En posant cette nuit l'avion solaire à Abou Dhabi, Bertrand Piccard a bouclé un tour du monde de 43.000 kilomètres en 15 mois. Un exploit technologique que beaucoup jugeaient impossible, comme nous l'explique André Borschberg, l'autre copilote, celui qui a volé 5 jours et 5 nuits au-dessus du Pacifique. « Cela prouve que ces technologies sont fiables et que l'on peut réduire de moitié notre consommation d'énergie », estime-t-il en épilogue de cette épopée.

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    Cette nuit, à 4 h 05 heure locale (2 h 05 heure de France métropolitaine), Bertrand PiccardBertrand Piccard a posé Solar ImpulseSolar Impulse 2 sur la piste de l'aéroport d'Al-Bateen, à Abou Dhabi (Émirats arabes unis). Le tour du monde est donc bouclé pour l'avion solaire, avec, au compteur, 43.041 kilomètres et 23 journées de vol.

    Ce tour du monde est aussi un tour de force, par lequel l'équipe de Solar Impulse entendait démontrer, non pas que l'avion du futur fonctionnerait à l'énergieénergie solaire mais que les ingénieurs, en pensant autrement, ont à leur portée des solutions encore inédites et qui permettront d'énormes économies d'énergie, dans tous les domaines. « Les technologies peuvent nous donner tout ce qu'elles promettent », nous explique André Borschberg, l'autre pilote de Solar Impulse, qui a répondu aux questions de Futura-Sciences pendant le vol de Bertrand Piccard.

    Le 9 mars 2015, à Abou Dhabi, Bertrand Piccard regardait le décollage de l'avion solaire, aux mains d'André Borschberg, parti pour la première étape d'un tour du monde historique. © Solar Impulse

    Le 9 mars 2015, à Abou Dhabi, Bertrand Piccard regardait le décollage de l'avion solaire, aux mains d'André Borschberg, parti pour la première étape d'un tour du monde historique. © Solar Impulse

    Qu’avez-vous prouvé avec ce tour du monde ?

    André Borschberg : Que ces technologies sont fiables. Que nous pouvons recevoir d'elles tout ce qu'elles peuvent nous donner. Imaginez cela : vous volez au-dessus de l'océan, le soleilsoleil se couche, les batteries sont complètement rechargées, alors vous grimpez à 9.000 m et vous volerez toute la nuit...

    Voilà ce que nous prouvons. Si ces technologies sont utilisées partout, nous pouvons faire des économies d’énergie considérables. Le potentiel est énorme : nous pouvons réduire nos consommations de 50 % ! Il ne faut pas penser l'avenir en se disant que nous pouvons faire toujours plus, mais que nous pouvons faire toujours mieux...

    Sur le plan aéronautique, quelles leçons en tirer ?

    André Borschberg : Pas que nous volerons un jour à l'énergie solaire, bien sûr. Il faut distinguer deux caractéristiques de notre avion : le solaire et l'électrique. En optant pour les deux ensemble, nous avons cherché une propreté absolue. C'était le but mais la propulsion électrique, en elle-même, est intéressante. La NasaNasa s'y intéresse, Airbus aussi. Nous aurons un jour des petits avions électriques. Elle est intéressante aussi pour les voituresvoitures et d'autres choses. Nos quatre petits moteurs ont un rendement de 97 %, mais un moteur thermiquemoteur thermique, c'est 30 % ; 70 % de l'énergie part en chaleurchaleur. C'est une aberrationaberration !

    Quant à l'énergie solaire, elle sera davantage utilisée à l'avenir. Regardez le drone de Facebook : c'est son énergie...

    Pose nocturne de l'avion solaire SI2, piloté par Bertrand Piccard, sur l'aérodrome d'Abou Dhabi, d'où l'avion avait décollé le 9 mars 2015, aux mains d'André Borschberg. © Solar Impulse

    Pose nocturne de l'avion solaire SI2, piloté par Bertrand Piccard, sur l'aérodrome d'Abou Dhabi, d'où l'avion avait décollé le 9 mars 2015, aux mains d'André Borschberg. © Solar Impulse

    Pensez-vous que ces idées progressent ?

    André Borschberg : Il y a 13 ans, quand nous avons commencé, on nous disait « ce n'est pas possible ». Il y a deux ans, on nous disait « c'est très difficile ». Aujourd'hui, certains disent « c'était évident que ça pouvait marcher ». Ce qui tend à démontrer que l'idée a fait son chemin...

    Vous avez volé durant 5 jours et 5 nuits d’affilée, au-dessus du Pacifique, entre le Japon et Hawaï. Comment avez-vous pu tenir ainsi jusqu’au bout, avec, d’ailleurs, un record à la clé ?

    André Borschberg : Nous nous étions préparés. C'est arrivé progressivement. J'ai commencé avec un vol de 26 heures il y a trois ans. Je fais du yoga et de la méditation depuis bien plus longtemps. C'est une affaire d'ouverture d'esprit, pas de résistancerésistance. Si j'avais compté les heures, je n'y serais pas arrivé... En fait, j'ai trouvé le vol trop court. Quand je suis arrivé le soir à Hawaï et que nous avons décidé d'attendre le lendemain matin pour se poser, cela n'a pas été un problème, au contraire. J'étais heureux d'en profiter un peu plus.

    Dans ce genre de situation, il faut prendre l'instant comme il vient, vivre le moment présent, accepter un changement par rapport à ce qu'on a prévu et voir ce qu'on peut en faire, ne pas le subir.

    Et puis notre cockpit est très étudié, très confortable. On peut s'y reposer, y faire à manger, faire ses besoins, faire un peu d'exercice.

    Et maintenant ?

    André Borschberg : Il reste beaucoup de choses à faire. Bertrand Piccard et moi allons écrire un livre sur cette aventure. Nous continuerons à faire la promotion de ces idées, avec un double but. D'abord porter un message vers les politiques pour les convaincre de l'intérêt de réduire nos consommations d'énergie. Sur le plan technologique, ensuite, pour pousser ou permettre d'autres projets.