Des pièces de monnaie romaines datant de l’époque de l'empereur Constantin Ier, c'est-à-dire du IVe siècle après J.-C., ont été découvertes dans les ruines moyenâgeuses du château Katsuren, sur l’île japonaise d’Okinawa. L’annonce n’est pas si étonnante que cela si l’on se rappelle l’existence d’intenses échanges commerciaux entre Rome et l’Inde au début du premier millénaire.

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    L'annonce de la découverte, par des archéologues japonais, de plusieurs pièces de monnaie romaines en cuivre dans les ruines du célèbre château Katsuren (qui est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco) doit profondément surprendre beaucoup de monde, mais probablement pas complètement tous ceux qui sont un peu férus d'histoire romaine ancienne.

    Situé sur l'île d'Okinawa, non loin de la ville d'Uruma, ce château, construit aux XIIe et XIIIe siècles, a été détruit en 1458. Peu avant sa chute, il faisait partie du royaume des Ryûkyû et était en étroite relation commerciale par voies maritimes avec la Chine et l'Asie du Sud-Est. Même si l'on ne connaît rien des détails de l'histoire de ces pièces, dont la datation à l'aide des rayons X a montré qu'elles étaient authentiques, il semble raisonnable de penser qu'elles ont été importées d'Inde.


    Depuis 2013, des fouilles archéologiques, que l'on peut voir sur la première image de cette vidéo, sont menées au château de Katsuren. Elles ont permis de découvrir la pièce de monnaie romaine que l'on voit au début de cette vidéo, les suivantes n'étant là qu'à titre d'illustration. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © wochit News

    Des épices de l'Inde du Sud contre des millions de sesterces

    En effet, des échanges commerciaux existaient déjà avant J.-C. entre Rome et l'Inde, par voie terrestre, à travers l'Anatolie et la Perse, du fait notamment des conquêtes d'Alexandre le Grand (elles ont incidemment donné naissance à l'art gréco-bouddhique). Puis, à partir du premier siècle de notre ère, après la conquête romaine de l'Égypte sous le règne d'Auguste, ces échanges vont rapidement exploser par voies maritimes.

    Les Romains vont en effet entrer en contact avec le royaume guerrier et marchand d'Axoum, dans le Haut-Nil. Or, celui-ci commerçait déjà avec l'Inde depuis des siècles. Les Romains vont alors s'appuyer sur le savoir des navigateursnavigateurs de ce peuple pour aller chercher des épices, de la cannellecannelle, de l'encens mais aussi du lapis-lazuli, des turquoises et de la soie le long de l'Afrique orientale jusqu'au Sri Lanka et même plus loin.

    Il en a d'ailleurs résulté un célèbre livre dont on connaît un exemplaire sous la forme d'un manuscrit byzantin du Xe siècle. Intitulé Le Périple de la Mer rougeMer rouge ou Périple de la mer Érythrée, il a probablement été rédigé au Ier siècle après J.-C. et il décrit la navigation et les échanges commerciaux entre les ports romano-égyptiens et ceux de la Mer rouge et de l'Inde.

    Trois pièces d'or romaines trouvées à Pudukkottai, en Inde du Sud. De gauche à droite : une pièce à l'effigie de Caligula et deux pièces à l'effigie de Néron. © Uploadalt, Wikipédia, CC by-sa 3.0

    Trois pièces d'or romaines trouvées à Pudukkottai, en Inde du Sud. De gauche à droite : une pièce à l'effigie de Caligula et deux pièces à l'effigie de Néron. © Uploadalt, Wikipédia, CC by-sa 3.0

    De nos jours, on trouve encore de nombreux trésors constitués de pièces de l'époque romaine en Inde du Sud. De fait, si on en croit le témoignage de Pline l'Ancien dans son célèbre ouvrage Histoire naturelle, c'est une véritable hémorragie de pièces de monnaie de l'Empire romain qui s'est mise en place, notamment au profit des anciens royaumes tamouls : « 100 millions de sesterces, au calcul le plus bas, sont annuellement enlevés à notre empire par l'Inde, la Sérique, et cette presqu'île Arabique ; tant nous coûtent cher le luxe et les femmes ! Quelle portion, je vous le demande, en revient aux dieux du ciel et de l'enfer ? ».

    L'expansion des conquérants arabes va mettre fin à ce commerce en coupant les routes entre l'Empire byzantin et l'Inde, forçant les royaumes tamouls à se tourner vers l'Asie du Sud-Est pour trouver de nouveaux débouchés commerciaux. Il est probable qu'une des conséquences indirectes de cet évènement ait finalement été l'arrivée à Okinawa, des siècles plus tard, de quelques pièces de la Rome antique.