Le traité de Verdun, signé en 843 entre les fils survivants de Louis le Pieux, acte le partage de l'Empire carolingien et met fin à l'universalité du titre impérial. De ce partage, naîtra quelques siècles plus tard le royaume de France.


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    Le traité de Verdun est signé en l'an 843 entre les trois fils survivants de Louis Le Pieux, fils de Charlemagne, qui meurt en 840. Il met fin à une situation conflictuelle née de l'incapacité des frères à s'entendre pour acter le partage successoral de l'Empire carolingien à la mort de leur père. 

    Il faut remonter quelques années en arrière pour comprendre les origines de ces querelles de succession. Louis Le Pieux qui a succédé à son illustre père en 814 est sacré empereur à Reims en 816. Il a trois fils : Lothaire, Pépin et Louis le Germanique. Se pose alors la question de la succession, question cruciale dans le contexte impérial.

    En 817, Lothaire est désigné comme principal successeur de Louis Le Pieux par le capitulaire Ordinatio Imperii. Ce document est un compromis entre la tradition franque qui impose un partage équitable entre les héritiers et une conception universelle de l'indivisibilité du titre impérial. Placés sous l'autorité de leur frère, Pépin récupère le duché d'Aquitaine et Louis, les territoires de Bavière. 

    Une fratrie qui se déchire pour l’empire de Charlemagne

    Pourtant un événement remet en cause cette répartition. Ermengarde, épouse de Louis le Pieux, meurt en 818. L'année suivante, Louis le Pieux se remarie alors en secondes noces avec Judith de Bavière. Deux enfants naissent de cette union dont Charles, en 823. Le roi doit alors repenser sa succession. Il n'hésite pas à doter richement son plus jeune fils, parfois au détriment de ses aînés. Par exemple, en 832, il dépossède Pépin 1er de ses territoires d'Aquitaine et les octroie à Charles. Lothaire voit son héritage morcelé et affaibli. Il décide alors de contre-attaquer : il rallie ses frères à sa cause et obtient le soutien du Pape. Il parvient ainsi à faire déposer son père en 833. Il fait enfermer par la même occasion Judith et Charles dans un monastère.

    Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Par un retournement d'alliance, Louis et Pépin se rapprochent de leur père et participent activement à son retour sur le trône en 834. Ce n'est qu'à ce moment-là que son épouse et son plus jeune fils retrouvent leur liberté. Les tensions s'apaisent et ouvrent la voie à la réconciliation en 838. Mais ce rapprochement est de courte durée : Pépin Ier meurt en septembre 838, obligeant le roi vieillissant à revoir sa succession. Après un nouveau partage en 839, le roi meurt l'année suivante.  

    À la mort du fils de Charlemagne, ces querelles reprennent et virent à l'affrontement armé. Fort de son statut d'aîné, Lothaire revendique la succession et rallie à sa cause Pépin II, fils de Pépin 1er. Louis Le Germanique et Charles le Chauve s'allient alors pour contrer les ambitions de leur frère. Leur alliance s'avère victorieuse : ils battent Lothaire et Pépin II lors de la bataille de Fontenoy en Pusaye en 841. L'alliance de circonstance devient une alliance solennelle avec les Serments de Strasbourg en février 842 ; les deux souverains se jurent une assistance mutuelle inconditionnelle. Lothaire n'a alors d'autres choix que de céder face aux forces armées conjointes de ses cadets.

    Serments de Strasbourg (842). Connus à travers la copie réalisée à Soissons au X<sup>e</sup> siècle, présentée dans le cadre d'une exposition au Musée historique de Strasbourg en 2012. © <em>Wikimedia Commons, </em>Domaine Public
    Serments de Strasbourg (842). Connus à travers la copie réalisée à Soissons au Xe siècle, présentée dans le cadre d'une exposition au Musée historique de Strasbourg en 2012. © Wikimedia Commons, Domaine Public

    Le partage de l’Empire carolingien

    Lothaire, Louis le Germanique et Charles parviennent à un accord qui prend forme avec le traité de Verdun. Ce traité entérine le partage de l'empire de leur grand-père et fait disparaître par là même l'universalité du titre impérial. 

    • Charles hérite de la Francie occidentale : le territoire s'étend sur les puissants duchés d'Aquitaine, de Gascogne, de Septimanie, une partie de la Bourgogne, la Neustrie et Navarre. Ce territoire est à l'origine du royaume de France.
    • Louis le Germanique obtient la Francie orientale, souvent désignée comme la Germanie, embryonembryon du futur Saint-Empire Romain Germanique.
    • Lothaire reçoit la Francie médiane qui s'étend de la Lotharingie à la Provence et à la Lombardie.

    Si Lothaire conserve le titre impérial, la réalité est toute autre. Il ne contrôle plus qu'un long territoire pris en tenaille entre la riche Francie occidentale de Charles le Chauve et les terres à l'est de Louis le Germanique. L'unité territoriale de l'empire de Charlemagne n'est plus. La loi franque de partage des terres entre les fils du roi est respectée.

    L'atomisation des territoires se poursuit dans la seconde moitié du IXe siècle. À la mort des fils de Lothaire, Louis le Germanique et Charles Le Chauve se partagent les territoires de Lotharingie, de Provence et du royaume d'Italie. Ce partage tripartite de l'Empire carolingien esquisse l'emprise territoriale de ce qui deviendra la France, l'Italie et l'Allemagne. Le titre impérial hérité de Charlemagne disparaît à la mort de Lothaire. Deux nouvelles entités fortes semblent s'affirmer : la Francie occidentale de Charles Le Chauve et la Germanie de Louis le Germanique.