Le superordinateur meurtrier HAL 9000, imaginé par Arthur C. Clarke et Stanley Kubrick dans 2001, l'Odyssée de l'espace, a inspiré la création d'une IA capable d'assister les astronautes lors de futures missions spatiales. Son rôle : contrôler et gérer les bases habitées sur la Lune, Mars ou d'autres planètes... sans tuer personne.


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    Preuve que la science-fiction nous donne souvent un aperçu du futur, le cultissime HAL 9000 de 2001, l'Odyssée de l'espace prend vie, 50 ans après sa création, dans un projet qui respire l'intelligence artificielleintelligence artificielle : CASE, pour Cognitive Architecture for Space Agents. Dans le film de Stanley Kubrick, HAL 9.000 (Carl 500 dans la version française) est un superordinateursuperordinateur aux commandes d'un vaisseau à destination de JupiterJupiter, qui souffre d'un sérieux problème de perfectionnisme. Voyant les astronautes humains comme des obstacles à sa mission, il déraille complètement et décide de les éliminer. Pour sa défense, il les a surpris en train de comploter pour le déconnecter.

    Avec son unique œilœil rouge et sa voix désincarnée, HAL 9000 a marqué des générations et a inspiré Pete Bonasso, chercheur en intelligence artificielle pour la société américaine TRACLabs Inc. « Un agent intelligent, comme HAL 9000, peut planifier et gérer les activités d'une base sur une autre planète et interagir avec les occupants », déclare-t-il dans son article, CASE : un HAL-9000 pour 2021, paru dans le journal Science Robotics. Il y présente un système de gestion autonome et automatisée des futures bases lunaires, martiennes ou autres, qui vient de faire ses preuves sur une base virtuelle.

    Dans 2001, l'Odyssée de l'espace, le superordinateur HAL 9.000 embarqué dans un vaisseau en route pour Jupiter se retourne contre l'équipage humain. © Warner Bros. France, YouTube

    CASE contrôle les bases habitées sur d'autres planètes

    Comme le faisait HAL 9000 dans son vaisseau interplanétaire, CASE doit gérer tous les aspects techniques d'une base habitée, tels qu'ouvrir et fermer les portesportes, contrôler les capteurscapteurs ainsi que les systèmes de support de vie (aération, niveaux d'oxygène, capture du dioxyde de carbonedioxyde de carbone, etc.) et programmer les activités de routine : alors que HAL organise des sorties dans l'espace, CASE se charge d'envoyer des rovers en mission d'échantillonnage du sol martien, par exemple.

    Il envoie les rovers en mission

    Pour remplir ce rôle, le système CASE développé par Pete Bonasso et son équipe est un concentré d'intelligence artificielle, constitué de 3 niveaux. Le premier contrôle le hardwarehardware, c'est-à-dire tous les appareils, les bras robotiquesrobotiques ou encore les portes. Le deuxième englobe les procédures nécessaires pour assurer la maintenance de la base et le bon déroulement des activités. « Par exemple, CASE dispose de procédures pour réguler la charge des batteries et des rovers, et pour les envoyer en mission », explique Pete Bonasso dans des propos rapportés par Scinexx. Les procédures du niveau deux, comme le contrôle d'un capteur, transmettent les ordres appropriés au premier niveau, par exemple, ouvrir une bouche d'aération.

    Le dernier niveau planifie et coordonne les tâches que CASE doit accomplir dans la journée, en déterminant l'ordre de priorité et les procédures nécessaires pour y parvenir. Ce troisième niveau est capable de réagir lorsque des problèmes surviennent. « Il peut replanifier automatiquement [les activités] en cas d'imprévus, tels que des pannes de moteurs ou l'arrivée d'une tempêtetempête de poussière », déclare Pete Bonasso. Enfin, CASE dispose d'une ontologie, qui structure et raisonne sur ses propres données, en prenant en compte leurs définitions, leurs propriétés, les relations entre elles. C'est ce qui lui donne des capacités de décision et lui permet d'établir des liens entre les objets.

    Voici à quoi pourrait ressembler la colonisation de Mars par SpaceX, avec la base au loin, et à gauche les énormes fusées BFR, renommées depuis peu Starship. © SpaceX
    Voici à quoi pourrait ressembler la colonisation de Mars par SpaceX, avec la base au loin, et à gauche les énormes fusées BFR, renommées depuis peu Starship. © SpaceX

    Un système pour communiquer avec les astronautes

    CASE n'est pas destiné à tout contrôler dans l'ombre. Il pourra interagir avec les occupants de la base en diffusant visuellement des informations via une interface et dialoguer avec eux. « Nous avons développé un système de gestion du dialogue qui permet aux utilisateurs de poser des questions, donner des ordres et être prévenus d'un danger imminent », explique Pete Bonasso. Espérons que la voix glaçante de HAL 9000 et son œil rouge façon Terminator ne soient pas inclus dans ce système.

    Voir aussi

    Colonisation de Mars : le top 5 des futures habitations

    Mais pour éviter que les choses dérapent comme dans 2001 : l'Odyssée de l'espace, où HAL 9000 se rebelle contre l'équipage, CASE a été conçu pour agir uniquement à condition qu'il obtienne l'approbation des humains et il « ne peut rien faire qu'il ne soit pas programmé pour faire », assure Pete Bonasso à Space.com. « Si nous demandons à CASE d'ouvrir les portes du module, contrairement à HAL 9000, il répondra "Mais bien sûr, Dave", parce que nous n'avons aucune intention d'inclure la paranoïa dans ce système ». Pour mémoire, dans le film, HAL 9000 réplique froidement : « Je regrette, Dave. J'ai bien peur de ne pas pouvoir faire ça. »

    La Nasa teste la viabilité de potentiels modules habités durant des expériences de simulation dans des environnements analogues à la Lune, Mars. Ici, une version du <em>Deep Space Habitat</em> testée par le <em>Desert Research and Technology Studies</em> (<em>Desert RATS</em>) dans le désert américain. © Nasa
    La Nasa teste la viabilité de potentiels modules habités durant des expériences de simulation dans des environnements analogues à la Lune, Mars. Ici, une version du Deep Space Habitat testée par le Desert Research and Technology Studies (Desert RATS) dans le désert américain. © Nasa

    Premier test réussi avec une base et des astronautes virtuels

    Pour son premier test, CASE a assuré la gestion d'une base virtuelle et la survie de ses occupants pendant quatre heures, annonce Pete Bonasso dans son article. La prochaine étape, plus concrète, se déroulera peut-être pendant des expériences de simulation réelles, ici sur Terre, où des volontaires vivent dans les mêmes conditions que dans une base sur une autre planète, par exemple dans le désertdésert pour simuler l'environnement martien. Un entraînement sur ces bases factices permettrait à CASE « d'observer les activités [...], de les enregistrer et d'apprendre ainsi comment fonctionne une telle installation. »

    CASE a contrôlé une base virtuelle durant 4 heures

    Verra-t-on CASE embarquer sur un vaisseau en compagnie des premiers colons lunaires ou martiens ? Ce scénario n'est pas irréaliste, mais reste encore bien lointain. SpaceXSpaceX brigue avec beaucoup d'optimisme la colonisation de Mars pour 2024, et la Nasa pour la décennie 2030 par l'intermédiaire d'un avant-poste autour de la Lune, le Lunar Orbital Platform-Gateway (LOP-G) autrefois Deep Space-GatewayGateway. Pour l'heure, l'IA commence à tracer son chemin vers l'espace avec Cimon (Crew Interactive MObileMObile CompanioN), que les astronautes ont accueilli à bord de l'ISSISS en juin. 

    2001, l'Odyssée de l'espace, réalisé par Stanley Kubrick, est sorti en 1968. Pour ses cinquante ans, le film a été projeté de nouveau au cinéma cette année, en juin, dans sa version restaurée. 

    Chronique SF