Les pilotes de Jaeger, ces robots géants contrôlés par la pensée, reviennent dans le film Pacific Rim : Uprising. Mais au rythme où les recherches progressent, peut-être ne resterons-nous pas longtemps simples spectateurs de leurs exploits. Quel genre de héros les innovations feront de nous ? Deviendrons-nous des pilotes de drones depuis notre salon ou plutôt pilotes de Jaeger, au cœur de l’action ?

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    Pour le second volet de la franchise Pacific Rim, Guillermo deldel Toro passe les commandes des « Jaeger » à Steven S. DeKnight, qui jette ces robotsrobots géants dans un combat épique contre des Kaiju, monstres extraterrestres plus déterminés que jamais à détruire l'humanité. Gagnant en rapidité et en modernité, les Jaeger de seconde génération se voient gratifier de nouvelles armes. De quoi affronter, on l'espère, le plus terrible des Kaiju.

    Mais les Jaeger, aussi grands et puissants soient-ils, ne seraient rien de plus que d'immenses statues de métal sans leurs pilotes humains, les véritables héros de l'histoire. Ceux-ci manœuvrent en binôme depuis le cockpit, en l'occurrence la tête du Jaeger, grâce à un système ingénieux appelé « la dérive ». Combinant high-tech et neurosciences, la dérive synchronise les pensées des deux pilotes et leur permet de contrôler conjointement le robot.

    Ce système a fait le charmecharme de Pacific Rim, premier du nom, mais menace, pour les besoins de l'intrigue, de se faire détrôner dans Pacific Rim : Uprising, puisque la firme Shao Corporation développe des drones géants contrôlables à distance par un seul pilote. Ce qui n'est pas sans rappeler ce que les ingénieurs s'emploient à concrétiser aujourd'hui.


    Les robots géants sont de retour dans Pacific Rim : Uprising pour affronter de nouveaux ennemis et sauver le monde. © Universal Pictures France, Youtube

    Piloter des drones par la pensée grâce à une interface cerveau-machine

    À l'intérieur du Jaeger, les pilotes se font aussi malmener que leur robot entre les griffes des ennemis. Ils sont donc, heureusement, affublés d'une armure et d'un casque, et attachés par des fils à un bras robotisé. Pour commander un geste à la machine, ils l'exécutent. Les voici donnant un coup de poing ou courant sur place. On peut donc imaginer que le système de pilotage détecte les ondes cérébrales correspondantes et les restituent au robot.

    S'ils ne vont pas au combat, les aspirants pilotes de Jaeger d'aujourd'hui se coiffent eux aussi d'un casque : un casque EEG (électroencéphalogrammeélectroencéphalogramme), pour être précis. Muni d'électrodes, l'appareil mesure l'activité électrique du cerveaucerveau tandis qu'ils pensent à des mouvements ou se concentrent sur des images. Les signaux sont envoyés vers un logiciellogiciel capable de les interpréter puis de les transformer en commandes envoyées au robot.

    Et c'est ainsi qu'apparaît la fameuse interface neuronale, encore appelée interface cerveau-machine, connectant par la pensée les pilotes au Jaeger, ou plutôt aux (petits) drones dont on dispose de ce côté du grand écran... Maîtriser l'outil demande de l'entraînement, mais pas de panique : ceci est valable aussi pour les héros de Pacific Rim. Ainsi, les utilisateurs de l'interface doivent apprendre à se concentrer et à moduler l'intensité de leur activité cérébrale.

    Piloter un avion par la pensée, voilà un défi plus difficile à relever que piloter un drone. Pourtant, cela a déjà été réalisé, du moins dans un simulateur de vol, dans le cadre du projet <em>Brain Flight</em>. © A. Heddergott, TU München

    Piloter un avion par la pensée, voilà un défi plus difficile à relever que piloter un drone. Pourtant, cela a déjà été réalisé, du moins dans un simulateur de vol, dans le cadre du projet Brain Flight. © A. Heddergott, TU München

    Les pilotes d'aujourd'hui ne pensent pas précisément à des gestes à effectuer. Sur un écran, ils observent leurs ondes cérébrales captées en temps réel et reproduites, par exemple, sur l'image d'un cerveau, et cherchent à se concentrer. Les zones de forte activité sont en rouge, signifiant que l'utilisateur est très concentré, et inversement pour le bleu - un tel système, baptisé Mind Mirror, a été développé par l'Inria en 2014. L'entraînement des pilotes repose dans ce cas sur un principe de feedback, ou boucle de rétroactionboucle de rétroaction : ils s'exercent à donner des commandes cérébrales plus précises en observant comment le système réagit à leur pensée.

    Ce genre de dispositif, encore en développement, a donné lieu à la première course de drones pilotés par la pensée en 2016, et fait doucement ses preuves dans d'autres domaines d'application : les prothèsesprothèses, les fauteuils roulants, les jeux vidéojeux vidéo, les voituresvoitures, etc. Depuis peu, la recherche se tourne vers l'intelligence artificielleintelligence artificielle et ajoute un algorithme d'apprentissage automatique (machine learningmachine learning) à l'interface cerveau-machine. À force d'étudier les ondes cérébrales de l'utilisateur, le dispositif se perfectionne et parvient de mieux en mieux à les interpréter. L'échange entre le pilote et la machine n'en devient que plus efficace.

    Les interfaces cerveau-machine via un casque EEG sont de plus en plus populaires, comme le montre la multiplication des concours centrés sur la création d’un tel dispositif : <em>Brain Hackaton, Hack the Brain</em>, etc. © Martin Hieslmair, Flickr

    Les interfaces cerveau-machine via un casque EEG sont de plus en plus populaires, comme le montre la multiplication des concours centrés sur la création d’un tel dispositif : Brain Hackaton, Hack the Brain, etc. © Martin Hieslmair, Flickr

    La communication télépathique de cerveau à cerveau

    Mais la technologie de Pacific Rim va plus loin, car elle ne consiste pas seulement en une interface cerveau-machine : entre les deux pilotes du Jaeger, « la dérive » établit également un « pont neuronal », soit un lien télépathique. Si au stade où en sont nos technologies, la communication de cerveau à cerveau reste de l'ordre de la fiction, les chercheurs peuvent toutefois contourner le problème en mobilisant à nouveau une interface cerveau-machine. L'activité cérébrale de l'émetteur d'un message est enregistrée tandis qu'il bouge, par exemple, un bras pour signifier 1 et l'autre bras pour 0.

    L'information ainsi codée est transmise par InternetInternet et le destinataire les reçoit sous forme de flashsflashs lumineux sur un écran, lesquels déclenchent une activité neuronale détectée par une seconde interface cerveau-machine. Dans une expérience de 2014, des chercheurs ont fait encore mieux, puisqu'ils se sont affranchis de l'écran. Grâce à une stimulationstimulation magnétique transcrânienne, qui consiste à activer des régions cérébrales via des impulsions magnétiques, ils ont produit directement l'illusion de taches de lumière devant les yeuxyeux de l'individu.

    Cependant, les messages se limitent encore à un ou deux mots, qui ne seraient pas d'une grande aide contre un Kaiju. Alors en attendant que la télépathie ne devienne réalité pour que l'on puisse « dériver » dans un Jaeger, peut-être faudra-t-il se contenter de piloter des drones par la pensée en solo, ce qui est déjà plutôt impressionnant...

    Pacific Rim : Uprising est sorti au cinéma le 21 mars 2018.

    Chronique SF