Comme les chauves-souris et les dauphins, les humains pourraient repérer les obstacles grâce à un sonar naturel en utilisant... leur langue. Bien plus maladroitement, bien sûr, mais avec de bons résultats. Le fait était déjà connu mais des scientifiques espagnols ont étudié le phénomène de plus près.

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    Juan Antonio Martínez, les yeux fermés, détecte une colonne devant lui. © SINC

    Juan Antonio Martínez, les yeux fermés, détecte une colonne devant lui. © SINC

    Faites un long « chut », fermez les yeuxyeux et passez devant la bouche un objet quelconque, par exemple un stylo. Le son semble légèrement modifié. Voilà un embryon de sonarsonar... Mais on peut faire beaucoup mieux, comme le démontrent Juan Antonio Martínez et son équipe de l'Ecole Polytechnique supérieure, de l'université de Alcalá de Henares (UAH, Madrid).

    Ces chercheurs mènent plusieurs études sur le sujet avec l'espoir d'aider les aveugles en leur donnant de nouvelles possibilités grâce à une véritable technique d'écholocationécholocation. Dans un article paru dans la revue Acta Acustica united with Acustica, ils décrivent leur recherche des sons les plus efficaces pour détecter à l'oreille des objets situés devant la personne. Les meilleurs, explique l'équipe, sont les clics palataux. On les obtient en faisant claquer sa langue sur le palais. Mais pas n'importe comment, précisent les chercheurs. L'effet le plus net est obtenu en coinçant la langue derrière les incisives puis en la retirant violemment vers l'arrière et non pas vers le bas, comme le font spontanément la plupart des gens.

    L'écho reçu par les oreilles se trouve notablement modifié par les obstacles et le court délai de la réceptionréception permet d'estimer la distance. Ces clics ressemblent d'ailleurs beaucoup à ceux produits par les dauphins. Mais leurs organes d'écholocation, spécialement, conçus leur permettent de monter à un débitdébit de 200 clics par seconde quand un homme entraîné en reste à trois ou quatre.

    Une technique utile aux pompiers ?

    La méthode n'est pas une nouveauté. Des aveugles l'ont découverte par eux-mêmes. Aux Etats-Unis, deux personnes sont célèbres pour leurs prouesses stupéfiantes, qui les rendent capables de repérer précisément leur environnement immédiat. Mieux qu'un discours, deux vidéos de YouTubeYouTube (en anglais) démontrent ce que peut faire un être humain déterminé. Daniel Kish y expose sa méthode et se prête à plusieurs démonstrations. Sans doute plus doué encore, le jeune Ben Underwood (décédé en janvier 2009, à l'âge de 16 ans, des suites du cancer qui l'avait rendu aveugle à deux ans) court, se déplace en rollers et joue au baby-foot...

    L'équipe de Juan Antonio Martínez a mis au point une méthode d'apprentissage qui mène à une utilisation efficace. Selon les chercheurs, à raison d'un entraînement de deux heures par jour, il faut deux semaines pour parvenir à repérer la présence d'un objet devant soi. Avec deux semaines de plus, il est possible de faire la différence entre « des arbresarbres et le trottoir ».

    Le travail continue pour les scientifiques espagnols, qui veulent aller plus loin. La méthode pourrait selon eux servir aux personnes à la fois aveugles et sourdes car les vibrationsvibrations sonores peuvent être perçues également par les os. Elle pourrait aussi être adoptée par les pompiers pour se repérer dans la fumée.

    L'équipe veut aussi savoir jusqu'à quel niveau de performances peut mener cette technique. Etonnament, les chercheurs qui ont appris à la pratiquer commencent à être capables de percevoir des objets invisibles mais repérables au son, comme les os sous la peau ou des objets à l'intérieur d'un sac...