L’étude du patrimoine génétique des populations amérindiennes vient d’être réalisée avec une précision inégalée, grâce notamment à une prise en compte, pour la première fois, des métissages européens et africains présents au sein de chaque individu. Les Amériques auraient ainsi été colonisées en trois vagues successives à partir de peuplements provenant de Sibérie, mais il y a combien de temps ?

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    Portrait d'Amérindien de Guyane française. Ils seraient 167.000 individus, répartis en 6 ethnies dans le pays. © Georges Larrouy

    Portrait d'Amérindien de Guyane française. Ils seraient 167.000 individus, répartis en 6 ethnies dans le pays. © Georges Larrouy

    Grâce aux puces ADN, la technique la plus puissante d'analyse des génomesgénomes, une soixantaine de chercheurs d'Europe et des trois Amériques (du Nord, du Sud et centrale), et notamment du CNRS, a pu obtenir une vue d'ensemble du patrimoine génétiquegénétique de plus de 500 personnes provenant de 52 populations amérindiennes et 17 sibériennes. L'analyse de 364.470 marqueurs leur a permis d'établir le degré de différence ou de ressemblance génétique de ces populations. Pour cela, un intense travail de traitement informatique des données a dû être effectué. Il a fallu notamment détecter et interpréter correctement les traces génétiques du métissage africain et européen qu'ont connu, après l'arrivée de Christophe Colomb, les populations amérindiennes.  

    Les études, publiées le 11 juillet 2012 sur le site de la revue Nature, confirment que la majorité des populations amérindiennes, des Algonquins du Québec aux Yaghans de Terre de Feu, en passant par les Mayas-Kaqchiquel du Guatemala, proviennent d'une vaguevague de migration de Sibérie, il y a environ 15.000 ans. L'analyse des génomes montre que la plus grande diversité génétique parmi les individus se situe au nord de l'Amérique, tandis que les populations les plus homogènes sont celles de l'Amérique du Sud, confirmant l'axe nord-sud de peuplement du continent.

    Les Amériques auraient été colonisées une première fois par des peuplements provenant de la Sibérie voici 15.000 ans. Cette migration se serait poursuivie jusqu'à l'extrême sud du continent (en jaune sur la figure). Deux autres vagues se seraient succédé après, mais les peuples n'auraient pas poussé l'aventure au-delà de l'Amérique du Nord (en rouge et mauve). © Emiliano Bellini

    Les Amériques auraient été colonisées une première fois par des peuplements provenant de la Sibérie voici 15.000 ans. Cette migration se serait poursuivie jusqu'à l'extrême sud du continent (en jaune sur la figure). Deux autres vagues se seraient succédé après, mais les peuples n'auraient pas poussé l'aventure au-delà de l'Amérique du Nord (en rouge et mauve). © Emiliano Bellini

    Une colonisation des Amériques en trois phases

    Par ailleurs, les chercheurs ont montré l'existence de deux autres vagues de peuplement asiatique survenues ultérieurement. Ceci confirme le modèle à trois vagues proposé en 1986 par Greenberg, Turner et Zegura, et qui, à l'époque, n'avait pas convaincu la communauté de chercheurs. Les deux vagues, suivant celle connue sous le nom de « First American », sont toutefois restées cantonnées à l'Alaska, le Canada et le nord des États-Unis. Contrairement à ce qu'affirmait le modèle de 1986, les données actuelles montrent que les populations arrivantes se sont mélangées à celles déjà présentes. Ainsi se sont formés les peuples Eskimo-Aléoutes et Chipewyans.

    Ce travail de recherche a aussi permis de résoudre une énigme concernant le patrimoine génétique des indiens de langue Chibchan habitant au Panama. Ils seraient issus du métissage entre populations descendant du Mexique et un refluxreflux de populations remontant depuis le Venezuela et la Colombie.  

    Ces riches données génétiques réunies par le consortium devraient avoir par la suite un grand nombre d'applications, tournées notamment vers les relations Homme-environnement. Par exemple, les deux équipes des laboratoires Anthropologie bioculturelle, droit, éthique et santé, et Anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse (Amis) s'intéresseront, à partir de ces données, à la distribution d'autres marqueurs génétiques des populations dont on pense qu'ils ont pu représenter un avantage sélectif face à certaines maladies infectieuses en Amérique.