Profitant d'une activité solaire exceptionnellement faible, les rayons cosmiques sont plus intenses qu'ils ne l'ont jamais été depuis les débuts de l'ère spatiale. C'est ce que démontrent les mesures de ACE, un engin lancé en 1997. Les futures missions habitées devront en tenir compte...

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    Une vue d'artiste de l'héliosphère, qui, par son champ magnétique dévie ou ralentit les rayons cosmiques (Cosmic Ray). L'héliopause, limite d'influence du Soleil, est déformée par le flux de matière interstellaire au niveau de l'onde de choc (Bow Shock). En fait, ce flux est dû au mouvement du Soleil (ici de la droite vers la gauche), qui rencontre la matière environnante, à la manière d'un motard qui perçoit le vent relatif dû à sa propre vitesse. La bulle bleue délimite le choc terminal (Termination Shock), zone où les particules du vent solaire sont ralenties par la matière interstellaire et passent d'un régime supersonique à une vitesse subsonique. Au-delà s'étend l'héliogaine (Heliosheath). Les sondes Voyager, lancées en 1977, ont atteint ou dépassé cette limite. © Richard Mewaldt / Caltech

    Une vue d'artiste de l'héliosphère, qui, par son champ magnétique dévie ou ralentit les rayons cosmiques (Cosmic Ray). L'héliopause, limite d'influence du Soleil, est déformée par le flux de matière interstellaire au niveau de l'onde de choc (Bow Shock). En fait, ce flux est dû au mouvement du Soleil (ici de la droite vers la gauche), qui rencontre la matière environnante, à la manière d'un motard qui perçoit le vent relatif dû à sa propre vitesse. La bulle bleue délimite le choc terminal (Termination Shock), zone où les particules du vent solaire sont ralenties par la matière interstellaire et passent d'un régime supersonique à une vitesse subsonique. Au-delà s'étend l'héliogaine (Heliosheath). Les sondes Voyager, lancées en 1977, ont atteint ou dépassé cette limite. © Richard Mewaldt / Caltech

    De mémoire d'homme moderne, le rayonnement cosmique n'a jamais été aussi intense. Installé à 1,5 million de kilomètres, le satellite ACE (Advanced Composition Explorer) tourne depuis 1997 autour du point de Lagrange L1 du système Terre-Soleil. Il analyse en permanence le milieu qui l'entoure pour étudier la couronne solaire, le vent solaire et ce que l'on appelle le rayonnement cosmique.

    Malgré ce nom, et même si l'on y trouve effectivement des rayons gamma, ce « rayonnement » est surtout un flux de particules, comportant des neutrinosneutrinos et, surtout, beaucoup de protons et des noyaux, d'héliumhélium en majorité mais aussi d'autres éléments. Initialement accélérées, par des supernovaesupernovae pour une partie d'entre elles et sans doute par d'autres objets, comme les noyaux actifs des galaxies, elles atteignent de très hautes énergiesénergies (on les dit relativistes). Une seule de ces particules, si elle percute au mauvais endroit un circuit électronique d'un vaisseau spatial, peut provoquer de vrais dégâts. Sur un corps humain, les effets ne sont pas négligeables. Durant la mission Apollo 11Apollo 11, Buzz AldrinBuzz Aldrin a expérimenté le cas de chocs sur la rétinerétine : l'astronauteastronaute voyait des flashes lumineux. Pour une exposition plus prolongée, l'effet est celui d'un rayonnement ionisant, comme la radioactivitéradioactivité.

    L'intensité du flux de noyaux d'atomes de fer du rayonnement cosmique mesurée par ACE. Il dépasse actuellement de 19,4% le précédent record enregistré depuis les débuts de l'ère spatiale (<em>previous space age record high</em>). La courbe noire représente ce que l'on s'attendait à mesurer si le Soleil avait suivi son cycle de 10,5 ans que l'on a établi entre 1951 et 2005. Le flux est donné en nombre de particules par unité de surface (mètre carré), par unité d'angle solide (stéradian, sr), par unité de temps (en seconde) et par intervalle d'énergie des particules incidentes (MeV, ici de 270 à 450 mégaélectron-volts) et par particule (ici, en fait, des noyaux de fer, Fe). © Richard Mewaldt / Caltech

    L'intensité du flux de noyaux d'atomes de fer du rayonnement cosmique mesurée par ACE. Il dépasse actuellement de 19,4% le précédent record enregistré depuis les débuts de l'ère spatiale (previous space age record high). La courbe noire représente ce que l'on s'attendait à mesurer si le Soleil avait suivi son cycle de 10,5 ans que l'on a établi entre 1951 et 2005. Le flux est donné en nombre de particules par unité de surface (mètre carré), par unité d'angle solide (stéradian, sr), par unité de temps (en seconde) et par intervalle d'énergie des particules incidentes (MeV, ici de 270 à 450 mégaélectron-volts) et par particule (ici, en fait, des noyaux de fer, Fe). © Richard Mewaldt / Caltech

    Depuis son poste d'observation, ACE voit l'énergie du rayonnement cosmique augmenter presque linéairement depuis le début des années 2000 et, surtout, continuer à augmenter depuis 2008. Or, ce flot de particules cosmiques aurait dû s'apaiser à cette date du fait de la reprise de l'activité solaire. Le Soleil, en effet, nous protège de ce rayonnement par le champ magnétiquechamp magnétique géant qu'il fait régner autour du système solairesystème solaire, dans l'héliosphèrehéliosphère. Les particules venues du cosmoscosmos sont ainsi déviées ou ralenties.

    Depuis longtemps, on a remarqué que le rayonnement cosmique reçu au niveau de la Terre diminue quand l'activité solaire est maximale et augmente lorsqu'elle se réduit. Se traduisant par des taches sur la surface, cette activité vivait jusque-là sur un rythme d'environ 10,5 ou 11 ans. Pourtant, depuis plusieurs années, les astronomesastronomes observent que le Soleil, après un minimum dans les années 1990, rechigne à se réveiller. Le retard de la réapparition des taches solaires, pour lequel on a peut-être trouvé une explication, se traduit par d'autres phénomènes.

    Les premières conquêtes spatiales ont peut-être eu de la chance

    Le champ magnétique interplanétaire (IMF, interplanetary magnetic field) régnant autour du satellite, habituellement compris entre 6 et 8 nanoteslas (nT), est tombé actuellement à 4 nT. La puissance du vent solaire est elle aussi très faible, comme l'a prouvé Ulysse (UlyssesUlysses en anglais), une sonde réalisée par l'Esa et la NasaNasa, qui a tourné autour du Soleil (en survolant les pôles) durant une quinzaine d'années, et qui a mesuré la pressionpression exercée par le vent solaire (et qui peut faire avancer une voile solaire).

    Enfin, un troisième phénomène serait en cause : l'aplatissementaplatissement de la couche de courant héliosphèrique. Cette énorme structure d'environ 10.000 kilomètres d'épaisseur s'étend jusqu'à la ceinture de Kuiperceinture de Kuiper, au-delà de PlutonPluton et correspond à la zone où la polarité du champ magnétique solaire s'inverse. Elle est constituée de particules chargées et ondule comme un voile de part et d'autre du plan de l'écliptiqueplan de l'écliptique.

    Cette structure ondulante modifie la trajectoire du rayonnement cosmique et, quand elle s'aplatit, comme elle le fait actuellement, ces particules du rayonnement cosmique peuvent plus facilement s'approcher des planètes.

    Une représentation de la couche de courant héliosphérique On remarque sa structure en spirale, due à la rotation du Soleil sur lui-même. (Auteur Werner Heil/Nasa, domaine public)

    Une représentation de la couche de courant héliosphérique On remarque sa structure en spirale, due à la rotation du Soleil sur lui-même. (Auteur Werner Heil/Nasa, domaine public)

    « Si la couche de courant héliosphèrique continue à s'aplatir, affirme Richard Mewaldt, du Caltech, un des chercheurs impliqués dans cette étude, le flux cosmique grimpera à 30% au-dessus du précédent maximum connu. »

    Avec son champ magnétique personnel, la Terre nous protège efficacement contre ce flux cosmique et le taux actuel reste modéré. On sait, toutefois, que dans le passé ce flot a été jusqu'à trois fois plus intense. En percutant les atomesatomes de l'atmosphèreatmosphère, ces particules à hautes énergies, en effet, créent parfois des isotopesisotopes du bérylliumbéryllium (10Be), que l'on retrouve dans les carottescarottes glaciaires.

    En fait, les débuts de l'ère spatiale se sont peut-être déroulés durant une période où ce vent cosmique était exceptionnellement calme et, avance Richard Mewaldt, « nous pourrions actuellement revenir à une situation normale à l'échelle des siècles ». On savait déjà que le rayonnement cosmique représente un danger pour les vols habités, mais pour des missions longues, par exemple vers Mars, il faudra peut-être, alors, revoir les protections à la hausse.