Hommes et femmes rivalisent d’ingéniosité pour cacher leurs relations extraconjugales. Nous ne sommes pas seuls à user de stratagèmes pour éviter que cela se sache. Les singes lions, autrement appelés géladas, savent aussi se montrer discrets…

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    L'infidélité se rencontre fréquemment dans le monde animal. Même les oiseaux formant des couples monogames durables n'hésitent pas à aller voir ailleurs quand l'occasion se présente. Cependant, tous ces animaux ne se montrent pas forcément aussi ingénieux que nous pour vivre une seconde idylle (voire une troisième) en parallèle. Serions-nous seuls à vouloir cacher aux autres (ou du moins au conjoint) cette aventure extraconjugale ?

    La réponse est non. Des observations menées chez des macaques avaient révélé que les dominés profitaient d'une distance importante avec les dominants pour effectuer leur besogne, mais une étude publiée dans Nature Communications et réalisée chez d'autres singes, des géladas (Theropithecus geladaTheropithecus gelada), montre que ces animaux cherchent eux aussi à se montrer très discrets.

    Ce travail est l'œuvre d'Aliza Le Roux et ses collègues de l'université de l’État-Libre, à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Conduites durant trois ans sur 19 groupes de ces primates du parc national du Simien en Éthiopie, ces recherches nous en apprennent plus sur les origines évolutives de l’infidélité.

    Un bébé gélada sur six naît de relations extraconjugales

    Ces singes vivent en général dans des groupes sociaux composés d'une dizaine de femelles accompagnées par quelques mâles subordonnés, sous le règne sans partage d'un dominant. Celui-ci s'octroie tous les droits de reproduction sur les femelles. Et gare à ceux qui seraient pris en plein ébat ! C'est à coup de dents et en usant d'autres violences que le tyran fait régner son autorité.

    Les géladas vivent dans des prairies herbeuses, rendant le contact visuel permanent. Durant l'acte sexuel, ils poussent des petits cris particuliers, qui ne sont émis que dans ce contexte particulier. Difficile donc de berner le mâle alpha.

    En théorie, le dominant veille à ce qu'aucun autre mâle n'ait accès aux femelles. En pratique, il n'y arrive pas toujours, puisqu'il n'est le père que de 83 % des petits. © banksias, Flickr, cc by nc sa 2.0

    En théorie, le dominant veille à ce qu'aucun autre mâle n'ait accès aux femelles. En pratique, il n'y arrive pas toujours, puisqu'il n'est le père que de 83 % des petits. © banksias, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Pourtant, des études précédentes ont révélé que 17 % des petits étaient issus des autres mâles de la troupe. Comment peuvent-ils s'y prendre ? Ce fut l'objet de l'enquête menée par les scientifiques sud-africains.

    Le silence, clé du succès de l’infidélité

    Entre janvier 2009 et décembre 2011, les auteurs ont dénombré 939 copulations entre les mâles dominants des différents groupes avec leurs femelles. Dans ce même laps de temps, ils ont aussi comptabilisé 93 relations extraconjugales impliquant un mâle dominé.

    Dans la majorité des cas, ces plaisirs interdits avaient lieu lorsque le chef de la meute se trouvait à plus de 20 m des protagonistes. Cependant, pour éviter de se faire repérer, les singes ne poussaient pas leur cri caractéristique de l'accouplement. Ils s'adaptaient pour maximiser leurs chances de réussite. Cela s'appelle la tromperie tactique.

    Dans 20 % des cas, la stratégie ne suffisait pas, le dominant découvrant l'infidélité et recadrant les deux amants en usant de sa supériorité physiquephysique. Une réprimande dissuasive... un temps seulement. Car très vite, les singes fautifs retentaient leur chance. Ah, l'amour...

    De l'origine évolutive de la tromperie

    D'autres recherches avaient auparavant été menées sur l'infidélité, mais celles-ci se focalisaient sur une tromperie plus opportuniste, les animaux profitant juste de l'absence du chef dans les parages pour passer à l'acte. Quand le chat n'est pas là, les souris sont plus libres de danser. Cette fois, le constat semble clair : les géladas cherchent vraiment à rester le plus discrets possible...

    Ce sont des travaux de ce type qui nous éclaireront davantage sur l'origine évolutive de l'infidélité, mais aussi des sanctions qui y sont associées. Car dans notre société comme pour ces primates, tromper relève plutôt de l'immoralité et s'ensuit souvent de représailles. Cependant, cette étude ne répond pas à la question qui anime l'humanité : à partir de quand commence l'infidélité ?