La Nasa lancera dans quelques années un grand télescope spatial observant dans l'infrarouge et honorant le nom de la « mère » du télescope spatial Hubble. Il permettra d'étudier les exoplanètes, l'énergie noire et aussi la matière noire. Il apparaît qu'il peut aussi permettre de chasser les hypothétiques trous noirs primordiaux.


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    Ni EinsteinEinstein ni le grand astrophysicienastrophysicien Arthur Eddington, qui avait fourni la première preuve convaincante de la validité de la théorie de la relativité générale et écrit l'un des premiers traités sur la théorie de la gravitation d’Einstein, ne croyaient au cours des années 1930 à l'existence de ce que nous appelons aujourd'hui des trous noirs. Et pourtant, dès ces années-là, les travaux de Chandrasekhar et d'Oppenheimer avec ses élèves montraient que des étoiles suffisamment massives ne devaient pas finir leur vie sous forme de naine blanche ou d'étoile à neutrons, mais bien s'effondrer gravitationnellement en trous noirs stellairestrous noirs stellaires.

    Aujourd'hui, on trouve des trous noirs partout, y compris au cœur des grandes galaxies où ils sont supermassifs, contenant au moins un million de masses solaires. Mais il en manque à l'appel, les théories cosmologiques modernes ouvrent la porteporte à l'existence de trous noirs de masses plus petites que celles des étoiles mais nous ne les avons toujours pas observés et, en supposant qu'ils existent, on ne sait pas combien il y en a dans un volumevolume du cosmoscosmos observable dans une bande de masse donnée. Tout dépend en fait de ce qui s'est passé pendant le Big BangBig Bang et de la forme d'une nouvelle physiquephysique dont les arcanes se manifestaient alors.


    Cette animation illustre le concept de microlentille gravitationnelle avec un trou noir. Lorsque le trou noir semble passer presque devant une étoile d’arrière-plan, les rayons lumineux de l’étoile source se courbent en raison de l’espace-temps déformé autour du trou noir de premier plan. Cela devient une loupe virtuelle, amplifiant la luminosité de l’étoile lointaine en arrière-plan. Contrairement au cas où une étoile ou une planète est l’objet lentille, les trous noirs déforment tellement l’espace-temps que cela modifie sensiblement la position apparente de l’étoile lointaine dans le ciel. © Nasa

    Un chasseur de microlentilles gravitationnelles

    En plus de sonder la stratestrate la plus profonde de l'UniversUnivers observable et cette nouvelle physique, il existe la possibilité très réelle que la fameuse matière noirematière noire du modèle cosmologique standardsmodèle cosmologique standards soit formée, en partie au moins de trous noirs primordiaux. On les chasse depuis des années en particulier en se basant sur le phénomène de microlentille gravitationnelle. En transitant devant une étoile observée avec un télescopetélescope, surtout dans l'espace, un trou noir primordial, d'ordinaire indétectable quand il est isolé et n'avale pas de matière qu'il chauffe au point qu'elle produise des rayons Xrayons X dans un disque d'accrétiondisque d'accrétion, va se comporter comme une lentillelentille faisant briller transitoirement de façon intense cette étoile.

    Un article récemment publié dans le célèbre journal Physical Review D, et en accès libre sur arXiv, fait désormais savoir que le futur télescope Nancy Grace Roman serait en mesure de détecter ces trous noirs avec cet effet, en faisant la différence avec les planètes nomades dans la Voie lactée capables de produire aussi des microlentilles gravitationnelles et que l'on sait déjà exister dans notre Galaxie.


    Prévu pour être lancé au milieu des années 2020, le télescope spatial Nancy Grace Roman, anciennement connu sous le nom de WFIRST, fonctionnera comme le cousin aux yeux écarquillés de Hubble. Bien qu'il soit tout aussi sensible que les caméras de Hubble, l'instrument à grand champ de 300 mégapixels du télescope permettra d'imager une zone du ciel 100 fois plus grande. Cela signifie qu’une seule image du télescope spatial contiendra l’équivalent de 100 images de Hubble. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © NASA Goddard

    Rappelons que le Nancy Grace Roman (en anglais Nancy Grace Roman Space Telescope)) est un télescope spatial infrarougeinfrarouge développé par la NasaNasa anciennement nommé Wide Field Infrared Survey Telescope (WFIRST) et qui doit être lancé en 2027 et placé en orbiteorbite autour du point de Lagrange L2point de Lagrange L2 du système Terre-SoleilSoleil. Son nom définitif rend hommage à Nancy Grace Roman, la première femme à exercer des fonctions de direction au sein de la Nasa et qui, à la fin des années 1950, était l'une des seules à croire en l'observation astronomique depuis l'espace. On lui doit notamment le satellite CoBE (Cosmic Background Explorer), le précurseur du satellite Planck pour l'étude du rayonnement fossilerayonnement fossile et le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble. Elle s'est éteinte en décembre 2018 à l'âge de 93 ans.


    En tant que première cheffe du département d’astronomie de la Nasa, la regrettée Nancy Grace Roman a ouvert la voie aux télescopes spatiaux et aux femmes dans les sciences. On lui attribue la réalisation du télescope spatial Hubble de la Nasa. Le télescope spatial Nancy Grace Roman, un télescope d'étude à grand champ révolutionnaire nommé en son honneur, sera lancé d'ici mai 2027 et élargira considérablement notre vision de l'Univers. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Space Telescope Science Institute

    Que sont les trous noirs primordiaux de Hawking ?

    Pour terminer, faisons connaissance un peu plus avec la théorie des trous noirs primordiaux en reprenant les explications déjà données par Futura. Pour cela, on peut commencer pas se poser la question de savoir si la masse de Chandrasekharmasse de Chandrasekhar (la limite de masse au-delà de laquelle une naine blanche ne peut faire autrement que s'effondrer gravitationnellement, déterminée au début des années 1930 par le grand astrophysicien indien) est la masse du plus petit trou noir pouvant exister dans le cosmos ?

    Presque, même si l'on sait bien qu'en réalité, pour une masse M donnée, il suffirait de pouvoir la concentrer dans une région sphérique dont le rayon est donné par Rs=2GM/c2, le rayon de Schwarzschildrayon de Schwarzschild, pour obtenir un trou noir (G est la constante de la gravitationconstante de la gravitation, c la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière).

    Mais comme il faut des pressionspressions énormes que l'on ne retrouve que dans le domaine de l'astrophysiqueastrophysique, il faut apparemment en conclure que c'est finalement la masse limite d'une étoile à neutrons, celle dite de Landau-Oppenheimer-Volkoff, qui est bien non seulement la masse limite pour la stabilité d'une étoile ayant épuisé son carburant nucléaire, mais aussi la masse minimale pour un trou noir.

    De gauche à droite, Chandrasekhar, Novikov et Zeldovitch. © DP
    De gauche à droite, Chandrasekhar, Novikov et Zeldovitch. © DP

    Mais cette conclusion est fausse ! Stephen Hawking le démontra en 1971 en utilisant notamment les travaux des deux grands leaders de l'astrophysique et de la cosmologiecosmologie relativiste qu'étaient Yakov Zeldovich et Igor Novikov publiés en 1967.

    Dans le cadre des modèles cosmologiques de type Big Bang, on sait que la densité « initiale » de l'Univers observable était très grande et, si l'on en croit les équationséquations tentant de décrire l'état de la matièreétat de la matière et du champ de gravitation proche de la singularité cosmologique initiale en relativité généralerelativité générale classique, l'Univers était alors très turbulent avec des fluctuations chaotiques de sa métrique et de sa densité comme le montrent bien les travaux de Misner (c'est le modèle connu sous le nom de mixmaster univers), ainsi que de Belinsky, Khalatnikov et Lifchitz.

    Quelques physiciens célèbres de l'école russe. En haut et de gauche à droite : Gershtein, Pitaevskil, Arkhipov, Dzyaloshinskil. En bas et de gauche à droite : Prozorova, Aleksei Abrikosov, Khalatnikov, Lev Davidovich Landau, Evgenii Mikhailovich Lifchitz. (Cliquez pour agrandir.) © AIP
    Quelques physiciens célèbres de l'école russe. En haut et de gauche à droite : Gershtein, Pitaevskil, Arkhipov, Dzyaloshinskil. En bas et de gauche à droite : Prozorova, Aleksei Abrikosov, Khalatnikov, Lev Davidovich Landau, Evgenii Mikhailovich Lifchitz. (Cliquez pour agrandir.) © AIP

    Dans ces conditions infernales, si une fluctuation de densité devient telle qu'une masse donnée passe sous son rayon de Schwarzschild, un mini-trou noir en résultera. En fait, étant donné la vitesse limite de propagation des interactions (celle de la lumière), si l'on considère une bulle de lumière émise par une zone de la taille de la longueur de Plancklongueur de Planck au temps de Plancktemps de Planck, que l'on pourra approximer par des valeurs nulles, alors une telle densité de matière (ou d'énergieénergie, car un gazgaz de photonsphotons ferait tout aussi bien l'affaire) pourra conduire à un effondrementeffondrement gravitationnel à l'instant t si une masse :

                       M(t)=c3t/G = 1015 (t /10-23) g

    se trouve à l'intérieur de cette bulle de lumière dont le rayon aura une longueur ct.

    Cela est facile à comprendre. Si la fluctuation de densité occupe une région de taille supérieure à cette bulle, les interactions gravitationnelles n'ont pas eu le temps de se propager entre ces différentes parties depuis le « début » de la naissance de l'Univers observable et la surdensité ne « sait » pas qu'elle doit s'effondrer.

    On peut ainsi former des mini-trous noirs de masse aussi faible que la masse de Planck, Mp=10-5 g,  et au-delà, puisque la masse des trous noirs pouvant apparaître une seconde après le Big Bang est de 105 masses solaires.

    Des trous noirs au cœur d'atomes ?

    Selon le modèle cosmologique que l'on utilise pour décrire la naissance du cosmos observable, le spectrespectre des fluctuations de densité de matière/énergie ne sera pas le même, et donc, « la taille et le nombre de trous noirs primordiaux existant actuellement seront des indications précieuses pour poser des bornes sur la turbulenceturbulence et le type de modèle cosmologique adapté à la description des premières secondes de l'histoire du cosmos » avant que la géométrie de l'espace-tempsespace-temps ne s'isotropise et ne s'homogénéise pour finir par être décrite par de légères perturbations sur un fond de type Friedmann Robertson-Walker avec constante cosmologiqueconstante cosmologique.

    C'est d'ailleurs ce que Stephen HawkingStephen Hawking a été le premier à comprendre et qui fit l'objet de deux publications, avant sa découverte retentissante de 1974. Il était même allé plus loin car, connaissant l'existence de solutions décrivant des trous noirs chargés, il avait postulé qu'une partie des particules du rayonnement cosmique pouvait être constituée de ces mini-trous noirs et que des sortes d'atomesatomes, avec en leur centre un tel mini-trou noir, pouvaient s'être formés. Mieux, il envisageait déjà dans son article de 1971 que la majorité de la masse de l'Univers observable soit sous la forme de trous noirs primordiaux.

    Stephen Hawking a émis l'hypothèse que les trous noirs peuvent rétrécir lentement à mesure que des radiations s'échappent. La lente fuite de ce que l’on appelle maintenant le rayonnement Hawking entraînerait, avec le temps, simplement l’évaporation du trou noir. Cette infographie montre les durées de vie estimées et l’horizon des événements – le point au-delà duquel les objets en chute ne peuvent pas échapper à l’emprise gravitationnelle d’un trou noir – les diamètres des trous noirs de diverses petites masses. © <em>Goddard Space Flight Center</em> de la Nasa, Scott Wiessinger (KBR Wyle Services, LLC)
    Stephen Hawking a émis l'hypothèse que les trous noirs peuvent rétrécir lentement à mesure que des radiations s'échappent. La lente fuite de ce que l’on appelle maintenant le rayonnement Hawking entraînerait, avec le temps, simplement l’évaporation du trou noir. Cette infographie montre les durées de vie estimées et l’horizon des événements – le point au-delà duquel les objets en chute ne peuvent pas échapper à l’emprise gravitationnelle d’un trou noir – les diamètres des trous noirs de diverses petites masses. © Goddard Space Flight Center de la Nasa, Scott Wiessinger (KBR Wyle Services, LLC)

    C'est notamment en étudiant les propriétés de ces mini-trous noirs qu'il découvrit que ces derniers pouvaient se comporter comme des particules élémentairesparticules élémentaires, ou des noyaux chauds instables, en train de se désintégrer en émettant ce qui fut baptisé par la suite le rayonnement Hawking. En fait, comme il l'avait montré d'abord dès 1974, même des trous noirs produits par des étoiles devaient être capables de s'évaporer en émettant ce rayonnement.  Car en raison des lois de la mécanique quantiquemécanique quantique, les trous noirs doivent en effet s'évaporer en émettant des particules d'autant plus vite qu'ils sont petits. Les trous noirs se présentent en réalité comme des corps noirscorps noirs rayonnant des particules à une température inversement proportionnelle à leur masse.

    Le processus est donc d'autant plus rapide que le trou noir est petit et chaud. Un trou noir de la masse de la Terre rayonnerait comme un corps noir à une température de 0,02 K environ. Il serait donc plus froid que le rayonnement fossile. Il ne pourrait pas s'évaporer actuellement mais au contraire il absorberait ce rayonnement pour se réchauffer, à la façon dont un glaçon absorbe la chaleurchaleur dans un verre d'eau bouillante.

    Incidemment, lorsqu'à la suite de son évaporation un trou noir atteint la masse de Planck, les calculs de Hawking s'effondrent et il faut faire intervenir une théorie de la gravitation quantique comme la théorie des supercordesthéorie des supercordes ou la gravitation quantique à bouclesgravitation quantique à boucles. Le destin ultime de l’évaporation d’un mini-trou noir est en fait l’un des grands problèmes irrésolus de la physique théorique moderne. Plus généralement, au fur et à mesure qu'un mini-trou noir se rapproche de la masse de Planck, on peut le considérer comme l'ultime particule élémentaire, celle où toute la physique des hautes énergies, toutes les particules et les forces s'unifient avec l'espace-temps.