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    C'est l'usage le plus méconnu du peer to peerpeer to peer. Et le secret de polichinelle le mieux gardé de Los Angeles. Depuis plus de deux ans, les maisons de disques américaines étudient discrètement le comportement des utilisateurs de peer to peer pour mieux marketer leur produits. « Les majors ne peuvent pas le reconnaître publiquement, mais elles savent que Napster est l'outil le plus formidable qu'elles aient jamais eu à leur disposition pour étudier le marché », nous confiait début 2001 Eric Garland, PDG de la start-upstart-up californienne BigChampagne et pionnier dans l'étude des réseaux pirates.

    A l'époque, il bataillait ferme pour convaincre les maisons de disques. Aujourd'hui, assure-t-il, la plupart d'entre elles font partie de ses clients, même s'il refuse de dévoiler leurs noms. Comme les disques sont en général disponibles sur KaZaA avant leur sortie dans les bacs, les majors peuvent ainsi connaître à l'avance les futurs leaders du Top 50 (classement disponible en ligne sur http://www.bigchampagne.com), déterminer les titres les plus populaires d'un album afin de choisir les singles à envoyer aux radios. Les majors peuvent également scanner la collection musicale des amateurs de peer to peer pour déterminer, par exemple, quels sont les artistes préférés des fans d'Eminem ou de Johnny Hallyday, et leur proposer des offres personnalisées.

    Mieux encore, ces données sont à la fois ultra précises et disponibles en temps réel, alors que les statistiques des ventes de disques sont hebdomadaires et limitées aux 100 à 200 meilleures ventes. « Les études de BigChampagne nous ont donné une vision des goûts de nos clients à laquelle nous n'avions jamais eu accès auparavant », confiait l'an dernier à Music Week Rob Gordon, vice-président en charge du marketing de Capitol Records, dans un élanélan de franchise très rare dans le milieu.

    Bref, au moment même où elles intentent des procès en piraterie au peer to peer, les majors savent aussi les exploiter selon leurs intérêts. Elles persistent pourtant à diaboliser ces réseaux et leurs utilisateurs, comme pour mieux masquer leur part de responsabilité. En effet, le piratage résulte aussi du refus constant des maisons de disques et des studios d'Hollywood de mettre leur catalogue en vente sur le Net dans des conditions acceptables de commodité et de prix.

    Or, le temps presse, préviennent tous les experts. Car si 30 à 60 % des utilisateurs de peer to peer seraient actuellement prêts à payer pour télécharger, selon les différentes estimations, cette proportion risque de chuter très vite. « Plus le temps passe, plus l'habitude de ne pas payer s'enracine, et plus il sera difficile de réparer les dégâts », prévient Mark Mulligan. Or, malgré le récent succès du service iTunes d'AppleApple (5 millions de chansons à 99 cents vendues en deux mois), les majors ne semblent toujours pas prêtes à offrir aux utilisateurs de PCPC un service similaire, à la fois simple, riche et convivial.