Une poignée d’aviateurs retrouvent l’esprit pionnier – ou bien n’a-t-il jamais été perdu ? – et imaginent de drôles d’engins volants, où tout ou presque est à réinventer. Parfois sous les sarcasmes, ils font voler des avions électriques et vont de plus en plus loin et de plus en plus longtemps. Des modèles réduits, des drones, des motoplaneurs et des ULM se multiplient depuis des années et finissent par être pris au sérieux.

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    C'était au début du siècle, le 23 décembre 2007, un minuscule appareil monoplace, l'Electra, s'envolait de l'aérodrome d'Aspres-sur-Buëch dans les Hautes-Alpes. Son pilote, Christian Vandamme, bouclait pour la première fois un circuit de 50 kilomètres. Oui, la première fois. Un siècle après les balbutiements du plus lourd que l'air, des pionniers de l’aéronautique défrichent un nouveau moyen de voler : l'électricité.

    Comme pour les prémices de l'aviation, ce domaine-là est ancien. « L'Electra n'est en aucun cas le premier aéronef à être équipé d'un moteur électrique » : c'est ce que précise le site de l'Apame (Association pour la promotion des aéronefs électriques) dont font partie les électro-aventuriers de ce petit avion. On ne sait plus trop, en effet, à quand il faut faire remonter l'utilisation de l'électricité dans l'aérien. Si l'on inclut les plus légers que l'air, alors sans doute l'honneur du premier vol revient-il à Gaston Tissandier, chimiste éclectique et aérostier, qui, en 1883, effectua avec son frère Albert un vol dans un ballon rendu dirigeable grâce à une hélice actionnée par un moteur électrique.

    Dans les années 1960, un modèle réduit d'hélicoptère effectue un vol avec un moteur électrique alimenté à distance grâce à un faisceau de microondes, une idée qu'avait déjà proposée au siècle précédent le génial Nikola TeslaNikola Tesla. Les modélistes se sont ensuite emparés du principe et le moteur électrique a progressivement remplacé le moteur thermiquemoteur thermique sur ces engins miniatures. Dans le même temps est née l'idée de l'énergieénergie solaire. En 1974, l'AstroFlight Sunrise vole sans pilote, suivi par le Solar Riser, dérivé d'un planeurplaneur et, lui, avec un pilote à bord. Bien sûr, le projet le plus abouti d'avion solaire est celui de l'équipe suisse de Solar Impulse, dont le HB-SIA s'apprête à arriver au Bourget et qui prévoit... un tour du monde.

    L’Electra en 2007. L’appareil, très léger (134 kilos à vide, sans batterie), construit en bois et en toile, est dérivé du MB02, alias Souricette, dessiné par Michel Barry, un ingénieur aéronautique imaginatif. Son moteur électrique à courant continu à balais de 18 kilowatts (25 chevaux) est alimenté par une batterie lithium-polymère de 47 kilogrammes. © Jean-Bernard Gache

    L’Electra en 2007. L’appareil, très léger (134 kilos à vide, sans batterie), construit en bois et en toile, est dérivé du MB02, alias Souricette, dessiné par Michel Barry, un ingénieur aéronautique imaginatif. Son moteur électrique à courant continu à balais de 18 kilowatts (25 chevaux) est alimenté par une batterie lithium-polymère de 47 kilogrammes. © Jean-Bernard Gache

    Lourdes batteries

    Mais ces efforts en resteront longtemps au stade de l'expérience. Il est vrai que la batterie est le boulet de l'aviation électrique. Pour l'instant, on ne voit pas comment il serait possible d'obtenir des performances semblables, ou même simplement approchantes, de celles de la propulsion thermique, c'est-à-dire d'un moteur à pistons ou à turbine, diablement efficaces. La Souricette initiale, par exemple, avec son petit moteur à quatre cylindres, vole durant des heures à une centaine de kilomètres à l'heure alors que les avions ou ULM électriques ont une autonomieautonomie très limitée, de l'ordre de la demi-heure.

    Mais l'obstination humaine étant ce qu'elle est, ces travaux se poursuivent et, améliorations des batteries aidant, la propulsion électrique commence à devenir envisageable pour des appareils très légers. On trouve maintenant des motorisations raisonnables sur des ULM ou des paramoteurs, comme le modèle français E-Fenix, de la société PSL, mais aussi sur des motoplaneurs, c'est-à-dire des planeurs équipés d'un petit moteur à hélice pour aider à passer d'une « pompe » (une ascendance) à l'autre ou à regagner le terrain.

    Pour se convaincre que quelque chose a commencé, il suffit de consulter le site de l'entreprise Electravia, qui vaut une visite... « C'est un marché de niche, admet Anne Lavrand, dirigeante de la société. Pour l'instant, les batteries sont trop chères. Mais dès que le prix baissera, le marché décollera. »

    Un moteur électrique sur un ULM pendulaire. © Electravia

    Un moteur électrique sur un ULM pendulaire. © Electravia

    Des avions qui battent des records

    Les piles à combustible changent un peu la donne, avec la possibilité de fabriquer de l'électricité en vol en faisant réagir l'oxygèneoxygène de l'air sur l'hydrogènehydrogène embarqué dans le réservoir, la réaction donnant de l'eau. Un ingénieur suisse, Koni Schafroth, y croit fermement et travaille depuis 2003 sur un prototype, le SmartFish. Ce drone a volé avec succès en 2007 mais l'équipe helvétique veut aller plus loin et imagine un avion capable de transporter vingt passagers. Ces ingénieurs sont-ils des doux rêveurs ? Boeing, à son tour, est passé aux actes en 2008 en faisant voler un avion électrique, en l'occurrence un motoplaneur Dimona, de fabrication autrichienne. Une pile à combustiblepile à combustible, reliée à un réservoir d'hydrogène comprimé, alimentait le moteur durant le vol tandis que le décollage, qui réclame une forte puissance, était assuré grâce à une batterie lithium-ionbatterie lithium-ion.

    Et puis il y a le MC 10, plus connu sous le nom de Cricri, ou Cri-Cri. Pour celles et ceux qui l'ignorent, ce minuscule appareil monoplace est né en 1973, sous la plume du talentueux Michel Colomban. C'est le plus petit bimoteur du monde, avec moins de 5 mètres d'envergure, 1,20 mètre de hauteur et deux petits moteurs monocylindres deux temps. Avec moins de 80 kilos sur la balance, il est souvent plus léger que son(sa) pilote. Non disponible dans le commerce, il est construit par des amateurs et a plusieurs fois servi à des expériences inventives. On l'a vu équipé de deux miniréacteurs et il est aussi passé à la mode électrique.

    Plusieurs prototypes ont volé (au moins trois), comme celui de Jean-Luc Soulier, passé depuis sur un autre projet. Sa Luciole, ou MC30E, un ULM conçu également avec Michel Colomban, est réalisée par son entreprise, LSA. L'appareil participera du 16 au 23 juin prochains à la course Paris-Madrid, une compétition pour la plus faible consommation.

    Le Cri-Cri E-Cristalline, aux mains de Hughes Duval, vient de battre le record de vitesse d'un avion électrique avec 262 km/h, le 5 septembre 2010. © Vincent Ollivier

    Le Cri-Cri E-Cristalline, aux mains de Hughes Duval, vient de battre le record de vitesse d'un avion électrique avec 262 km/h, le 5 septembre 2010. © Vincent Ollivier

    Le Cricri a inspiré EADSEADS, le constructeur de l'Airbus, qui a réalisé une version à quatre moteurs électriques (ce qui en fait le plus petit quadrimoteur du monde). Enfin, sur un bimoteur, le 5 septembre 2010, Hugues Duval établit un nouveau record de vitesse en avion électrique : 262 km/h. L'avion sera présent au prochain salon du Bourget.

    On y croit aussi en Chine puisque la société Yuneec International veut commercialiser un avion électrique biplace, le E430, équipé d'un moteur de 40 kW et de batteries lithium-polymèrespolymères. Il a déjà volé dans plusieurs meetings (dont le plus grand d'entre eux, à Oshkosh, aux États-Unis) ; l'appareil est annoncé avec une autonomie surprenante (à vérifier) de 1 heure 30 à 3 heures, après un temps de charge de 3 heures. Prévue en 2011, la commercialisation semble actuellement remise à 2012.

    Pendant ce temps, les expériences continuent et les électro-pionniers sont toujours enthousiastes...