Les amoureux de la nature et des promenades en montagne auront certainement déjà remarqué la présence, dans certaines roches, de coquillages fossiles. Si aujourd’hui la tectonique des plaques permet d’expliquer comment ces restes d’animaux marins sont arrivés là, leur présence est pendant bien longtemps restée un mystère.


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    Si certains fossiles témoignent de l'existence d'animaux étranges, disparus depuis longtemps, d'autres appartiennent à des espèces que nous connaissons bien encore aujourd'hui. C'est le cas notamment des coquillages. Huîtres et autres bivalves peuplent en effet les eaux du globe depuis des centaines de millions d'années et il n'est pas rare de retrouver des coquilles fossilisées dans les strates géologiques au cours d'une promenade.

    La premier dinosaure a été découvert par William Buckland, génie et... fou extravagant ! On raconte qu'il aurait mangé le cœur du roi Louis XIV ! Retracez son histoire dans Chasseurs de Science. © Futura

    L'observation de vestiges d'animaux reconnus comme marins dans des environnements parfois montagneux a d'ailleurs posé un problème aux observateurs de l'Antiquité, jusqu'au XVIIIe siècle. Comment ces animaux ont-ils bien pu se retrouver dans ces zones d'altitudes ?

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    Les fossiles de coquillages sont couramment observés dans les unités géologiques formant les montagnes. Ici, dans les Alpes de Haute-Provence. © Lubman04, Wikimedia Commons, cc by-sa 3.0 Deed

    Renaissance : une théorie évolutive qui s’oppose à celle du Déluge

    Si la Renaissance est marquée par le développement balbutiant de la géologie, ce domaine scientifique est encore sous le joug de la religion. Certains hommes de science commencent cependant à mettre en cause la théorie biblique de la Création et la fixité des espèces. Vers 1680, Robert Hooke suggère notamment que l'âge de la TerreTerre est bien plus important que ne le dit la Bible et développe les prémices de la stratigraphie. Selon lui, les coquillescoquilles retrouvées dans les roches des montagnes témoignent de l'existence de formes de vie aujourd'hui éteintes, dont les restes se seraient accumulés au fil du temps.

    On ne parle pas alors encore de millions d'années, mais l'idée est extrêmement novatrice et pose les bases de la géologie moderne, en suggérant que l'histoire de la Terre est marquée par une évolution à la fois des espèces et des paysages. Hooke explique ainsi que « de nombreuses parties de ce qui était autrefois la mer sont maintenant des terres, et que d'autres parties qui sont aujourd'hui la mer étaient auparavant des terres ; les montagnes se sont transformées en plaines et les plaines en montagnes ». Cette nouvelle vision fait toutefois grincer des dents, car, de fait, elle se positionne à contre-courant de la parole religieuse, qui explique notamment que les coquilles et autres fossiles retrouvées en altitude (et un peu partout) ont tout simplement été transportées par les eaux lors du Déluge.

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    Durant la Renaissance et même au temps des Lumières, la théorie biblique du Déluge était évoquée pour expliquer la présence de fossiles d'animaux marins en haut des montagnes. © Scène du Déluge par Gustave Doré, Wikimedia Commons, domaine public

    Calcul de l’âge de la Terre, un prérequis pour comprendre la présence de fossiles marins dans les montagnes

    Cette idée biblique dit que la Terre a été totalement recouverte d'eau, noyant les animaux dans un accès de colère divine, à l'exception de ceux réfugiés dans l'Arche de Noé. Les cadavres auraient ainsi été transportés par les flots et déposés un peu partout sur Terre. L'explication diluvienne va d'ailleurs prévaloir pendant encore de nombreuses décennies, même si le nombre d'opposants augmente graduellement, notamment à partir du début du XVIIIe siècle. De plus en plus de scientifiques naturalistes et fins observateurs de l'environnement sont en effet conscients que l'explication à la présence de fossiles d'animaux marins aux sommets des montagnes est bien plus complexe que celle proposée par le Déluge. L'idée que ces zones aujourd'hui en altitude étaient autrefois au fond des mers s'ancre doucement.

    Reste à expliquer comment s'est produit cette surrection des fonds marins. S'agit-il d'un événement long, compatible avec les nouvelles estimations de l’âge de la Terre qui sont établies à la fin du XVIIIe siècle par Buffon ? Ou plutôt un événement brutal et catastrophique, plus en accord avec les écrits de la Genèse ? Dans tous les cas, quelles forces titanesques ont pu entraîner le soulèvement de si vastes portions de terre ? Est-ce lié à des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques ? Ou faut-il y voir des variations du niveau des mers ? L'ouvrage La Théorie de la Terre, écrit par Jean-Claude de Lamétherie en 1795, illustre bien les questions qui taraudent les scientifiques à cette époque. La théorie de la tectonique des plaques n'existe en effet pas encore. C'est pourtant elle qui permettra de répondre à la problématique posée par la présence de fossiles marins en haut des montagnes.

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    Georges-Louis Leclerc de Buffon a été l'un des premiers à proposer, suivant une approche expérimentale rigoureuse pour l'époque, un âge de la Terre déviant fortement de celui annoncé par la Bible : 74 817 ans contre 6 000 ans. © François-Hubert Drouais, Wikimedia Commons, domaine public

    Une Terre de plus en plus vieille qui permet l’élaboration de la tectonique des plaques

    Il faudra ainsi attendre plus d'un siècle et le développement de nouveaux concepts, notamment ceux de stratigraphie, d'érosion et d'isostasieisostasie, pour qu'apparaisse enfin l'idée que l'écorce terrestre est découpée en grandes plaques lithosphériquesplaques lithosphériques qui bougent les unes par rapport aux autres. Après Lyell et DarwinDarwin qui, au milieu du XIXe siècle font passer l'âge de la Terre à plusieurs centaines de millions d'années, ce sont Rutherford et Rayleigh au début des années 1900 qui, sur la base de la désintégration des éléments radioactifs composant les roches terrestres, suggèrent que la Terre pourrait être âgée de plus d'un milliard d'années.

    L'évolution des connaissances dans le domaine de la datation par décroissance radioactive va ouvrir la voie à Wegener et lui permettre de proposer la théorie de la tectonique des plaques. L'âge de la Terre, qui ne cesse alors d'être révisé à la hausse, l'autorise en effet à proposer le principe de la lente divergence des continents au cours du temps, principe qu'il élabore suivant l'observation du schéma des côtes et des découvertes paléontologiques qui se multiplient. Or, la Terre étant un globe, si certains continents s'éloignent, d'autres se doivent de rentrer en collision.

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    Wegener est le premier à présenter de manière précise la théorie de la tectonique des plaques, et de fait, de comprendre la formation des chaînes de collision. © Inductiveload, Wikimedia Commons, domaine public

    Le cycle de Wilson, ou comment les montagnes se forment

    Avec la théorie de la tectonique des plaquestectonique des plaques naît ainsi celle de la formation des chaînes de montagnes, qui va s'affiner au cours du XXe siècle. Celle-ci, illustrée finalement par le cycle de Wilsoncycle de Wilson, révèle comment la collision continentale, par le biais de la fermeture d'un océan, peut mener à la surrection de couches sédimentaires déposées précédemment au fond des océans. Ces sédimentssédiments renfermant des fossiles d'animaux marins comme les coquillages, se retrouvent ainsi charriés sur la croûte continentale, qui se déforme sous l'effet de la contrainte tectonique compressive. La poussée tectonique peut également entraîner le soulèvement de zones plus internes occupées par des mers.

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    Les différentes étapes du cycle de Wilson : rifting continental, expansion océanique, initiation d’une subduction, convergence continentale et collision. Dans cette dernière étape, on note que des unités océaniques sont incorporées à l'orogène en formation. © Anthony Saphon, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Ce n'est donc que dans la deuxième moitié du XXe siècle que sont présentés clairement les processus géologiques permettant d'expliquer pourquoi l'on retrouve des coquilles dans les roches anciennes qui forment aujourd'hui les différents massifs du globe.