La production d'interférons est l'une des clés de la réponse immunitaire innée contre les virus. Des scientifiques mettent en lumière la façon dont les gènes activés par cette molécule entravent la réplication du coronavirus.


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    Les anticorps ne sont pas la seule défense contre les virus dont dispose l'organisme. Leurs très hautes spécificités sont une force, mais aussi une faiblesse. Une simple mutation peut les rendre inefficaces, c'est ce que l'on observe pour certains variants du coronavirus. Heureusement, l'immunité sait aussi être beaucoup moins ciblée. L'immunité innéeimmunité innée n'est pas spécifique d'une espèceespèce de virus ou de bactérie, elle est déclenchée par des motifs moléculaires simples (appelés PAMPs), conservés parmi tous les membres d'une même famille de pathogènes. Par exemple, de l'ARN double-brin pour les virus ou le peptidoglycane pour les bactéries.

    Ces motifs sont reconnus par des récepteurs à la surface ou à l'intérieur des cellules de l'immunité innée. Le plus connu de ces récepteurs (appelés PRR) est sans doute le TLR4 qui reconnait le LPSLPS, un antigèneantigène présent à la surface des bactéries Gram négatif. Lorsque le PRR reconnait un PAMP, une multitude de mécanismes s'active avec un seul but : détruire le pathogène.

    La sécrétionsécrétion d'interféroninterféron de type 1 est l'un d'entre eux, élément crucial dans la réponse antivirale. Des scientifiques américains se sont intéressés aux gènesgènes qui sont activés par les IFN-1, appelés ISG (pour interfeon-stimulated genes), et surtout à leurs effets sur le cycle de réplicationréplication du coronaviruscoronavirus. Ils en ont identifié plusieurs qui entravent le coronavirus à plusieurs stades de sa réplication.

    De l'entrée à la sortie du virus, la cellule se défend

    En stimulant des cellules de l'épithéliumépithélium trachéobronchial et de l'épithélium alvéolaire en culture avec de l'IFN-1, les scientifiques ont réveillé 399 ISG, dont 65 seulement sont impliqués dans l'inhibitioninhibition du coronavirus et 37 avec un effet significatif. Les ISG sont très divers, ils peuvent aussi bien réguler l'inflammationinflammation que moduler le transport de moléculesmolécules vers le noyau ou le métabolismemétabolisme énergétique. In fine, ils altèrent directement ou indirectement la réplication des virus. Les scientifiques se sont donc penchés sur les rôles assurés par les 37 ISG identifiés à toutes les étapes du cycle viral.

    Six ISG entravent l'entrée du virus dans la cellule, une des toutes premières étapes. Lorsqu'ils sont actifs, seulement 50 % des particules virales (des virus VSV modifiés qui portent la protéineprotéine S du SARS-CoV-2SARS-CoV-2) parviennent à entrer dans la cellule en comparaison avec des cellules témoins. Après son entrée, le coronavirus doit répliquer son ARN. Là aussi, des gènes activés par les IFN-1 sont là pour l'en empêcher. Les scientifiques en ont identifié sept qui réduisent de 50 % la quantité d'ARN viral, notamment en le séquestrant pour qu'il ne puisse plus être répliqué.

    Les dernières étapes de la réplication du coronavirus sont aussi cruciales, c'est à ce moment que le virus assemble ses protéines structurelles (la nucléocapside, l'enveloppe et la protéine S). Pour cela, il a besoin de deux organitesorganites cellulaires, le réticulum endoplasmiqueréticulum endoplasmique et l'appareil de Golgiappareil de Golgi. Plus de la moitié des ISG identifiés interviennent à ce moment-là, en déclenchant notamment la destruction des protéines virales lorsqu'elles sont associées en réticulum endoplasmique ou en perturbant le chemin des vésicules golgiennes, desquelles les virionsvirions assemblés doivent bourgeonner, jusqu'à la membrane. Enfin, un ISG a été identifié à la toute dernière étape du cycle viral, la libération des virions. 

    Certains ISG identifiés comme ayant un effet sur la réplication du coronavirus et le stade du cycle viral auquel ils agissent. © Laura Martin-Sancho et <em>al.</em>, <em>Molecular Cell</em>
    Certains ISG identifiés comme ayant un effet sur la réplication du coronavirus et le stade du cycle viral auquel ils agissent. © Laura Martin-Sancho et al.Molecular Cell

    L'interféron, un allié précieux contre les formes graves de la Covid-19

    Cette étude met en évidence la grande diversité des gènes antivirauxantiviraux activés par l'IFN-1 et souligne l'importance de cette voie de l'immunité innée pour combattre les infections virales. Une étude de l'Inserm avait démontré qu'un défaut d'activité des IFN-1 était impliqué dans 15 % des formes graves.

    L'origine de ce dysfonctionnement semble être auto-immune. Les scientifiques de l'Inserm avaient mis en avant la présence d'auto-anticorpsanticorps qui détruisent ou empêchent l'IFN-1 d'agir chez les personnes atteintes de formes graves de la Covid-19Covid-19. On peut supposer qu'avec une production d'IFN-1 moins intense, une partie des mécanismes antiviraux présentés ici ne sont pas actifs, ce qui permet au coronavirus de se répliquer plus librement.