Un espion aurait utilisé une image générée par une intelligence artificielle pour créer un faux compte sur le réseau LinkedIn. Ce profil lui aurait permis d’entrer en contact avec plusieurs personnalités politiques américaines.


au sommaire


    L'agence de presse américaine Associated Press est tombée sur une affaire des plus curieuses en découvrant non seulement un faux profil sur le réseau social professionnel LinkedIn, mais également que le profil utilise la photo d'une femme qui n’existe pas ! Selon l'AP, ce personnage ferait partie d'une vaste armée de profils fantômes qui rôdent sur le réseau.

    Le profil, qui utilise le nom de Katie Jones, ne semblait pourtant pas sortir de l'ordinaire à première vue. Cette femme virtuelle avait établi 52 connexions avec d'autres utilisateurs du site. Contrairement à Facebook, qui privilégie les connexions personnelles, comme les amis et les membres de la famille, les connexions sur LinkedIn sont avant tout professionnelles et constituent un terrain propice pour les espions.

    Un espion avec des contacts bien placés

    Malgré un nombre de contacts limité, Katie Jones était particulièrement bien connectée. Elle se vantait de travailler au Centre d'études stratégiques et internationales, un groupe de réflexion basé à Washington, et comptait parmi ses contacts des personnes influentes. Ses connexions incluaient des organismes comme la Brookings Institution ou Heritage Foundation, mais également un sous-secrétaire d'État adjoint, un haut conseiller d'un sénateur, ainsi que l'économiste Paul Winfree, candidat pour un siège à la Réserve fédérale.

    Cependant, son activité sur le réseau s'est révélée suspecte. Keir Giles, un spécialiste londonien sur la Russie, était méfiant en recevant une invitation de cette femme, après avoir déjà été victime d'une affaire d'espionnage. Se présentant comme chercheuse sur la Russie et l'Eurasie au Centre d'études stratégiques et internationales, il aurait dû déjà en entendre parler, mais Katie Jones lui était inconnue. Un porteporte-parole du centre a également confirmé que personne portant ce nom n'y travaillait.

    Ce profil d'utilisateur a été créé par l'intelligence artificielle, et cette Katie Jones n'a jamais existé, ni étudié à Michigan. Même son visage est une invention. © AP
    Ce profil d'utilisateur a été créé par l'intelligence artificielle, et cette Katie Jones n'a jamais existé, ni étudié à Michigan. Même son visage est une invention. © AP

    Un visage généré par l’intelligence artificielle

    Plusieurs experts, dont Mario Klingemann, un artiste allemand qui expérimente depuis des années avec des portraits générés automatiquement, ont commenté la photo et confirmé qu'il s'agit bien d'une fausse. Plusieurs éléments révèlent l'origine de la photo, comme le fond flou, des traits sur sa joue, ou encore une boucle d'oreille qui semble à moitié fondue. Il s'agirait d'un deepfake, une génération automatique basée sur le deep learning. Le procédé utilise deux réseaux neuronaux antagonistes (GAN), l'un pour générer des visages après avoir été entraîné sur des images existantes, et le second pour estimer le réalismeréalisme de l'image ainsi produite, et la valider ou non.

    Plusieurs experts ont indiqué que son profil était assez typique dans les opérations d'espionnage. De nombreux utilisateurs acceptent toutes les invitations, y compris des personnes qu'ils ne connaissent pas. Si une simple connexion ne présente pas de danger en soi, tous les contacts bien placés de Katie Jones ont beaucoup augmenté sa crédibilité. L'espion, qui se cache derrière ce faux profil, peut ensuite prendre contact avec d'autres personnes beaucoup plus facilement. Le compte a depuis été supprimé, et LinkedIn a indiqué prendre régulièrement des mesures contre les faux comptes, avec plusieurs milliers supprimés au cours du premier trimestre de 2019.