Une équipe internationale d’astronomes d’instituts français et canadiens a analysé les images Megacam du grand relevé « Canada-France-Hawaii Telescope Legacy Survey » (CFHTLS). Les résultats obtenus sont en plein accord avec le modèle cosmologique dit de concordance, avec énergie noire et matière noire. Cette dernière peut même constituer des structures deux mille fois plus grandes que la Voie Lactée !

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    C'est un travail de longue haleine qui vient de trouver sa conclusion. Depuis plusieurs années en effet, 19 chercheurs de 11 instituts, réunis par l'Institut d'astrophysique de Paris (IAP, CNRS-Université Pierre & Marie CurieMarie Curie), l'Université British ColumbiaColumbia (UBC) et l'Université de Victoria (UVic) au Canada, ont entrepris d'analyser la structure à grande échelle des galaxies à l'aide de la méthode basée sur les effets de lentilles gravitationnelles faibles.

    On sait depuis EinsteinEinstein et Zwicky qu'une distribution de matière peut affecter la trajectoire des rayons lumineux dans l'Univers à la façon d'une lentille, ou plutôt d'un milieu d'indice variable. En mesurant les déformations des images provenant d'un corps céleste produites par un autre, intercalé entre le premier et l'observateur, il est possible de remonter au champ gravitationnel du second et, surtout, à sa massemasse.

    En particulier, l'image d'une galaxie pourra se retrouver démultipliée et déformée. Cet effet est en général faible, d'où le nom d'effet de lentille gravitationnelle faible. Il s'agit bien sûr de la situation qui se produit lorsqu'on observe des structures à grandes échelles et où donc le champ de gravitation n'est pas très important.

    La forme elliptique des galaxies est alors légèrement déformée et, si l'on observe un suffisamment grand nombre d'entre elles, on peut détecter des corrélations entre ces déformations qui permettent de remonter aux caractéristiques des forces gravitationnellesforces gravitationnelles associées à une distribution de masse-énergieénergie dans une région de l'Univers s'étendant sur plusieurs dizaines de millions d'années-lumièreannées-lumière au moins. 

    Figure 1 (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Sur la gauche est représentée l'une des trois régions observées (carrés verts). Cette région est située à proximité de la Grande Ourse. 700.000 galaxies y furent détectées (sur un total de deux millions pour les trois régions observées). La partie agrandie montre quelques étoiles et plus d'une centaine de galaxies peu lumineuses. Sa dimension angulaire est de 3 minutes d'arc, à peine plus que la résolution limite de l'œil humain. Crédit : <em>Canada-France-Hawaii Telescope Corporation 2008</em>
    Figure 1 (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Sur la gauche est représentée l'une des trois régions observées (carrés verts). Cette région est située à proximité de la Grande Ourse. 700.000 galaxies y furent détectées (sur un total de deux millions pour les trois régions observées). La partie agrandie montre quelques étoiles et plus d'une centaine de galaxies peu lumineuses. Sa dimension angulaire est de 3 minutes d'arc, à peine plus que la résolution limite de l'œil humain. Crédit : Canada-France-Hawaii Telescope Corporation 2008

    Le télescopetélescope Canada-France-Hawaii possède la caméra numériquenumérique MegaCam, la plus grande du monde, et il est bien adapté pour faire des observations à grand champ. C'est ainsi qu'un relevé détaillé dans la région de la Grande OurseGrande Ourse, le Canada-France-Hawaii Telescope Legacy Survey, a pu être effectué par les astronomesastronomes

    La répartition de la matière noire à grande échelle

    Le but était de remonter par les effets de lentille gravitationnelle faible à la distribution de matière noirematière noire et à l'influence de l'énergie sombre sur les grandes structures filamenteuses d'amas de galaxiesamas de galaxies à une échelle jamais atteinte jusqu'à présent par les observations. Très précisément, la taille de l'échelle des observations a été multipliée par trois.

    Figure 2 (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Les seules régions admises pour les données du CFHTLS sont montrées en bleu, celles de l’anisotropie du fond diffus cosmologiques de Wmap3 sont en vert et la combinaison des deux en jaune. Les amplitudes permises sont Omega<sub>M</sub> = 0,248 ± 0,038 et Sigma<sub>8</sub> = 0,771 ± 0,058. Les trames cosmiques possibles de trois Univers correspondants aux courbes bleues, noires et vertes de la partie droite, sont également représentées, chacune illustrant une combinaison différente des paramètres (OmegaM, Sigma8), comme indiqué par les croix.Crédit : <em>Canada-France-Hawaii Telescope Corporation 2008</em>
    Figure 2 (cliquer sur l'image pour l'agrandir). Les seules régions admises pour les données du CFHTLS sont montrées en bleu, celles de l’anisotropie du fond diffus cosmologiques de Wmap3 sont en vert et la combinaison des deux en jaune. Les amplitudes permises sont OmegaM = 0,248 ± 0,038 et Sigma8 = 0,771 ± 0,058. Les trames cosmiques possibles de trois Univers correspondants aux courbes bleues, noires et vertes de la partie droite, sont également représentées, chacune illustrant une combinaison différente des paramètres (OmegaM, Sigma8), comme indiqué par les croix.Crédit : Canada-France-Hawaii Telescope Corporation 2008

    Il existe essentiellement deux grandes sources complémentaires d'information sur les paramètres cosmologiques fondamentaux de l'Univers. La première est le fameux rayonnement fossilerayonnement fossile, dont les analyses les plus récentes ont été faites grâce à la sonde WMap. La seconde consiste précisément en l'étude de la répartition à grandes échelles, plus de 100 millions d'années-lumière, des amas de galaxies. On y observe une vaste structure complexe avec filaments, bulles de vide et parois. Au-delà de 400 millions d'années-lumière environ, l'Univers semble homogène.

    Dans le cas du CFHTLS, les observations ont révélé, comme on s'y attendait, que de la matière noire était bien présente sous forme de concentrations pouvant s'étendre jusqu'à 270 millions d'années-lumière dans les filaments. Ces effets de lentille gravitationnelle sont reliés à la répartition de la matière ainsi que son organisation sous l'action de sa propre gravitégravité mais aussi de l'énergie noireénergie noire. Jointes à celles de WMap, ces observations conduisent à une nouvelle estimation des parts respectives de celles-ci dans la composition de l'Univers.

    Les résultats sont en plein accord avec les valeurs du modèle de concordance obtenues par d'autres techniques observationnelles, associées à d'autres phénomènes astrophysiques, comme les supernovaesupernovae.

    Comme on peut le voir sur le schéma de la figure 2, si l'on considère un espace de paramètres cosmologiques en deux dimensions, le CFHTLS autorise une certaine région en bleu (compte tenu des incertitudes de mesures) et WMap la région verte. A l'intersection, se trouvent les valeurs des paramètres les plus probables.