La Terre, le Soleil et même la Voie lactée possèdent des champs magnétiques propres. Cela semble être le cas de plusieurs autres galaxies aussi même si on ne comprend pas encore très bien pourquoi et comment. Cela pourrait commencer à changer avec la découverte des plus anciens champs magnétiques globaux d'une galaxie connus à ce jour, observés tels qu'ils étaient il y a plus de 11 milliards d'années avec Alma, le réseau de radio-télescopes de l'ESO.


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    Connaissez-vous ASW0009io9 ? Peut-être alors sa dénomination abrégée en 9io9 ? Il s'agit d'une galaxie très lointaine découverte par un astronomeastronome amateur du Northamptonshire, en Angleterre, alors qu'il classait des images sur le site Spacewarps.org dans le cadre d'une campagne de science participative en janvier 2014. En fait, 9io9 n'était visible que grâce à un effet de lentille gravitationnelle grossissante produit par une galaxie à seulement 2 milliards d'années-lumière de la Voie lactée.

    Aujourd'hui, ASW0009io9 est à l'honneur d'un article de Nature basé sur des observations rendues possibles par Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) qui nous montrent certains aspects de 9io9 telle qu'elle était lorsque l'Univers n'avait que 2,5 milliards d'années.

    L'origine et l'évolution mal comprises des champs magnétiques galactiques

    La galaxie intéresse les astronomes car, grâce à Alma, nous pouvons mesurer les champs magnétiqueschamps magnétiques qui la parcourent et qui font même d'elle la galaxie la plus lointaine connue à ce jour où l'on peut mesurer des champs magnétiques.

    Cette image infrarouge montre la galaxie lointaine 9io9, vue ici sous la forme d'un arc rougeâtre incurvé autour d'une galaxie brillante plus proche. Cette galaxie proche agit comme une lentille gravitationnelle : sa masse courbe l'espace-temps autour d'elle, courbant les rayons lumineux provenant de 9io9 à l'arrière-plan, d'où sa forme déformée. Cette vue en couleurs résulte de la combinaison d'images infrarouges prises par Vista (<em>Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy</em>) de l'ESO au Chili, et par le CFHT (<em>Canada France Hawaii Telescope</em>) aux États-Unis. © ESO, J. Geach et <em>al.</em>
    Cette image infrarouge montre la galaxie lointaine 9io9, vue ici sous la forme d'un arc rougeâtre incurvé autour d'une galaxie brillante plus proche. Cette galaxie proche agit comme une lentille gravitationnelle : sa masse courbe l'espace-temps autour d'elle, courbant les rayons lumineux provenant de 9io9 à l'arrière-plan, d'où sa forme déformée. Cette vue en couleurs résulte de la combinaison d'images infrarouges prises par Vista (Visible and Infrared Survey Telescope for Astronomy) de l'ESO au Chili, et par le CFHT (Canada France Hawaii Telescope) aux États-Unis. © ESO, J. Geach et al.

    James Geach, professeur d'astrophysiqueastrophysique à l'université du Hertfordshire, au Royaume-Uni, et auteur principal de l'étude publiée aujourd'hui, explique d'ailleurs dans un communiqué de l'ESOESO accompagnant l'article que « beaucoup de gens ne savent peut-être pas que notre galaxie entière et d'autres galaxies sont traversées par des champs magnétiques qui s'étendent sur des dizaines de milliers d'années-lumière » et son collègue, Enrique Lopez Rodriguez, chercheur à l'université de Stanford (États-Unis) y ajoute que « nous savons très peu de choses sur la façon dont ces champs se forment, alors qu'ils jouent un rôle fondamental dans l'évolution des galaxies ».

    Certaines théories font intervenir des processus similaires à ceux de la géodynamo terrestre ou encore de celle à l'origine du champ magnétique du SoleilSoleil mais la question de l’origine de ces champs galactiques n'est pas aussi bien comprise que le voudraient les théoriciens et elle est bien plus mystérieuse en ce qui concerne celle de l'origine cette fois-ci des champs magnétiques entre galaxies. Dans ce dernier cas, de la nouvelle physique remontant notamment au Big Bang pourrait intervenir.

    L'étude des champs magnétiques galactiques est encore dans son enfance et, en fait, nous n'avons cartographié que les champs magnétiques de la Voie lactée et de quelques galaxies proches d'elle dans le Groupe LocalGroupe Local notamment. Comme l'explique le communiqué de l'ESO, on ne sait toujours pas vraiment à quel moment de la vie de l'Univers et à quelle vitessevitesse se forment les champs magnétiques dans les galaxies.

    Une nouvelle fenêtre sur le fonctionnement interne des galaxies

    Il est donc intéressant de voir que, déjà il y a environ 11 milliards d'années, une galaxie possédait déjà un champ magnétique global s'étendant sur plus de 16 000 années-lumière et avec une structure comparable à celles que l'on connait déjà. Le phénomène est observé au moment où la croissance des jeunes galaxies avec des flambées de formation d'étoilesétoiles est importante, ce qui suggère que la formation d'étoiles et la croissance des champs magnétiques galactiques pourraient aller de paire.

    Cette image montre l'orientation du champ magnétique dans la galaxie lointaine 9io9. Il s'agit de la détection la plus lointaine jamais réalisée du champ magnétique d'une galaxie. Les grains de poussière de 9io9 sont en quelque sorte alignés sur le champ magnétique de la galaxie et émettent donc une lumière polarisée, c'est-à-dire que les ondes lumineuses oscillent dans une direction privilégiée plutôt que de manière aléatoire. Alma a détecté ce signal de polarisation à partir duquel les astronomes ont pu déterminer l'orientation du champ magnétique, représentée ici par des lignes courbes superposées à l'image d'Alma. Le signal de lumière polarisée émis par les poussières alignées magnétiquement dans 9io9 était extrêmement faible, ne représentant qu'un pour cent de la luminosité totale de la galaxie, de sorte que les astronomes ont eu recours à un astucieux tour de passe-passe de la nature pour obtenir ce résultat. L'équipe a été aidée par le fait que 9io9, bien que très éloignée de nous, a été agrandie par un processus connu sous le nom de lentille gravitationnelle. Ce phénomène se produit lorsque la lumière provenant d'une galaxie lointaine, en l'occurrence 9io9, apparaît plus brillante et déformée parce qu'elle est courbée par la gravité d'un très gros objet situé au premier plan. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/J. Geach et <em>al.</em><br type="_moz"> 
    Cette image montre l'orientation du champ magnétique dans la galaxie lointaine 9io9. Il s'agit de la détection la plus lointaine jamais réalisée du champ magnétique d'une galaxie. Les grains de poussière de 9io9 sont en quelque sorte alignés sur le champ magnétique de la galaxie et émettent donc une lumière polarisée, c'est-à-dire que les ondes lumineuses oscillent dans une direction privilégiée plutôt que de manière aléatoire. Alma a détecté ce signal de polarisation à partir duquel les astronomes ont pu déterminer l'orientation du champ magnétique, représentée ici par des lignes courbes superposées à l'image d'Alma. Le signal de lumière polarisée émis par les poussières alignées magnétiquement dans 9io9 était extrêmement faible, ne représentant qu'un pour cent de la luminosité totale de la galaxie, de sorte que les astronomes ont eu recours à un astucieux tour de passe-passe de la nature pour obtenir ce résultat. L'équipe a été aidée par le fait que 9io9, bien que très éloignée de nous, a été agrandie par un processus connu sous le nom de lentille gravitationnelle. Ce phénomène se produit lorsque la lumière provenant d'une galaxie lointaine, en l'occurrence 9io9, apparaît plus brillante et déformée parce qu'elle est courbée par la gravité d'un très gros objet situé au premier plan. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO)/J. Geach et al.
     

    Bien que l'on considère que les structures spirales des galaxies soient des effets de la mécanique céleste avec ce que l'on appelle des ondes de densité dans le fluide auto-gravitant des étoiles d'une galaxie, on voit parfois aussi des lignes de champs magnétiques qui se déploient en suivant les bras spiraux (ce n'est pas le cas toutefois de la galaxie M51), ce qui là aussi suggère des interactions entre les deux phénomènes, sachant d'autant plus que les bras spiraux sont précisément des lieux de formation de nouvelles étoiles. Il est intéressant de savoir aussi que la densité d'énergieénergie magnétique dans des nuagesnuages moléculaires peut influer sur la formation par effondrementeffondrement gravitationnelle de ces nouvelles étoiles ; et inversement, l'hydrodynamique des fluides de matièrematière et des lignes de courant de ces fluides influent sur la structure des champs magnétiques (avec le théorèmethéorème des champs magnétiques « gelés » avec les lignes de courant des fluides par exemple).

    On ne sera donc pas surpris de la déclaration de Rob Ivison, coauteur et astronome à l'ESO pour qui vient de s'ouvrir « une nouvelle fenêtrefenêtre sur le fonctionnement interne des galaxies, car les champs magnétiques sont liés à la matière qui forme les nouvelles étoiles ».


    Grâce à l'Alma, les astronomes ont détecté le champ magnétique d'une galaxie si lointaine que sa lumière a mis plus de 11 milliards d'années à nous parvenir. Jamais auparavant, nous n'avions détecté le champ magnétique d'une galaxie à une telle distance. Cette vidéo résume cette découverte. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESO / Luis Calçada, Angelos Tsaousis, B. Tafreshi (twanight.org), Alma (ESO/NAOJ/NRAO), J. E. Geach et al., CFHT, Desi