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Claude Berrou

Claude Berrou

Chercheur TIC

1951 -

Puisse Futura-Sciences continuer à être cette belle vitrine de la recherche française et contribuer à susciter les vocations dont notre pays a besoin pour tenir son rang dans le concert scientifique des nations. Claude Berrou et Alain Glavieux, février 2004

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Biographie

Claude Berrou est né à Penmarc'h (Finistère) en 1951. Après des classes préparatoires à Brest (Lycée Kerichen) et l'obtention, en 1975, de son diplôme d'ingénieur de l'INP Grenoble (ENSERG), il est recruté par France Télécom pour contribuer à la mise en place de l'Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Bretagne (ENST Bretagne), à Brest. L'ENST Bretagne, devenue Télécom Bretagne, est aujourd'hui un des établissements d'enseignement-recherche de l'Institut Mines-Télécom, placé sous la tutelle du ministère de l'industrie.

Après plusieurs années passées à la création de nombreux cours de physiquephysique et d'électronique, Claude Berrou met en place le laboratoire de conception de circuits intégréscircuits intégrés de Télécom Bretagne et initialise un axe de travail sur l'interaction algorithme/siliciumsilicium. C'est un domaine de la recherche, à la charnière du traitement du signal et de l'électronique, où l'on développe l'art et la manière de transformer en transistors un quelconque algorithme, éventuellement en le modifiant. Claude Berrou est aujourd'hui Professeur au département Electronique de Télécom Bretagne. Il est également le conseiller scientifique du Lab-STICC, UMR CNRS 6285.

Au début des années 1990, C. Berrou a inventé et mis au point, avec le concours d'Alain Glavieux, la première famille de codes correcteurs d'erreurscodes correcteurs d'erreurs quasi-optimaux, les « turbocodes » ainsi que les décodeurs itératifs associés (les turbocodes sont aujourd'hui massivement utilisés dans la téléphonie mobilemobile 3G3G et 4G4G). Il a ensuite contribué à l'extension du principe turbo aux différentes fonctions d'un récepteur de télécommunication (turbo-détection, turbo-égalisation, etc.). C. Berrou, qui est l'un des dix scientifiques français les plus cités dans les sciences de l'information, a reçu de nombreux prix nationaux et internationaux dont le Grand Prix France Télécom de l'Académie des sciences (2003), la médaille Hamming (IEEEIEEE, 2003) et le prix Marconi (2005). C. Berrou est membre de l'Académie des sciences (2007), Fellow IEEE (2008) et Fellow SEE (2010). Son activité de recherche est maintenant presque entièrement consacrée aux neurosciences computationnelles. Le Conseil européen de la recherche lui a alloué en 2011 une bourse de recherche pour lui permettre de travailler pendant cinq ans sur les liens entre théorie de l'information, codagecodage distribué et cognitioncognition mentale.

La liste de ses principales publications est consultable ici.

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métier

Rares sont les journées durant lesquelles je ne me pose pas cent questions. C’est ma nature et aussi mon métier. Beaucoup de ces questions sont futiles et éphémères, d’autres essentielles, récurrentes et même obsessionnelles. Comme celles-ci : quels sont les circuits corticaux de l’intelligence humaine ? Arrivera-t-on un jour à faire raisonner une machine plus subtilement que nous ? L’état du monde et les calamités qui l’accablent me persuadent de plus en plus qu’il nous faut travailler sur le développement de « machines de raison pure » qui nous seraient fort utiles, en tant qu’auxiliaires intellectuels, dans la lutte contre les maladies, la pauvreté, l’obscurantisme…

Je suis enseignant-chercheur à Télécom Bretagne, aujourd’hui nettement plus chercheur qu’enseignant, contrairement au début de ma carrière lorsque j’étais amené à créer dans cette jeune école de nombreux cours de physique et d’électronique. Il y a quelques années, j’ai obtenu de ma hiérarchie une décharge d’enseignement, laquelle me permet aujourd’hui de multiplier les défis intellectuels, d’organiser et de conduire ma recherche sur des bases ambitieuses. Plus que cela, le Conseil européen de la recherche m’a octroyé en 2011 un budget important (un ERC advanced grant) pour me permettre d’aller au bout de mes idées. Une grande liberté et des moyens adaptés : que demander de plus en ces temps de rigueur financière et de lourdeur administrative comme on n’en a jamais vus, de mémoire d’Académie des sciences  ?

Cela fait déjà vingt ans qu’il m’a été donné d’inventer, avec le concours de mon collègue et ami Alain Glavieux (décédé en 2004), les premiers codes correcteurs quasi-optimaux : les turbocodes. A cette époque, il m’était difficile de mesurer l’importance conceptuelle de mon invention, par manque de recul tout simplement. Le codage distribué n’en était qu’à ses balbutiements théoriques. En revanche, les nombreuses sollicitations, d’abord de l’étranger puis de France, n’arrêtèrent pas durant les années qui suivirent de m’en rappeler l’intérêt pratique. Congrès, conférences invitées, comités de normalisation, articles et livres, tout cela s’enchaînait sur un rythme que je supportais alors aisément. Mais d’une recherche de rupture (en l’occurrence l’émergence d’un nouveau paradigme : le codage distribué), je passai progressivement à un autre type de travail : la recherche incrémentale, c’est-à-dire la quête permanente des détails susceptibles d’améliorer les performances ou de réduire la complexité d’implémentation. « Rupture » et « incrémental » ne sont pas à confondre avec « fondamental » et « appliqué ». Dans une vie de chercheur, ces quatre dimensions du métier sont à conserver à l’esprit, pour passer aisément de l’une à l’autre suivant les opportunités ou les problèmes posés à un instant donné. Si l’on y ajoute mon goût pour l’interdisciplinarité (l’innovation, on la trouve de plus en plus aux interfaces), c’est cette diversité des approches qui me fait aimer mon métier.

Aujourd’hui, je suis revenu à une recherche de rupture. Le temps qui m’est laissé par ma décharge d’enseignement m’a permis de beaucoup me documenter sur le cerveau, « dispositif » chimiquement des plus compliqués mais dont je suis persuadé que les lois qui régissent les processus informationnels sont simples. L’information mentale, voilà donc mon nouveau champ d’investigation. Je ne pars pas de rien, bien au contraire : cette information mentale est distribuée dans le cortex cérébral comme elle l’est dans un décodeur correcteur d’erreurs moderne. Voilà, me semble-t-il, un bon point de départ pour une recherche de type « bottom-up ». En y adjoignant des concepts qui nous sont familiers dans les sciences de l’information, tels que la redondance et la parcimonie, le travail devrait pouvoir progresser assez rapidement. Avec mes neuf collaborateurs à plein temps sur ce sujet et des contributions fortes de plusieurs autres laboratoires, j’ai la prétention de vouloir démontrer, par des équations mais aussi par des réalisations matérielles, que la théorie de l’information a un rôle essentiel à jouer dans les neurosciences. On pourrait qualifier ce type de recherche de « quitte ou double ». Le chercheur est très joueur…