Bienvenue dans ce deuxième chapitre du Cabinet de curiosités ! Aujourd'hui, nous partons en Suède, à la rencontre du lion de Gripsholm, l'un des spécimens empaillés les plus connus d'Internet. Installez-vous confortablement, prenez votre tasse de thé, c'est parti !


au sommaire


    Force est de reconnaître que la taxidermie n'est pas une pratique facile. Rendre l'apparence de la vie à un corps mort est un exercice complexe qui demande, certes, du doigté, mais également une finesse de perception dont tout le monde n'est pas doté. Un débutant risquera de donner à l'une de ses créatures une posture trop raide tandis qu'un artiste peu inspiré manquera d'insuffler l'éclat nécessaire dans le regard de l'animal. Puis, il y a les ratés absolus, les animaux empaillés qui, faute de retrouver un semblant de vie, connaissent une deuxième existence sur les réseaux sociauxréseaux sociaux où ils deviennent des memes à part entière. L'une des stars du classement est le sujet de notre étude aujourd'hui dans le Cabinet de curiosités.

    Un lion par la poste

    Si vous avez écouté l'épisode de notre podcast Chasseurs de Science consacré à Zarafa, vous savez que, fut un temps, il était considéré de bon ton d'envoyer un animal exotiqueexotique ou deux à son interlocuteur pour attester de la bonne santé des relations diplomatiques. On peut donc présumer que ce n'est qu'avec une surprise modérée que le roi Frédéric Ier de Suède reçut chez lui un lionlion, un jour de 1731. Envoyé par un expéditeur que certains historienshistoriens supposent avoir été le Bey d'Alger, le splendide animal fut le premier de son espèceespèce à atteindre la Scandinavie -- du moins depuis la disparition des lions en Europe près de 16.000 ans plus tôt. Il mena le reste de son existence au parc royal du Djurgården.

    Lorsque la bête mourut, sa peau et ses os (probablement pas son crânecrâne) furent conservés pendant un temps jusqu'à ce qu'il fût décidé qu'un taxidermistetaxidermiste immortaliserait la bête comme il se devait. Le spécialiste se heurta cependant à une petite difficulté. À l'époque, les lions ne couraient pas les rues de Stockholm -- pas plus qu'aujourd'hui d'ailleurs --, et notre protagoniste n'avait jamais eu l'opportunité d'observer une telle créature de son vivant. Aussi confus devant les ossements qu'un enfant devant un set Lego du Faucon Millenium avec pour seule aide visuelle un dessin du vaisseau réalisé par sa petite sœur de 4 ans, il fit de son mieux pour recréer l'animal de façon fidèle. Sans toutefois y parvenir.

    Une drôle de bête au château de Gripsholm

    Le lion, aujourd'hui installé au château de Gripsholm, dans la ville de Mariefred, fait désormais le bonheur et l'hilarité des touristes. Nul doute que le taxidermiste qui l'a ramené à la vie (car on ne lui enlèvera pas que la créature ne manque pas d'expressivité) était probablement un amoureux des chienschiens, plus que des chats. Le regard mutin, l'animal, qui n'a plus grand chose de léonin, laisse pendre une grande langue rouge entre des dents humaines qui s'étirent en un large sourire. Au milieu de la tête, aussi plate qu'une pomme de terrepomme de terre à moitié écrasée, percent deux yeuxyeux de verre aussi terrifiants que grotesques. Quant à sa crinière, elle tient plus de la serpillère en fin de vie que du panache régalien habituellement associé à ces grands félidésfélidés.

    Le taxidermiste qui a empaillé Leo le lion n'avait probablement jamais vu l'animal de son vivant. © Kungligaslotten.se
    Le taxidermiste qui a empaillé Leo le lion n'avait probablement jamais vu l'animal de son vivant. © Kungligaslotten.se

    Le lion du château de Gripsholm est le meilleur représentant des interprétations fantasques dont étaient parfois coupables les naturalistes et les taxidermistes de l'époque, mais il n’en est certainement pas le seul. N'oublions pas qu'à l'époque, la majorité de la population devait se fier aux récits et aux illustrations produits par une poignée de personnes pour imaginer à quoi pouvaient bien ressembler ces créatures dont ils n'avaient jamais croisé le chemin. Si l'on peut bien reconnaître un avantage à internetinternet, c'est que jamais plus un lion empaillé n'aura à ressembler à cela.

    Et de deux ! Rendez-vous dans deux semaines pour un nouvel objet, dans le Cabinet de curiosités. © Adobe Stock, nosorogua, Futura
    Et de deux ! Rendez-vous dans deux semaines pour un nouvel objet, dans le Cabinet de curiosités. © Adobe Stock, nosorogua, Futura

    Cabinet de Curiosités

    ---

    Bienvenue dans le Cabinet des Curiosités !

    Ensemble, voyageons dans les coulisses de la science et découvrons les objets les plus insolites, les créatures les plus étranges et les anecdotes les plus captivantes qui écrivent la petite histoire derrière la grande.

    ---