Biographie
La voie qui conduit au métier de chercheur est parfois rectiligne, succession d'étapes où brillent les succès scolaires fulgurants, ordonnés suivant une parfaite rationalité, chacun appelant le suivant. La mienne fut tout autre, attiré dès le plus jeune âge vers ce que l'on appelait alors les humanités, passionné par la littérature et les langues dites mortes, emporté par les voyages lointains auxquels convie la lecture des classiques, fasciné par ces hommes et ces femmes qui, du fond des âges, nous ont laissé des écrits sur lesquels le temps n'a pas de prise et qui, parfois, vous marquent au fer rouge.
La bifurcation tardive vers les sciences (après un bref épisode où seule la musique comptait) ne fut pas sans douleur mais elle eut lieu sans réelle difficulté grâce à un professeur de mathématiques en terminale (appelée à l'époque Math' Elem), Mr. Henri Mas, auquel je tiens à rendre ici hommage non pas tant pour ce qu'il m'a appris que pour ce qu'il m'a donné, définitivement : l'envie d'apprendre, toujours et toujours. La suite elle non plus ne fut pas sans doutes et errements liés à la rigidité d'un système au sein duquel le choix est fortement conditionné par l'aléatoire des concours et la pression sociale. En bout de course, une fois passée l'école d'ingénieurs, j'ai pris définitivement la direction de l'université pour y exercer le métier d'enseignant-chercheur.
Plus de quarante années après, un regard en arrière me permet d'avoir la certitude d'avoir exercé l'un des plus beaux métiers du monde, celui où le premier devoir est la transmission des vraies connaissances, le second, qui en est le dual, de contribuer un tout petit peu à leur développement. L'un des plus passionnants aussi puisque rien n'y est jamais acquis, rien n'est jamais achevé, tout peut être encore et toujours approfondi. L'un des plus ludiques enfin car se confronter à une question qui résiste en voulant la faire progresser renvoie à ces souvenirs d'enfance où il fallait alors trouver la pièce manquante du puzzle, mettre la main sur la bonne vis pour achever le Mécano ou identifier le rail qui, à chaque fois, faisait dérailler la loco électrique.