Les premières greffes de trachées réalisées à partir des cellules des patients et présentées hier par les deux chirurgiens sont une réussite pour la majorité des patients. Une « imperfection » du greffon, responsable de la mort par infection respiratoire de deux patients doit toutefois être corrigée.

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    La chirurgie réparatrice de trachée vient de faire un bond en avant : la greffe issue des cellules du patient est une réussite, d'après l'annonce hier des deux chirurgiens responsables de cette grande première. Greffés au centre Marie Lannelongue (Plessis-Robinson, Hauts-de-Seine) depuis un à six ans, la majorité des sept patients opérés vont bien, à tel point qu'ils ont repris leur activité. Malheureusement, deux patients sont décédés suite à des infections respiratoires.

    Selon les deux chirurgiens responsables de ces essais, Philippe Dartevelle, chef du département de chirurgie thoracique et vasculaire au centre Marie Lannelongue et Frédéric Kolb, chef du service de chirurgie plastiqueplastique et reconstructrice à l'institut Gustave Roussy (Villejuif), leur méthode serait actuellement la meilleure, mais mériterait néanmoins encore d'être améliorée.

    La trachée, un organe difficile à remplacer

    Car la trachée est un problème épineux pour les chirurgiens. À la suite d'accidents ou de tumeurs obstruant le passage de l'airair, il est très difficile de la remplacer, ce qui conduit à son ablationablation totale. Malgré des décennies de recherche sur les animaux (cochon, mouton...), aucune des solutions n'était réellement satisfaisante pour maintenir à la fois l'anatomie et la fonction de la trachée.

    La trachée fait partie du système respiratoire. 1 : Trachée ; 2 : Veine pulmonaire ; 3 : Artère pulmonaire ; 4 : Conduit alvéolaire ; 5 : Alvéole ; 6 : Poumon ; 7 : Bronchioles ; 8 : Bronche tertiaire ; 9 : Bronche secondaire ; 10 : Bronche primaire ; 11 : Larynx. © Rastrojo, Wikimedia, CC by-sa 3.0

    La trachée fait partie du système respiratoire. 1 : Trachée ; 2 : Veine pulmonaire ; 3 : Artère pulmonaire ; 4 : Conduit alvéolaire ; 5 : Alvéole ; 6 : Poumon ; 7 : Bronchioles ; 8 : Bronche tertiaire ; 9 : Bronche secondaire ; 10 : Bronche primaire ; 11 : Larynx. © Rastrojo, Wikimedia, CC by-sa 3.0

    Entre les bronchesbronches et le larynxlarynx, cet organe fait partie des voies aériennes et ouvre le passage de l'air entre les poumonspoumons et l'environnement. Mais son rôle ne se restreint pas à un seul canal : une muqueusemuqueuse qui tapisse l'intérieur de la trachée est également importante pour la protection du système respiratoire, en assurant la filtrationfiltration de l'air et l'élimination des poussières.

    L'organe de remplacement doit également remplir ces fonctions et doit donc être rigide, bien vascularisé, capable de lutter contre les infections et ne doit pas subir de sténosesténose (rétrécissement). Si des trachées synthétiques ont été tentées (endoprothèseendoprothèse), le résultat n'est pas vraiment à la hauteur car les matériaux ne sont pas bien supportés. L'idéal était de réussir à construire une trachée entièrement à partir des cellules du malade, afin que son système immunitaire ne la prenne pas pour cible et ainsi éviter la prise de traitements antirejets, lourds et parfois difficiles à supporter.

    Une trachée reconstituée à partir de peau et de côtes

    C'est ce qui a été réalisé par les deux chirurgiens français. Une imitation de trachée a été réalisée à partir de morceaux de peau prélevés sur le bras des patients pour recréer la couche de muqueuse, et à partir de morceaux de cartilages prélevés sur les côtes pour solidifier la structure. Cette technique est aussi fréquemment utilisée en chirurgie réparatrice du neznez. La peau et le cartilagecartilage sont ensuite courbés pour réaliser un cylindre similaire à une trachée, puis réimplantés de manière autologueautologue sur le patient.

    Il manque toutefois un élément essentiel, qui a d'ailleurs mené à la mort des deux patients, sur les sept opérés. Les cellules ciliéescellules ciliées, impliquées dans la défense contre des infections du système respiratoire, sont absentes du greffongreffon car elles n'existent pas en surface de la peau utilisée pour la greffe. Philippe Dartevelle et Frédéric Kolb espèrent maintenant réussir à apporter une réponse à cette « imperfection », en modifiant d'une manière ou d'une autre leur stratégie.