Il y a dix ans, le 2 février 1998, celui que Jean Cocteau appelait le « poète du feu » nous quittait. Aujourd’hui, soucieux de transmettre aux générations futures l’héritage scientifique et éthique d'Haroun Tazieff, Frédéric Lavachery, son fils, vient de lancer avec l’appui des anciens équipiers de Garouk le Centre Haroun Tazieff pour les Sciences de la Terre.


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    Haroun Tazieff est resté dans la mémoire de bien des Français qu'il a fait rêver et inspiré pendant des dizaines d'années avec ses films et ses livres sur les volcans. Alors qu'il était devenu une véritable institution à l'égal de Cousteau, on ne parle curieusement plus guère de ce « savanturier ».

    Pourtant, l'héritage d'Haroun TazieffHaroun Tazieff est bien vivant et plus que jamais ses combats et ses idées sont d'actualité. Haroun Tazieff, que ceux qui le connaissaient bien appelaient Garouk, ne nous laisse pas que les deux merveilleuses séries télévisées Haroun Tazieff raconte sa Terre et Le feu de la Terre. Il avait aussi accumulé une documentation scientifique exceptionnelle produite au long de près de cinquante années d'expéditions et de travaux des équipes pluridisciplinaires qu'il avait réunies. C'est pour préserver cet héritage que France Tazieff, sa femme, avait contacté en 2004, quelques années avant son décès, le fils du célèbre volcanologuevolcanologue : Frédéric Lavachery.

    À son initiative, et malgré des difficultés de toutes sortes, un Centre Haroun Tazieff pour les Sciences de la Terre (CHT) vient d'être lancé avec l'appui de plusieurs des anciens équipiers d'Haroun Tazieff, comme François Le Guern Marcel Bof, Rose-Marie Chevrier, Jean-Christophe Sabroux, Jacques Varet et Jacques Labeyrie. 

    Deux jours de conférences ont eu lieu à cette occasion au Puy-en-Velay et au village de vacances VAL-VVF des Estables (massif du Mézenc), respectivement les samedi et dimanche 23 et 24 août.

    Haroun Tazieff jeune ? Non, Frédéric Lavachery, son fils, lors d'une sortie sur le terrain à la carrière du volcan de la Denise, près du Puy-en-Velay. © Laurent Sacco/Futura-Sciences
    Haroun Tazieff jeune ? Non, Frédéric Lavachery, son fils, lors d'une sortie sur le terrain à la carrière du volcan de la Denise, près du Puy-en-Velay. © Laurent Sacco/Futura-Sciences

    Les conférences étaient particulièrement intéressantes et il était possible de discuter avec plusieurs des membres des équipes Tazieff qui l'avaient suivi aux quatre coins de la planète.

    Divers thèmes étaient abordés dont voici quelques courts comptes-rendus.

    Le lac Pavin et le lac Nyos

    François Le Guern a fait un exposé passionnant sur les émissionsémissions de CO2 par les volcans, en particulier à propos de la catastrophe du lac Nyos au Cameroun en 1986, un phénomène qu'il a étudié de près. Ce terrible événement avait causé la mort d'au moins 1.700 personnes par la brusque libération d'environ un kilomètre cube de gaz carboniquegaz carbonique. Il se trouve que le lac Pavin, en Auvergne, possède des caractéristiques le rapprochant du lac Nyos, à tel point que la Direction départementale de l'Equipement du Puy-de-Dôme (DDEDDE) a demandé une série d'études pour évaluer les risques de catastrophe de ce type avec ce lac. Futura-Sciences reviendra sur cette question très prochainement.

    À gauche, Frédéric Lavachery et à droite Victor-Hugo Forjaz, directeur de l'Observatoire de volcanologie et de géothermie des Açores, lors des conférence du CHT au Puy-en-Velay. © Laurent Sacco/Futura-Sciences
    À gauche, Frédéric Lavachery et à droite Victor-Hugo Forjaz, directeur de l'Observatoire de volcanologie et de géothermie des Açores, lors des conférence du CHT au Puy-en-Velay. © Laurent Sacco/Futura-Sciences

    La dépression de l'Afar et la tectonique des plaques

    Un autre exposé passionnant a été celui de Jacques Varet, qui avait accompagné Haroun Tazieff lors des mythiques expéditions en Afar conduisant à la découverte du célèbre Erta Ale, avec son lac de lave permanent. Comme il l'a rappelé, ces expéditions, dont Haroun Tazieff a été l'un des maîtres d'œuvremaîtres d'œuvre, ont beaucoup fait pour l'adoption par la communauté volcanologique de la théorie de la tectonique des plaques. La dépression de l'Afar à Djibouti s'est en effet révélée être un fond océanique exondé où de nombreux détails de l'expansion des fonds des océans étaient bien visibles.

    En fait, Haroun Tazieff avait compris avant tout le monde non seulement le caractère fondamental du volcanisme en géologie mais il avait aussi été un des premiers à prendre au sérieux la théorie de la dérive des continents d'Alfred WegenerAlfred Wegener. L'exposé de Jacque Varet comportait aussi des réflexions intéressantes sur le potentiel de la géothermie en Afar pour les générations futures.

    La crise de la Soufrière

    Haroun Tazieff était un homme de convictions dont l'intégritéintégrité et les coups de gueule sont devenus légendaires. On se souvient de l'affaire de la Soufrière en 1976 qui l'avait vu s'opposer à son supérieur hiérarchique, Claude Allègre. Marcel Bof, un physicienphysicien du CEA spécialiste du géomagnétismegéomagnétisme et présent lors de la crise de la Soufrière, a fait un compte-rendu détaillé des événements dont il a été le témoin privilégié, formulant un jugement très sévère sur les agissements d'alors de Claude Allègre.


    Frédéric Lavachery nous parle de son père, Haroun Tazieff. © piratedub-YouTubeYouTube

    Le Centre Haroun Tazieff pour les Sciences de la TerreTerre en est encore au tout début de ses activités mais à terme, il devrait servir à la création d'une fondation qui permettra en particulier de financer des recherches en volcanologie. La promotion et la diffusiondiffusion des Sciences de la Terre dans le grand public est bien sûr aussi un des grands thèmes des actions de ce Centre. On ne peut que souhaiter un bel avenir à ces entreprises...