En 711, un contingent militaire arabe et berbère au service de la dynastie des Omeyyades de Damas, débarque sur la péninsule ibérique près du mont Djebel Tarik (Gibraltar). L’Hispanie qui est le royaume des Wisigoths depuis 418, devient  Al Andalus : à partir de 756, l’émirat autonome de Cordoue se constitue. Aux IXe et Xe siècles, l’influence arabe et musulmane s’impose dans tous les domaines, politique, juridique, linguistique, scientifique et artistique.


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    Les Omeyyades sont une dynastie arabe de califes qui gouvernent le monde musulman de 661 à 750. Ils fondent le califat omeyyade de Damas en prenant la ville comme capitale : l'expansion est foudroyante et c'est un véritable empire qui s'étend de l'Indus jusqu'à la péninsulepéninsule ibérique, en passant par le Maghreb. Cette dernière région s'avère plus difficile à conquérir en raison de la résistancerésistance des tribus berbères qui occupent le territoire. Après la défaite des Berbères en 702, les Omeyyades imposent l'islamisation aux tribus nomades et les enrôlent dans leur armée. Dès avril 711, l'invasion rapide de la péninsule ibérique est entreprise avec l'aide des Berbères, en espérant un appui de la population juive opprimée par les rois wisigoths.

    Carte de la péninsule ibérique conquise par les musulmans entre 711 et 715, dans l'article "Au temps d'Al Andalus" par Gabriel Martinez-Gros, <em>Les Collections de l'Histoire</em>, n° 79. © L'Histoire.
    Carte de la péninsule ibérique conquise par les musulmans entre 711 et 715, dans l'article "Au temps d'Al Andalus" par Gabriel Martinez-Gros, Les Collections de l'Histoire, n° 79. © L'Histoire.

    En 716, toute l’Espagne est occupée sauf le royaume des Asturies et le pays des Vascons (Basques). Les « sarrasins » ainsi nommés par les chroniqueurs latins du VIIIe siècle, conquièrent temporairement la Septimanie (Languedoc) et lancent des razzias jusqu'au sud de la Loire afin de tester la résistance des Francs ; ils sont finalement arrêtés par l'armée de Charles Martel, à Poitiers en 732. L'ancien royaume wisigoth devient Al Andalus, province ibérique de l'empire omeyyade : en 756, elle acquiert son autonomieautonomie et sa capitale est fixée à Cordoue ; elle est gouvernée par l'émir Abd al Rahman Ier, prince omeyyade rescapé du massacre de sa famille par la nouvelle dynastie des Abbassides installée à Damas.

    Grande mosquée des Omeyyades de Damas (Syrie), construite entre 706 et 715. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Grande mosquée des Omeyyades de Damas (Syrie), construite entre 706 et 715. © Wikimedia Commons, domaine public.

     Al Andalus, l’islamisation de la société  

    Dès le début du VIIIe siècle, la société hispanique est fragmentée en fonction de la religion :

    • les chrétiens présents sur ces terres avant l'arrivée des musulmans (royaume wisigoth) 
    • les juifs : comme les chrétiens, ils sont installés avant l'arrivée des arabes mais sont persécutés par les rois wisigoths (conversions forcées) à la fin du VIIe siècle
    • les musulmans, essentiellement des commerçants récemment installés dans le pays avant l'arrivée des Omeyyades.

    L'islamisation d'Al Andalus va passer par l'acculturation de ses habitants : bénéficiaires de pactes de tolérance, les chrétiens et les juifs reçoivent le statut de « dhimmis » c'est-à-dire protégés, qui les transforme en fait en sujets de seconde zone. La « dhimma » leur permet de pratiquer leur religion tant qu'ils acceptent leur infériorité juridique vis-à-vis des musulmans et leur paient une taxe de protection. La seule échappatoire est la conversion ou la fuite.

    Patio de Los Arrayanes, Alhambra de Grenade. Photo : Tuxyco. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Patio de Los Arrayanes, Alhambra de Grenade. Photo : Tuxyco. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Les chrétiens non convertis (appelés ultérieurement « mozarabes »)) se sont progressivement intégrés : nombreux à Tolède, Séville et Cordoue, ils gardent leur propre administration et leur hiérarchie ecclésiastique, tout en adoptant le genre de vie et la langue des nouveaux occupants. Les lettrés maîtrisent le latin mais tous parlent l'arabe et des dialectes romans. Ils constituent encore les trois quarts de la population d'Al Andalus au début du Xe siècle ; ils disparaissent à la fin du XIe siècle. La situation des juifs est globalement meilleure que celle des chrétiens : ils sont d'actifs collaborateurs du pouvoir musulman et leur arabisation est totale au Xe siècle. Leur situation se détériore cependant dès le XIe siècle, avec les Almoravides puis les Almohades (dynasties berbères) qui mettent un terme à la relative tolérance dont ils bénéficient : les juifs sont contraints de choisir la conversion à l'islam ou la fuite vers les royaumes chrétiens et l'Egypte. L'islamisation de la société après la conquête arabe est donc rapide : certains historienshistoriens estiment que la moitié de la population est déjà islamisée au Xe siècle, 80 % au XIe siècle et 90 % au XIIe siècle.

    Un juif et un musulman jouant aux échecs, dans "<em>El Libro de los Juegos</em>" (le livre des jeux), ouvrage offert à Alphonse X de Castille en 1282. Bibliothèque de l'Escurial. © Wikimedia Commons, domaine public.
    Un juif et un musulman jouant aux échecs, dans "El Libro de los Juegos" (le livre des jeux), ouvrage offert à Alphonse X de Castille en 1282. Bibliothèque de l'Escurial. © Wikimedia Commons, domaine public.

    Transferts de savoirs

    L'Hispanie devenue Al Andalus donne naissance à une culture originale, faite d'héritages croisés entre monde arabe, latin, juif et grec. Une grande partie des transferts de savoirs du monde musulman au monde latin, s'effectue grâce à la traduction de l'arabe dès le Xe siècle : les couvents catalans ont des contacts étroits avec le savoir arabe ; les moines travaillent sur des traductions d'ouvrages d'astronomie ou d'arithmétique. Au XIIe siècle, « l'école » de Tolède est considérée comme le premier centre de traduction de l'arabe en latin. Tolède est un foyer de culture multilingue qui comporte un grand nombre de juifs et de chrétiens de langue arabe. Les traducteurs juifs passent de la langue arabe orale à l'espagnol et les clercs chrétiens transcrivent l'espagnol en latin. Le livre tient donc une place importante dans le monde arabo-musulman : les villes de Tolède, Saragosse, GrenadeGrenade abritent d'imposantes bibliothèques avec de nombreux copistes.

    Carte représentant les îles de Corse, Sardaigne, Sicile, établie par le géographe Al Idrisi en 1154 ; extraite d'un ensemble de 68 cartes dans le "<em>Livre de Roger</em>", copie du XIIIe siècle réalisée au Maghreb. Manuscrit arabe 2221, Bibliothèque nationale de France. © gallica.bnf.fr / BnF.
    Carte représentant les îles de Corse, Sardaigne, Sicile, établie par le géographe Al Idrisi en 1154 ; extraite d'un ensemble de 68 cartes dans le "Livre de Roger", copie du XIIIe siècle réalisée au Maghreb. Manuscrit arabe 2221, Bibliothèque nationale de France. © gallica.bnf.fr / BnF.

    Al Andalus est le fruit d'interactions entre les différentes aires culturelles musulmanes, juives, chrétiennes et byzantines. Ces diverses influences concernent la littérature, l'art, les sciences et les techniques : astronomesastronomes, agronomes, médecins, botanistesbotanistes, philosophes, musiciens et poètes, vont contribuer au fil des siècles à créer le riche éventail culturel d'Al Andalus. Parmi eux, on peut citer le médecin Avenzoar, le juriste, théologien et philosophe Averroès, le géographe Al Idrisi, le théologien juif Maïmonide. Les recherches archéologiques et historiques démontrent l'importance de cet héritage dans l'épanouissement de la civilisation occidentale.

    L'Alcazar de Séville. © Photo Sevilla Ciudad.
    L'Alcazar de Séville. © Photo Sevilla Ciudad.

     

    L'âge d’or d'Al Andalus

    Au Xe siècle, Al Andalus connaît un véritable âge d'or : le califat de Cordoue est proclamé en 929, l'autorité du calife s'étend au delà d'une ligne frontière qui relie les villes de Porto - Salamanque - Saragosse - Lérida. Les royaumes chrétiens du nord de la péninsule acceptent leur soumission politique au calife Abd al Rahman III, qui a également mis un frein à l'expansion des tribus berbères d'Afrique du nord (les Fatimides). Il peut ainsi contrôler la route du commerce de l'or au Sahara.

    Pyxide d'Al Mughira (fils d'Abd al Rahman III), boite en ivoire monobloc réalisée en Al Andalus en 968 ; retrouvée sur le site de Madinat al Zahra, près de Cordoue. Musée du Louvre. © RMN - Grand Palais / Hughes Dubois.
    Pyxide d'Al Mughira (fils d'Abd al Rahman III), boite en ivoire monobloc réalisée en Al Andalus en 968 ; retrouvée sur le site de Madinat al Zahra, près de Cordoue. Musée du Louvre. © RMN - Grand Palais / Hughes Dubois.

    La capitale Cordoue est la ville la plus peuplée d'Europe, avec une population estimée entre 150.000 et 200.000 habitants vers 980 ; les villes de Tolède, Séville, Grenade et Saragosse comptent environ 15.000 habitants et abritent des communautés juives florissantes. A Cordoue se concentrent les principaux organes administratifs et religieux : le palais des émirs, la bibliothèque et la mosquée. Construite à partir de 786 sur les vestiges d'une basilique chrétienne, la grande mosquée de Cordoue est agrandie par étapes entre le VIIIe et le Xe siècle pour atteindre une superficie de 2,3 hectares. L'architecture exceptionnelle de l'édifice doit beaucoup à la synthèse entre art wisigoth et arabe (notamment l'utilisation de l'arc outrepassé).

    Mosquée cathédrale de Cordoue (aile située dans l'axe du mihrab de la mosquée). © Daniel Salvador.
    Mosquée cathédrale de Cordoue (aile située dans l'axe du mihrab de la mosquée). © Daniel Salvador.

    A savoir

    A la fin du XIIe siècle, l'Islam domine encore le tiers de la péninsule ibérique : à Las Navas de Tolosa en 1212, la victoire des royaumes chrétiens contre les principautés musulmanes (issues de la dissolution du califat de Cordoue en 1031) amorce la reconquête (Reconquista) du sud de la péninsule. Cordoue est prise en 1236, Valence en 1238 et Séville en 1248. En 1266, les musulmans conservent uniquement le royaume de Grenade qui résiste jusqu'en janvier 1492 : l'émir Boabdil remet sa principauté aux rois catholiques Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon.