteurs. Aussi, quelques termes seront utilisés ci-après sans définition pour inciter les lecteurs curieux à chercher par eux-mêmes car ils ne sont pas indispensables à la compréhension du texte.
    Milan photographié en Camargue. © J.-P. Louvet, DR

    Milan photographié en Camargue. © J.-P. Louvet, DR

    La netteté d'une image dépend de la distance entre l'objectif et la surface sensible, laquelle varie en fonction de celle du sujet photographié. L'histoire de la photographiephotographie a connu diverses solutions plus ou moins empiriques ou exactes. Il y a eu des appareils bon marché sans mise au point, mais avec un objectif suffisamment diaphragmé pour que l'image soit nette approximativement de deux mètres à l'infini (réglage sur l'hyperfocale comme les anciens et célèbres Brownies ou « boîtes à savon » ou certains foldings), des appareils où il fallait estimer la distance à vue de neznez puis la reporter sur le réglage de l'objectif, des télémètres indépendants puis des télémètres couplés à l'objectif, d'autres enfin ou la mise au point se faisait grâce à l'image projetée sur un verre dépoli comme les vieilles chambres photographiques du XIXe siècle, puis, plus récemment, les reflex, avec, dans les versions évoluées, une aide à la mise au point par un stigmomètre ou une zone centrale de microprismes.

    Enfin, vint la mise au point automatique. Les méthodes utilisées sont de deux types :

    • les méthodes actives ;
    • les méthodes passives.

    Méthodes actives

    Elles nécessitent une source auxiliaire. Une des premières solutions a utilisé l'écho d'un faisceau d'ultrasons réfléchi par le sujet (comme les détecteurs de distances utilisés actuellement sur les automobilesautomobiles). On a également employé un faisceau d'infrarouges. Actuellement, certains smartphones (LG) utilisent une méthode sophistiquée par envoi sur le sujet d'un bref flashflash laser et mesurent le temps de retour de la lumière vers l'appareil, ce qui permet de déduire la distance.

    Méthodes passives

    Ce sont les solutions les plus utilisées actuellement. Elles reposent sur l'analyse de l'image, ou d'une partie de celle-ci.

    Recherche de contraste

    Commençons d'abord par les appareils les plus courants : les compacts et la plupart des smartphones utilisent la méthode par recherche du contrastecontraste.

    Dans ces appareils, le capteur reçoit en permanence l'image projetée par l'objectif pour la restituer sur l'écran de visualisation. Le principe utilisé pour la mise au point est simple : il consiste à obtenir l'image la plus contrastée possible, c'est-à-dire celle où les transitions sont les plus franches. Dans ce but, un algorithme analyse la structure de l'image et pilote le moteur de l'objectif pour qu'il recherche la meilleure position. L'algorithme de déplacement de l'objectif doit être le plus astucieux possible pour minimiser le temps de réponse mais c'est une méthode par approximations successives et il peut se produire de rares cas où le système de mise au point est totalement perdu et va se mettre à « pomper » de façon frénétique.

    Généralement, l'algorithme fait la mise au point sur l'objet le plus proche, ce qui n'est pas toujours souhaitable. On rencontre cependant de plus en plus d'appareils dont l'algorithme est capable (dans la plupart des cas) de reconnaître les visages, et donc de faire la mise au point sur ceux-ci.

    La mise au point par mesure du contraste présente toujours un petit temps de latencelatence dû à sa technique de recherche par tâtonnement, ce qui se traduit par le fait que la photo n'est pas prise au moment où l'on appuie sur le déclencheur mais un peu après. Ceci est gênant pour les sujets en mouvement. Certains appareils sont plus performants que d'autre mais tous sont mis en difficulté en cas de faible lumière.

    Lorsqu'un reflex utilise l'écran comme moyen de visée (mode live view), c'est également le mécanisme de mise au point utilisé.

    Détection de phase

    Une méthode plus évoluée a été inventée il y a longtemps pour les reflex argentiques puis adaptée avec de nombreux perfectionnements dans les modèles numériquesmodèles numériques. Il s'agit de la mise au point par détection de phase. Si son principe est très simple, son applicationapplication est complexe. Ce qui suit est donc une explication simplifiée qui n'entre pas dans les détails théoriques et pratiques.

    Il y a eu, vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, des approches faites par plusieurs fabricants de reflex mais on admet que c'est Minolta qui a finalisé et popularisé la solution définitive adoptée par tous les reflex argentiques avec son modèle 7000 AF sorti en 1985. Dans ce modèle, tout était intégré dans le boîtier : capteurs de détection de phase, moteur de mise au point et moteur d'avance automatique du film.

    Toutefois, les reflex numériques actuels utilisent de plus en plus des objectifs avec un moteur de mise au point incorporé au lieu de la solution avec un moteur dans le boîtier. C'est une solution plus coûteuse si l'on a plusieurs objectifs, mais elle évite le besoin d'une transmission mécanique entre le boîtier et l'objectif. Canon est connu pour avoir introduit des technologies de motorisation très silencieuses et très rapides dans ses objectifs.

    Cependant, l'automatisme peut être débrayé pour passer en mode manuel, ce qui est apprécié par les photographes expérimentés, la mise au point sur le sujet le plus proche n'étant pas toujours souhaitable afin de pouvoir rechercher une profondeur de champ optimum (réglage sur l'hyperfocale en particulier).

    Comment la mise au point par détection de phase fonctionne-t-elle ? Le miroirmiroir du reflex qui permet la visée présente une zone semi-transparente au centre ; derrière celle-ci se trouve un petit miroir auxiliaire qui renvoie les rayons vers le bas du boîtier où se trouvent des capteurs dédiés à la détection de phase.

    Vue en coupe d’un reflex argentique Nikon ; <em>a</em><em>utoexposure</em> : capteurs de mesure de la lumière ; <em>viewfinder</em> : viseur ; <em>focusing screen</em> : écran dépoli du viseur ; <em>autofocus</em> : dispositif de mise au point automatique. © Marc <a href="http://graphics.stanford.edu/courses/cs178/applets/autofocusPD.html" target="_blank">Levoy</a>

    Vue en coupe d’un reflex argentique Nikon ; autoexposure : capteurs de mesure de la lumière ; viewfinder : viseur ; focusing screen : écran dépoli du viseur ; autofocus : dispositif de mise au point automatique. © Marc Levoy

    Pour simplifier, nous allons supposer dans un premier temps que le sujet visé est un simple point lumineux bien centré sur l'axe de l'objectif. Il est évident que ce dernier reçoit des rayons lumineux provenant du sujet sur toute sa surface. Le principe de la mesure par détection de phase consiste, grâce à deux petites lentilleslentilles et un système de masque, à former deux images en prélevant des rayons provenant uniquement de deux petites zones diamétralement opposées situées pratiquement au bord de l'objectif.

    À chaque microlentille est associé un capteur de quelques millimètres formé d'un étroit alignement de pixelspixels. Ces capteurs sont donc linéaires et sont allongés dans le sens avant-arrière si les lentilles captent les rayons des zones supérieures et inférieures de l'objectif et dans le sens droite-gauche si ce sont les rayons des bords latéraux de l'objectif qui sont utilisés. Bien évidemment, seule une très petite partie de l'image (la zone centrale dans l'exemple simple choisi) est projetée sur chaque capteur, ce qui est indispensable pour une mise au point précise.

    L'algorithme de mise au point analyse la position des images sur chaque capteur. Le gros avantage c'est que la valeur de leur décalage permet de calculer instantanément de combien et dans quelle direction l'objectif doit se déplacer pour faire la mise au point exacte. Dans la pratique, quand l'objectif a atteint la position calculée, celle-ci est vérifiée par une nouvelle mesure pour affiner la mise au point si nécessaire. Cette méthode est bien plus rapide que la détection du contraste qui doit opérer par tâtonnements.

    Il faut remarquer que plus l'objectif a une grande ouverture (un plus grand diamètre) plus le décalage des images sera important en cas de mauvaise mise au point, ce qui permet une mesure plus précise. Cela tombe bien parce qu'avec une grande ouverture la profondeur de champ (donc la tolérance aux imprécisions) est faible.

    Image du site Futura Sciences
     
    Image du site Futura Sciences
    Les trois schémas montrent successivement une mise au point sur une distance trop grande, puis sur une distance trop faible, et enfin une mise au point exacte. Il s’agit de schémas de principe où le miroir de visée n’est pas représenté et où le miroir auxiliaire est d’une taille exagérée pour plus de clarté.© Schémas obtenus avec une applet interactive Flash de <a href="http://graphics.stanford.edu/courses/cs178/applets/autofocusPD.html" target="_blank">Nora Willett</a>
     
    Les trois schémas montrent successivement une mise au point sur une distance trop grande, puis sur une distance trop faible, et enfin une mise au point exacte. Il s’agit de schémas de principe où le miroir de visée n’est pas représenté et où le miroir auxiliaire est d’une taille exagérée pour plus de clarté. © Schémas obtenus avec une applet interactive Flash de Nora Willett 

    Bien entendu, les choses sont nettement plus compliquées que ce que cet exposé simplifié ne le laisse supposer.

    Première complication, le sujet n'est pas un point lumineux mais une surface. La mesure du décalage des images est donc bien plus complexe. Elle nécessite que la zone sélectionnée par les capteurs présente une certaine structure. Ce mode de mise au point échoue en effet sur une surface lisse.

    Deuxième problème, les capteurs étant linéaires ils sont sensibles à l'orientation des structures visées et peuvent être mis en échec si la structure est parallèle à celle du capteur. C'est la raison pour laquelle on utilise maintenant des capteurs en croix qui ne sont pas sensibles à ce problème.

    Nombre de capteurs et ouverture de l'objectif

    Enfin, la zone sur laquelle doit être faite la mise au point n'est pas forcément au centre de l'image. Pour répondre à ce besoin les reflex sont équipés de plusieurs capteurs plus ou moins largement répartis sur la surface de l'image. De façon générale, plus le prix du boîtier est élevé, plus le nombre de capteurs est important. Il est alors possible de définir le nombre de capteurs qui seront actifs (ils sont affichés dans le viseur) et même de sélectionner le capteur prioritaire parmi ceux qui seront actifs.

    La précision de la détection de phase étant dépendante de l'ouverture de l'objectif, les capteurs peuvent voir leur comportement modifié en fonction de celle-ci. Les capteurs centraux sont les plus précis et peuvent même adopter un mode de très grande précision avec les objectifs très ouverts tandis que les capteurs périphériques peuvent être restreints, avec les objectifs faiblement ouverts, à un mode linéaire sensible aux structures horizontales (pour les capteurs latéraux) ou verticales (pour les capteurs supérieurs et inférieurs), même s'ils fonctionnent en croix avec des objectifs de plus grande ouverture.

    Enfin, notons que la chaîne de transmission optique et la position de la puce portant les capteurs de détection de phase doivent être minutieusement réglées afin que ces capteurs soient strictement à la même distance apparente de l'objectif que le capteur de prise de vue. Le moindre décalage entraînerait un défaut de mise au point par front focus (mise au point trop en avant) ou back focus (mise au point trop en arrière). Le problème peut se rencontrer en sortie d'usine à la suite d'un léger défaut de réglage sur la chaîne de montage ou plus tard, à la suite d'un choc ou du vieillissement du mécanisme des miroirs. Certains appareils possèdent un réglage qui permet de corriger ce défaut s'il est léger mais quelques tests conseillés dans ce but sont contestables ou difficiles à mettre en œuvre de façon fiable et l'on risque d'aggraver le problème au lieu de l'éliminer. Dans la plupart des cas, il vaut mieux confier l'appareil à un atelier spécialisé muni d'un banc optique.

    Dans des modèles récents, certains fabricants ont réussi à incorporer des capteurs de détection de phase dans le capteur photographique lui-même. Cela a été évoqué précédemment pour les capteurs X-Trans très particuliers de Fujifilm utilisés dans des compacts et des hybrideshybrides de la marque, mais dans les reflex, ils sont incorporés dans des capteurs à matrice de Bayer classiques. Dans la version la plus élaborée, les photosites de détection de phase peuvent également être utilisés comme les autres photosites pour la formation de l'image.

    Ce perfectionnement ne supprime pas la nécessité du dispositif de mise au point classique puisque le capteur photographique de l'appareil est masqué lorsque le miroir est en position de visée. En revanche, il présente un grand avantage quand on utilise l'écran pour la visée, que ce soit lors de la prise de photos pour des raisons de commodité, ou pour la vidéo car c'est alors le seul moyen disponible, le miroir étant alors relevé en permanence.

    En effet, il permet dans ce mode une plus grande réactivité de la mise au point que la détection du contraste qui était la seule option disponible auparavant.

    Signalons pour terminer que certains modèles de smartphones ont intégré la mise au point par détection de phase, ce qui les rend nettement plus rapides pour la prise de vue.