Une énergie énigmatique, que nous avons appelée énergie noire, semble accélérer l'expansion de l'Univers observable. Sa nature détermine le destin du cosmos et on vient de poser de nouvelles contraintes sur cette énergie mystérieuse en étudiant des amas de galaxies en rayons X.


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    En 2011, le prix Nobel de physique récompensait les découvreurs de l'accélération récente, depuis quelques milliards d'années, de l'expansion de l'Univers observable. On s'attendait à une décélération continue depuis le Big BangBig Bang.

    Contrairement à ce que l'on pourrait croire de prime abord en ne lisant pas les explications du comité Nobel, il ne s'agissait pas de la découverte de l'énergie noire. Ce n'est qu'un moyen d'interpréter l'accélération de l'expansion et de donner un certain sens à ce qui en rend compte dans les équations relativistes de la gravitation d'EinsteinEinstein, sa fameuse constante cosmologique.

    Parmi les interprétations possibles de cette constante il y a celle qui en fait une simple caractéristique de la théorie de la gravitation comme l'est la constante de NewtonNewton incorporée dans cette théorie. Il pourrait s'agit aussi d'un minimum de densité d'énergie d'un champ scalaire ressemblant à celui de Brout-Englert-Higgs.

    Dans ce dernier cas, la constante cosmologique d'Einstein serait en fait une quantité dynamique capable d'évoluer dans l'espace mais aussi dans le temps, ce qui pourrait d'ailleurs aider à résoudre la crise actuelle de la cosmologie.

    Une énergie du vide quantique ?

    A contrario, elle pourrait être une manifestation de ce que l'on appelle l'énergie du point zéro des champs quantiques, que ce soit le champ électromagnétiquechamp électromagnétique ou les champs de Dirac pour les particules matérielles que sont les quarksquarks et les leptonsleptons. Il y aurait aussi une contribution du point zéro du champ de gravitation. Incidemment, tous ces points zéro sont des conséquences des inégalités de Heisenberginégalités de Heisenberg qui interdisent à une particule d'avoir simultanément une position infiniment précise et une vitessevitesse nulle. Il existe donc nécessairement un état de fluctuation et d'activité de base d'un champ quantique que l'on ne peut diminuer. La constante cosmologique serait alors nécessairement constante dans le temps et l'espace et il serait impossible d'extraire de l'énergie du vide quantique occupé par ces champs, ou alors cela impliquerait une autre mécanique quantiquemécanique quantique.


    Helge Kragh, célèbre historien des sciences de l’université de Copenhague, explique à l’occasion du colloque sur la publication de l’Oxford Handbook of the History of Quantum Interpretations que la problématique de l’énergie du point zéro des champs quantiques concerne la cosmologie depuis son origine ou presque. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Ideas in Science

    Une façon de départager ces théories est de faire des mesures de plus en plus fines dans l'espace et dans le temps de la valeur de la constante cosmologique.

    Une façon de faire repose sur le fait que l'accélération de l'expansion causée par l'énergie noire se comporte comme une sorte d'effet d'antigravité avec une expansion de l'espace qui s'oppose à l'attraction gravitationnelle classique. L'effet est négligeable dans le Système solaireSystème solaire et au niveau d'une galaxiegalaxie, mais il peut commencer à se faire sentir au niveau des amas de galaxiesamas de galaxies en s'opposant à leur formation et à leurs mouvementsmouvements.

    On peut étudier les amas de galaxies en profitant du fait qu'ils sont baignés dans un plasma très chaud et émettant en conséquence des rayons Xrayons X. L'un des instruments dont la noosphère s'est doté pour faire de l'astronomie X est l'instrument eRosita, construit par l'Institut Max-PlanckPlanck de physiquephysique extraterrestre en Allemagne et qui fait partie de l'observatoire spatial russo-allemand Spektr-RG.

    Une croissance du nombre d'amas de galaxies inhibée par la nature de l'énergie noire

    Récemment, I-Non Chiu de l'université nationale Cheng Kung à Taiwan, en collaboration avec les astrophysiciensastrophysiciens du Ludwig-Maximilians-Universität München (LMU) Matthias Klein, Sebastian Bocquet et Joe Mohr, a publié une première étude de l'énergie noire à l'aide de eRosita, qui repose justement sur l'étude des amas de galaxies. Il en a résulté un article que l'on peut consulter en accès libre sur arXiv.

    Dans le communiqué du LMU accompagnant cet article, Matthias Klein explique que « nous pouvons en apprendre beaucoup sur la nature de l'énergie noire en comptant le nombre d'amas de galaxies formés dans l'Univers en fonction du temps - ou du point de vue directement observationnel en fonction du décalage vers le rougedécalage vers le rouge ». Ce nombre est une fonction des caractéristiques de l'énergie noire et des théories qui les prédisent.

    Images en fausses couleurs en rayons X (en haut) et dans le visible (en bas) de trois amas de faible masse identifiés dans les données de l'enquête eFEDS. L'amas avec le redshift le plus élevé se montre à une époque où l'Univers était environ 10 milliards d'années plus jeune qu'aujourd'hui. Les amas de galaxies dans ce cas sont nettement plus rouges que les galaxies des deux autres amas. © eRosita
    Images en fausses couleurs en rayons X (en haut) et dans le visible (en bas) de trois amas de faible masse identifiés dans les données de l'enquête eFEDS. L'amas avec le redshift le plus élevé se montre à une époque où l'Univers était environ 10 milliards d'années plus jeune qu'aujourd'hui. Les amas de galaxies dans ce cas sont nettement plus rouges que les galaxies des deux autres amas. © eRosita

    Il a donc été déterminé dans le cadre de la campagne d'observation nommée eRosita Final Equatorial-Depth Survey (eFEDS), un préambule couvrant environ 1 % de la voûte céleste à une campagne qui en fera la couverture complète.

    Ce sont tout de même environ 500 amas de galaxies répartis dans une sorte de carottecarotte temporelle à travers des stratesstrates de lumièrelumière couvrant les 10 derniers milliards d'années du cosmoscosmos observable qui ont été étudiés.

    Aux précisions des mesures actuelles, les chercheurs en ont conclu, à nouveau, que la densité d'énergie de l'énergie noire semble être uniforme dans l'espace et constante dans le temps.

    « Nos résultats concordent également bien avec d'autres approches indépendantes, telles que les études précédentes sur les amas de galaxies ainsi que celles utilisant l'effet de lentille gravitationnellelentille gravitationnelle faible et le fond cosmique des micro-ondes. Jusqu'à présent, toutes les preuves d'observation, y compris les derniers résultats d'eFEDS, suggèrent que l'énergie noire peut être décrite par une simple constante », conclut Sebastian Bocquet.

    On devrait en savoir plus avec la mission Euclid et le télescopetélescope Vera Rubin. Une constante cosmologique variable pourrait signifier qu'il y aura un jour une inversion de l'expansion et donc un nouveau Big Bang. Dans le cas contraire, l'expansion se poursuivrait pour l'éternité, mais même l'éternité pourrait avoir une fin selon le prix Nobel de physique Roger Penrose...


    On sait très peu de choses sur l'Univers. Les ingrédients qui composent 4 % de sa densité d'énergie – des matériaux « normaux » tels que les protons et les neutrons – ne représentent qu'une très petite partie de la « recette de l'Univers ». La composition des 96 % restants sont un mystère. Aujourd'hui, on pense que 26 % est de la matière noire. Cependant, la plus grande part, estimée à 70 %, est constituée d'énergie noire. Pour comprendre sa nature, les scientifiques observent des astres incroyablement grands et extrêmement chauds, les amas de galaxies, qui sont composés de plusieurs milliers de galaxies qui se déplacent à des vitesses différentes dans un champ gravitationnel commun. À l'intérieur, ces étranges structures sont remplies d'un gaz ténu et extrêmement chaud que l'on peut observer grâce à ses émissions de rayons X. C'est là que les « yeux » en rayons X de eRosita entrent en jeu. Ils permettent d'observer les amas de galaxies et de voir comment ils se déplacent dans l'Univers, et surtout, à quelle vitesse ils se déplacent. Nous espérons que ces mouvements nous en diront plus sur l'énergie noire. © Deutsche Zentrum für Luft- und Raumfahrt (DLR)