Dans une récente étude, des scientifiques mettent en évidence des circuits neuronaux responsables de la satiété à très court terme et à long terme, sensibles à différents types de stimuli et faisant intervenir des cellules différentes.


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    Vous connaissez sans doute le célèbre adage qui dit qu'il faut prendre son temps pour manger car la satiété met 20 minutes à monter au cerveau. Si cet état de fait était bien validé par la démarche scientifique, qui avait déjà mis en évidence le rôle du cerveau, plus précisément du tronc cérébral et de certaines des cellules qui s'y trouvent et des afférences du nerf vague provenant du tractus gastrogastro-intestinal dans la survenue de la satiété, des limites considérables pèsent sur ces résultats. En effet, la méthodologie classique était de détecter un facteur de transcription sur des animaux anesthésiés ou sur des tranches de cerveau : « la méthode classique en physiologie a longtemps été de regarder l'expression d'une famille de protéines nommées cFos, qui jouent le rôle de facteur de transcription et qui est exprimé lors de l'activation d'un neuroneneurone. Ainsi, on regarde quels neurones et combien de neurones expriment cFos et on a une idée de l'activation des populations neuronales », explique Filipe De Vadder, chercheur en physiologie intestinale au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) n'ayant pas participé à l'étude.

    Les révolutions : Cre-lox et les outils optogénétiques

    Avec cette méthodologie initiale, il était impossible pour les biologistes d'étudier ces mêmes mécanismes sur des organismes en mouvementmouvement. De même qu'isoler l'effet d'un gènegène en particulier. C'est désormais possible grâce à des progrès théoriques et technologiques révolutionnaires qui donnent lieu à de multiples expériences qui étudient notre préférence pour le sucre, la peur ou encore les effets du stress, chez des organismes en mouvement. « Grâce à la révolution du système Cre-lox et aux outils de l'optogénétiqueoptogénétique, on peut vraiment manipuler à notre guise où va s'exprimer le gène qu'on souhaite étudier, de même que la fermeture et l'ouverture des canaux ioniquescanaux ioniques pour la communication neuronale. Ce sont des découvertes qui mériteraient un prix Nobel à mon avis », suggère Filipe De Vadder.

    Des réseaux de neurones bien distincts sont responsables de votre satiété à court et long terme. © Mohammad Xte, Adobe Stock
    Des réseaux de neurones bien distincts sont responsables de votre satiété à court et long terme. © Mohammad Xte, Adobe Stock

    La satiété est un mécanisme séquentiel

    Ce qui intéresse les auteurs de cette étude parue dans la revue Nature, c'est de savoir comment nos circuits neuronaux transforment nos signaux sensoriels durant la prise alimentaire et la contrôlent de façon dynamique, à différentes échelles de temps. À l'aide des différentes techniques susmentionnées, ils démontrent que les neurones sensibles à la prolactineprolactine (PLRH) interviennent dans une échelle de temps très courte (de l'ordre de la seconde) et qu'ils sont très sensibles au contact des aliments avec la bouche et à leur goût, tandis que les neurones sensibles au proglucagon détectent l'activité musculaire intestinale et la présence de certains nutrimentsnutriments, ce qui va déterminer la satiété à long terme. En somme, cela démontre que la satiété est un processus séquentiel qui met en jeu différentes cellules, différents circuits et différents signaux.

    Pour Filipe De Vadder, cette étude met en exergue la puissance de l'optogénétique : « Désormais, on peut vraiment disséquer les différents circuits neuronaux, contrôler et isoler l'expression génétiquegénétique et montrer qu'une population de cellules est responsable spécifiquement de tel comportement engendré par telle ou telle caractéristique d'un aliment, s'enthousiasme le chercheur. Enfin, il note aussi un point positif dans ce papier en dehors de l'aspect strictement scientifique : Dans l'expérience des mâles et des femelles sont utilisées, ce qui est positif parce qu'on n'exclut pas de sexe a priori. Des études récentes ont notamment montré que les critères d'exclusion des femelles des études sur souris n'avaient pas lieu d'être. ».