Un test mesurant l’expression de certains gènes pourrait éviter la chimiothérapie à de nombreuses femmes souffrant d’un cancer du sein à un stade précoce. C’est le résultat d’une étude portant sur 10.000 patientes.

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    Avec plus de 50.000 nouveaux cas par an, le cancer du sein est le plus fréquent chez les femmes françaises. Pour réduire le risque de récidive, les patientes se voient souvent proposer une chimiothérapie après leur chirurgie. Mais une nouvelle étude parue dans New England Journal of Medicine suggère que chez beaucoup de femmes cette chimiothérapie n'est pas forcément indispensable. Ces résultats concernent des cancers à un stade précoce, sensibles aux œstrogènesœstrogènes et HER négatifs.

    L'étude a utilisé un test, l'Oncotype DX Breast Recurrence Score de Genomic Health, qui mesure l'activité de 21 gènes à partir d'une biopsiebiopsie. Ce test permet d'attribuer à la tumeurtumeur un score de récurrence compris entre 0 et 100 : plus le score est élevé, plus la patiente risque une récidive. Plus précisément, on considère, généralement, que les patientes qui obtiennent un score inférieur à 10 n'ont pas besoin de chimiothérapie, contrairement à celles qui ont un score supérieur à 26, qui se voient conseiller une chimio. Mais souvent les patientes obtiennent des scores intermédiaires, entre 11 et 25. Dans ce cas, il est plus difficile de savoir si la chimiothérapie est justifiée. Dans le doute, des médecins prescrivent souvent une chimiothérapie, avec les effets secondaires que l'on connaît.

    Pour savoir si la chimiothérapie se justifiait pour ces scores « moyens », les chercheurs ont recruté près de 10.000 femmes qui avaient un cancer du sein positif au récepteur hormonal et HER-2 négatif ; il s'agissait de tumeurs qui n'avaient pas atteint les ganglions lymphatiquesganglions lymphatiques. Les chercheurs se sont intéressés aux 6.711 patientes qui avaient des résultats intermédiaires au test génétiquegénétique, entre 11 et 25, soit 70 % des patientes. Elles ont été réparties au hasard dans deux groupes : certaines ont eu une chimiothérapie suivie d'une hormonothérapiehormonothérapie, et d'autres seulement une hormonothérapie.

    La chimiothérapie présente de nombreux effets secondaires : perte de cheveux, fatigue, nausées, vomissements… © JPC-PROD, Fotolia

    La chimiothérapie présente de nombreux effets secondaires : perte de cheveux, fatigue, nausées, vomissements… © JPC-PROD, Fotolia

    70 % des patientes pourraient se contenter d’une hormonothérapie

    Au bout de neuf ans, les deux groupes avaient des taux similaires de survie : 93,9 % dans le groupe traité avec hormonothérapie seule, contre 93,8 % dans le groupe ayant eu une chimio et une hormonothérapie. Dans le groupe traité par hormonothérapie seule, 83,3 % des patientes n'ont pas eu de récidive, contre 84,3 % dans le groupe traité avec chimio.

    Le principal auteur de cette étude, Joseph Sparano, a donc expliqué à CNN : « Ces données confirment que l'utilisation d'un test d'expression de 21 gènes pour évaluer le risque de récurrence du cancer peut éviter aux femmes un traitement inutile si le test indique que la chimiothérapie n'est pas susceptible de procurer des avantages ».

    Cependant, il y avait des différences en fonction de l'âge des patientes, la chimio apparaissait plus bénéfique aux femmes plus jeunes. Chez les femmes âgées de 50 à 75 ans qui avaient un score entre 11 et 25, il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes, avec ou sans chimio. Mais chez les femmes de moins de 50 ans, la chimiothérapie se justifiait plus quand le score était situé entre 16 et 25. Cela pourrait être dû au fait que les tumeurs sont souvent plus agressives chez les femmes qui ne sont pas ménopausées.

    Nous pouvons maintenant éviter la chimiothérapie en toute sécurité chez environ 70 % des patientes chez qui il a été diagnostiqué le cancer du sein le plus répandu

    Kathy Albain, oncologueoncologue à Loyola, a déclaré dans un communiqué : « Avec les résultats de cette étude révolutionnaire, nous pouvons maintenant éviter la chimiothérapie en toute sécurité chez environ 70 % des patientes chez qui il a été diagnostiqué le cancer du sein le plus répandu. » Elle ajoute que ces résultats « vont considérablement augmenter le nombre de patientes qui peuvent renoncer à la chimiothérapie sans compromettre leurs résultats ».


    Cancer du sein : un nouveau marqueur éviterait des traitements inutiles

    Article du CNRS paru le 19 décembre 2014

    Des chercheurs du CNRS et de l'Institut Curie décrivent un biomarqueur épigénétique qui permettrait de ne prescrire une chimiothérapie qu'aux patientes qui en ont vraiment besoin. Un espoir pour limiter le recours à des traitements lourds et parfois superflus.

    Grâce au développement du dépistagedépistage, les tumeurs du sein de petite taille, sans envahissement ganglionnaire, concernent la grande majorité des patientes diagnostiquées. « 60 % des femmes porteuses de ce type de tumeur se voient administrer une chimiothérapie. Or on sait que seule la moitié d'entre elles en a réellement besoin, celle dont la tumeur est agressive, tandis que pour les autres, la chimiothérapie sera inutile », explique Geneviève Almouzni, responsable de l'équipe Dynamique de la chromatinechromatine (UMR 3664 CNRS/Institut Curie) qui vient de faire un grand pas pour identifier les femmes à risque de récidive.

    Chez ces femmes, une question cruciale se pose quant au choix thérapeutique : doit-on, après traitement local (chirurgie ou radiothérapieradiothérapie), leur prescrire une chimiothérapie pour réduire le risque de récidive ? Pour le moment, la décision des médecins repose sur des critères biologiques et cliniques : âge au diagnosticdiagnostic, taille de la tumeur, grade, statut des récepteurs hormonaux et du récepteur HER2. « Les tests en cours de développement ou d'étude reposent uniquement sur des signatures génomiquesgénomiques et aucun n'a réellement fait ses preuves », résume Zachary Gurard-Levin, post-doctorant dans l'équipe Dynamique de la chromatine.

    « Les altérations génétiquesaltérations génétiques ne sont pas les seules à participer au développement des cancers, souligne Geneviève Almouzni. Au fur et à mesure des découvertes, il apparaît clairement que des "dérégulations" épigénétiques rentrent aussi en jeu dans la cancérogenèsecancérogenèse car elles peuvent modifier l'expression de gènes-clés. »

    Image du site Futura Sciences

    Schéma anatomique d’un sein. 1. Cage thoracique. 2. Muscles pectoraux. 3. Lobules. 4. Mamelon. 5. Aréole. 6. Canaux galactophores. 7. Tissu adipeux. 8. Peau. © Patrick J. Lynch, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    Des informations épigénétiques importantes pour le diagnostic

    Grâce à une collaboration avec les médecins de l'Ensemble Hospitalier de l'Institut Curie, son équipe s'est donc penchée avec un œilœil épigénétique sur les données de transcriptometranscriptome des tumeurs de 1.127 patientes. Cette cartographie de l'activité des gènes leur a permis d'identifier plusieurs protéinesprotéines - des histoneshistones et des chaperons d'histones - plus fortement exprimées dans les formes prolifératives de cancers du sein (luminal B, Her2+, basalbasal-like), mais pas dans le type luminal A.

    Ces résultats ont ensuite été vérifiés sur des échantillons émanant de 71 patientes de l'Institut Curie. « Nous avons donc découvert un marqueur efficace pour distinguer les deux formes de cancers du sein luminaux », ajoute Zachary Gurard-Levin. Il existe en effet une grande diversité de cancers du sein et au moment du diagnostic, il est essentiel de pouvoir identifier clairement et rapidement la forme dont est porteuse la patiente. « Mais le résultat dont nous attendons beaucoup concerne le chaperon d'histone HJURP, raconte le jeune chercheur. Cette protéine est le premier biomarqueur identifié qui permet de distinguer parmi les cancers du sein luminaux A, ceux de bon et de mauvais pronosticpronostic. »

    « En intégrant l'analyse de ce facteur épigénétique, nous devrions être à même de mieux prédire les risque de récidive chez les patientes, conclut Geneviève Almouzni. Ce travail montre que l'épigénétique apporte clairement des informations complémentaires et importantes concernant le risque évolutif de la tumeur. »

    L’épigénétique impliquée dans de nombreux mécanismes biologiques

    En modifiant l'expression des gènes sans que le code génétiquecode génétique ne soit touché, l'épigénétique joue un rôle essentiel dans le fonctionnement des êtres vivants. Les mécanismes épigénétiques sont notamment indispensables lors du développement embryonnaire pour que s'individualisent les différents types cellulaires pour former les tissus et les organes. A l'inverse, des perturbations dans ces mécanismes sont impliquées dans la genèse de nombreuses maladies, dont certains cancers, ainsi que dans le vieillissement.

    L'équipe de Géneviève Almouzni étudie le maintien de l'information génétique et également épigénétique au cœur des cellules. « Si l'information génétique est essentiellement la même dans chacune de nos cellules, seule une partie de cette information est lue dans chaque type cellulaire » explique Geneviève Almouzni.

    Autrement dit, le livre est le même, mais chaque lignage cellulaire lit un chapitre particulier. « L'épigénétique, c'est la capacité d'avoir cette mémoire : lire le même chapitre pour une cellule d'une identité spécifique, puis se reproduire à l'identique », poursuit Geneviève Almouzni. Il s'agit donc d'une sorte de « programme », transmissible, qui détermine quels gènes sont actifs et à quels moments.