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Jean Courtin

Jean Courtin

Préhistorien

1936 -

L'archéologue est un personnage souvent original mais, comme l'écrivait Agatha Christie dans La Mort dans les nuages : « selon moi, un archéologue est une espèce de blagueur... mais il est en général un être inoffensif ». En mettant la science « en ligne », en la diffusant vers le plus grand nombre, Futura-Sciences contribue à mieux faire connaître les chercheurs et leur métier. C'est heureux, car à quoi serviraient nos recherches si elles n'étaient accessibles qu'aux scientifiques ?

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Biographie

Né à Saint-Tropez (Var) en 1936. Parents viticulteurs. Préhistorien, spécialiste du Néolithique, âge du bronzebronze. Directeur de recherche honoraire au CNRS. Chevalier de l'ordre des Palmes académiques.

Les fouilles de Jean Courtin et le cannibalisme au Néolithique ancien

42 ans de carrière au CNRS. A dirigé de très nombreuses fouilles en Provence-Alpes-Côte d'Azur (grottes, abris, sites de plein airair, dolmensdolmens, hypogéeshypogées, cavités sépulcrales, etc.

A fouillé notamment dans les Bouches-du-Rhône, 25 ans après M. Escalon de Fonton, le Grand Abri de Châteauneuf-les-Martigues. Découverte des plus vieux blésblés et orgesorges de France (plus de 7.000 ans).

Dans le Vaucluse, la nécropolenécropole hypogée de Roaix, témoin d'un massacre par flèches vieux de 4.500 ans, et à Courthezon un des plus vieux villages de France, un site cardial vieux de 7.500 ans.

Dans le Var et les Alpes-de-Haute-Provence, fouilles de 1957 à 1972 dans les grottes et abris des canyons du Verdon, menacés par les barrages hydroélectriques EDF de Vinon, Quinson, Sainte-Croix.

Le résultat des fouilles du Verdon est exposé dans le musée de Préhistoire de Quinson, créé à l'initiative du professeur Henry de Lumley et de Jean Courtin.

Toujours dans le Var, il a dirigé durant 22 ans les fouilles de la BaumeBaume Fontbrégoua, vaste habitat en grotte occupé du Paléolithique supérieur à la fin du Néolithique (12.000-2.000 av. J.-C.) ; il y a mis notamment en évidence l'existence du cannibalisme au Néolithique ancien.

Hors métropole, outre de nombreuses missions d'étude, il a dirigé de 1962 à 1967, au cours de plusieurs missions, des explorations et fouilles en République du Tchad : régions du Mortcha, Borkou, Tibesti oriental, Quéra.

Grottes sous-marines : l'étude de la grotte Cosquer, à Marseille

Plongeur confirmé (brevet de plongeur perfectionné 1961, habilitation scaphandrier classe B), familiarisé avec l'exploration des grottes sous-marines, il a été chargé de l'expertise et de l'étude de la grotte Cosquer, à Marseille, dont l'entrée se situe à 37 m de profondeur et dont les peintures et gravuresgravures remontent à 28.000 et 20.000 ans. Outre la première expertise de 1991, il y a dirigé les campagnes de 1992, 1994, 1995 et celle d'août-septembre 2002 (et participation à un tournage pour la chaîne TF1 avec Nicolas HulotNicolas Hulot, émissionémission « Ushuaïa Nature »).

Conjointement à ses fonctions au CNRS, il a assumé durant plusieurs années celles de codirecteur des Recherches archéologiques sous-marines, puis de directeur des Antiquités Préhistoriques de PACA.

A été plusieurs années durant membre du comité national du CNRS.

A formé sur le terrain et en laboratoire de très nombreux étudiants et jeunes chercheurs français et étrangers ; a dirigé de nombreuses maîtrises et thèses (et participation à de nombreux jurys).

DiffusionDiffusion de la recherche, articles de vulgarisation, organisation et participation à de nombreuses expositions, films, émissions télévisées, ainsi que très nombreuses conférences en France et à l'étranger (encore actuellement).

A publié de très nombreux articles scientifiques (revues françaises et étrangères) et plusieurs ouvrages.

Bibliographie

  • Ouvrages :

    • 1974 : Le Néolithique de la Provence. Mémoire 11 de la Société préhistorique française. Ed. Klincsieck, Paris, 360 p., 121 fig. et 31 pl, de l'auteur ;

    • 1975 : Les Civilisations néolithiques en Provence, Les Civilisations de l'Age du Bronze en Provence (pp.445-451), In La Préhistoire Française, t 2, CNRS, Paris ;

    • 1980 : (en collab. avec A. et JP. Lebeuf et F. Treinon-Claustre) Le gisementgisement Saô de Mdaga (Tchad), fouilles 1960-68. Société d'ethnologie de Paris, 214 p. ;

    • 1987 : (en collab. avec J. Guilaine et X. Roudil) Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale - Colloque international du CNRS, Montpellier, 764 p. ;

    • 1992 : (J.Clottes et J.Courtin) La Grotte Cosquer, peintures et gravures de la caverne engloutie, Ed. du Seuil, Paris, 197 p. ;

    • 2000 : Les Premiers Paysans du Midi, de -6000 à -4500, Ed. La Maison des Roches Paris, 126 p.
  • un roman préhistorique :

    • 1998 : Le Chamane du Bout du Monde, Ed. du Seuil, Paris, 391 p. (traduit en allemand, espagnol, portugais).

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métier

L'inventaire des figurations de la grotte Cosquer : un travail « de Romain »

La dernière campagne d'étude de la grotte Cosquer s'est achevée en 2003. Depuis, Jean Courtin a travaillé avec Jean Clottes à la rédaction de leur ouvrage Cosquer redécouvert (Seuil), fruit de deux années de recherche et d'expéditions sous-marines parfois éprouvantes. Ainsi, lors de la dernière campagne, l'été 2003, en compagnie de Jean Clottes et du plongeur Luc Vanrell, Jean Courtin a dû lutter contre la montre pour terminer dans les délais l'inventaire complet des représentations de la grotte. Compte tenu des contraintes logistiques, les chercheurs ne pouvaient en effet consacrer plus de six heures par jour au travail d'inspection des parois de la grotte. La journée de campagne ordinaire dans la grotte Cosquer n'a rien de commun avec celle d'une fouille archéologique classique, ni même avec l'étude d'une grotte ornée faisant appel à des pratiques spéléo. Ici, dans la grotte Cosquer, au cœur des Calanques de Marseille, il faut aussi être plongeur. La logistique particulière à ce type de campagne a ses exigences. « Nous nous levions à 6 h et il fallait faire vite, reconnaît Jean Courtin. Le soir, nous étions épuisés. Nous partions vers 8 h 30 des Goudes, le quartier de Marseille où nous avions loué une petite maison pour la durée de la campagne. Ensuite, nous rejoignions notre base de plongée à la Madrague. Nous chargions la voiture avec tous les équipements : les bouteilles qu'il avait fallu remplir pendant la nuit et les autres équipements de plongée. Tout cela prenait une heure environ, parce qu'il ne fallait rien oublier. Nous amenions nos fiches par exemple, nous les mettions dans des containers qui étaient enfermés dans d'autres containers. Une fois l'ensemble des équipements conditionnés, nous chargions le tout sur le zodiac ». « Nous étions sur le bateau vers 10 h, poursuit Jean Courtin. Ensuite, nous nous rendions sur la zone de mouillage. Cela prenait encore une bonne demi-heure, et enfin nous nous équipions. » Les préparatifs n'étaient pas terminés pour autant. La plongée vers la grotte devait encore attendre. « D'abord il y avait le mouillage, explique le préhistorien, cela prenait encore une dizaine de minutes. Ensuite, c'était la plongée. Il fallait passer aussi les équipements, les caissons, etc. Une fois arrivés, nous enlevions évidemment nos équipements de plongée, nous nous déshabillions pour enfiler des combinaisons spéléo. » Heureusement, les équipements spéléo ne faisaient pas partie du transport. Ils attendaient sur place. « Il étaient à l'abri, précise Jean Courtin, puisque la grotte, est fermée ». Le temps passe vite. Souvent, les chercheurs atteignaient l'entrée de la grotte vers midi. Pour eux, il était temps de se restaurer. Ensuite, laissant sur place leurs quelques provisions, ils pouvaient alors pénétrer dans les parties ornées de figurations pariétales. « Là, notre travail consitait à effectuer des mesures, à établir des fiches, à situer les figurations sur le plan. Bref, à faire un inventaire, le plus exhaustif possible, un descriptif, zone par zone, en précisant, par exemple que tel signe est à tel endroit, celui-là est à 27 cm à droite de celui-là et à 12 cm au-dessus de celui-là… » « Nous restions environ 5 heures dans la grotte, quelquefois plus », précise Jean Courtin. Le nez collé aux parois, orientant leurs lampes afin de distinguer le moindre détail, les chercheurs emplissaient scrupuleusement leurs fiches. Cette méthode leur a permis de relever des détails imperceptibles au premier regard. « C'est ainsi, par exemple, que nous avons trouvé des petits animaux. Parce que quand vous voyez un gros bouquetin profondément gravé, vous vous focalisez sur lui, mais après quand vous êtes là, pendant des heures, devant cette même gravure à prendre des notes, à regarder à la loupe, à voir comment le trait a été fait, avec un silex ou avec autre chose et à tenter de faire varier l'éclairage les lampes, vous vous dites : ah ! tiens… et vous voyez un autre animal. Vous apercevez un trait fin, il vous intrigue, vous le suivez, vous vous demandez où il va. Vous trouvez d'autre gravures qui se superposent, c'est incroyable ! Il y en a pour des années à travailler dans la grotte Cosquer ! » estime Jean Courtin. « En réalité, nous avons fait un travail de dégrossissage, reconnaît-il. J'ai pris des clichés de ce qu'on a trouvé, de ce qu'on connaît actuellement. Des fiches type ont été établies. C'est très complet. Elles serviront à établir une banque de données. Il y a le nom de la représentation, le nom de la salle, relevé, photo, entrée, localisation, thème, animal, composite humain, signe, mains, support, les gravures les plus proches, la technologie utilisée, situation, orientation, mesures… On a tout, mais c'est long à faire. C'est un travail de Romain ». Les dernières campagnes ont notamment permis d'établir un inventaire des « tracés digitaux », ces marques de doigts dans le calcaire tendre des parois. Pour les chercheurs, qui ont relevé au moins deux périodes d'occupation de la grotte (27.000 et 18.000 ans) ces tracés sont anciens. « Il y en a partout, dans tous les recoins, s'étonne encore le préhistorien, ils datent la première période parce que les animaux sont toujours par-dessus. Ils sont calcités, on voit qu'ils sont vieux, ils n'ont pas la même patine, et on s'est aperçu que parmi les tracés digitaux, il y avait des animaux, dessinés au doigt, des bovidés, des bisons, il y a donc des dessins d'animaux qui appartiennent à la première période. » Au total 476 fiches ont été rédigées avec les mensurations, la localisation précise de chaque figuration par rapport aux autres et par rapport au plan général la grotte. Ces informations constituent une précieuse base de données pour des recherches futures. « Grâce à ce travail, les chercheurs qui étudieront la grotte après nous auront les photos, ils auront les croquis, ils auront le descriptif complet », conclut Jean Courtin. Propos recueillis par François Herbaux.