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    Biotransistors et neurochips

    Biotransistors et neurochips

    D'autres laboratoires cherchent à fabriquer des puces hybrideshybrides constituées à la fois de silicium et de cellules vivantes. Les applications pourraient être nombreuses dans des biocapteurs ou des tests. Des chercheurs de l'Université de Berkeley dirigés par Boris Rubinsky et Yong Huang ont réussi à fabriquer une biopuce hybride composée de circuits en silicium et de cellules vivantes. Rubinsky et ses collaborateurs ont mis au point ce "biotransistor" comportant en son centre un microréservoir dans lequel sont cultivées des cellules vivantes placées dans un milieu nutritif (13). Ces cellules sont connectées à des microprocesseursmicroprocesseurs capables de transmettre et de recueillir de l'information vers et en provenance des cellules. Ce circuit électronique miniature, d'une taille inférieure à celle d'un cheveu humain, est contrôlable par un ordinateurordinateur extérieur. Le biotransistor a été produit par des techniques analogues à celles utilisées pour la fabrication des microprocesseurs. Deux couches de polysilicium translucidetranslucide forment des électrodes, tandis qu'une troisième couche crée une membrane jouant le rôle d'un compartiment de réaction. Ces différentes couches sont interconnectées par l'intermédiaire d'une micro cavité au sein de laquelle sont placés quelques cellules humaines vivantes dans un liquide nutritif et conducteur.

    Les cellules utilisées proviennent d'un cancer de la prostatecancer de la prostate.
    Grâce à une propriété cellulaire (appelé électroporation), connue depuis plusieurs années mais difficile à reproduire de manière fiable, il est possible de faire s'ouvrir de minuscules trous (pores) dans la membrane de la cellule et d'y faire pénétrer différents types de molécules. On peut ainsi introduire de l'ADNADN pour réaliser des expériences de génie génétiquegénie génétique.

    Image du site Futura Sciences


    L'ouverture de ces pores est contrôlée par un courant électriquecourant électrique provenant d'un ordinateur et relayé par la puce de silicium sur laquelle vivent les cellules. En retour, les cellules émettent un faible courant électrique indiquant de manière certaine que les pores de la membrane cellulairemembrane cellulaire se sont ouverts. Le circuit hybride agit ainsi comme une diode, faisant intervenir pour la première fois dans un circuit électronique, un intermédiaire vivant. Ces travaux conduisent à de nombreuses applications industrielles et des brevets ont été déposés à cette fin.

    Il devient possible d'administrer de manière sélective des substances anticancéreuses dans une tumeurtumeur, sans léser les cellules saines avoisinantes. Ces travaux laissent entrevoir une communication directe de l'ordinateur vers le monde biologique et, réciproquement, du corps humain vers les ordinateurs. Avec des applications déterminantes dans le suivi en temps réel de patients atteints de déficiences métaboliques, ainsi que pour la mise au point de nouvelles générations d'interfaces bioélectroniques entre l'homme et les machines.

    On peut imaginer pour l'avenir de combiner des systèmes de traitement d'information fonctionnant à partir de molécules, avec des polymèrespolymères servant de base à des textiles intelligents. L'usage de biocapteurs avec des textiles intelligents a déjà conduit à la mise au point de vêtements permettant à des médecins de suivre à distance certains paramètres du métabolismemétabolisme de leurs patients. Des entraîneurs sportifs peuvent également mesurer les capacités de résistancerésistance des personnes qu'ils entraînent.

    La communication directe entre le corps et les machines ouvre des voies nouvelles pour le suivi en temps réel des principales fonctions du corps. Il devient désormais possible de porter sur soi des ordinateurs ou les systèmes de communication permettant d'entrer en interface avec les réseaux qui l'entourent. Nous sommes en train de passer progressivement de l'ordinateur portable et du téléphone portable, à l'ordinateur "mettable" et au téléphone "mettable". Pourquoi en effet compacter et dans des boîtiers de plus en plus petits, les circuits électroniques et informatiques puissants servant dans les téléphones ou les ordinateurs de poche plutôt que de les tisser dans les vêtements que nous portons? C'est le principe fondamental choisi par les nombreux laboratoires qui travaillent sur ce que l'on appelle les "wearable computers". Les outils de communication seront portés de plus en plus près du corps et en interface directe avec lui.

    Un pas de plus a été accompli dans la production de systèmes bioélectroniques permettant d'interfacer directement le système nerveux à des machines électroniques ou à des robotsrobots. L'équipe du professeur John K. Chapin de l'École de Médecine de Philadelphie a pu extraire le signal provenant du cerveaucerveau de rats et leur faire contrôler à distance un bras robotiquerobotique. Plus récemment une équipe de Duke University dirigée par Miguel Nicolelis a pu transmettre à 1000 km de distance par InternetInternet l'impulsion nerveuse provenant du cerveau de singes afin de contrôler un bras articulé (11). Ces travaux ouvrent la voie au secteur prometteur des neuroprothèses capables de jouer un rôle déterminant dans le traitement de certains handicaps moteurs. D'autres laboratoires ont réussi à mettre au point des "neuropucesneuropuces" (neurochips) en faisant croître des neuronesneurones sur des puces en silicium. On a même réussi à forcer les axonesaxones de ces neurones à emprunter un chemin programmé d'avance grâce à l'utilisation de surfaces faites des matériaux intelligents, afin de construire des circuits moléculaires fonctionnant à partir de cellules vivantes. Ces circuits ont été capables de traiter de l'information et de la transmettre à des ordinateurs électroniques classiques.

    Ainsi, grâce à la discipline émergente que nous avons appelé dès 1981, la "biotique" -mariage de la biologie et de l'informatique dans des matériaux intelligents-, l'homme entrera en symbiose avec les réseaux d'information qu'il a extériorisé de son propre corps (2).

    Les systèmes nerveux planétaires qui se mettent en place, constituent un super organisme dont nous sommes les neurones. L'homme symbiotique peut vivre en harmonie avec l'organisme planétaire qu'il a créée, ou subir l'emprise d'un Big Brother à l'échelle du monde. A la fois objet et sujet de la révolution biologique, l'homme tient entre ses mains l'avenir de l'espèceespèce humaine. Il se situe à la charnière d'un "micromonde" -qui le détermine en partie- et d'un "macromonde" sur lequel il agit et qui, en retour, conditionne son existence. Sa vie dépend du moléculaire et du microscopique: protéinesprotéines, gènesgènes, cellules... Mais elle dépend aussi collectivement de son action sur la société humaine et l'écosystèmeécosystème sur lesquels reposent son développement et son avenir. Cette connaissance récente du micromonde et les conséquences de son action sur le macromonde bouleversent les relations que l'homme a tissées avec la nature et avec luimême : Il peut aujourd'hui orienter une partie de l'évolution biologique par le génie génétiquele génie génétique, la génomiquegénomique ou la transgénèsetransgénèse. Il a le pouvoir de modifier son environnement sociétal et écologique par l'accroissement des inégalités économiques entre les hommes, la pollution ou l'altération des cycles naturels.

    Mais aussi celui de satisfaire les besoins et les aspirations de l'humanité.