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    Cartes d'identité, visas et autres passeports se perfectionnent désormais grâce à la biométriebiométrie et à la puissance des puces électroniques qui permettent de mémoriser plus d'informations et de les lire plus rapidement, voire à distance. Mais l'arrivée de l'informatique a aussi changé le monde des fichiers.

    Il n'est pas anodin de rappeler que l'étymologie du mot fiche renvoie à des objets physiques (le piquet marquant les lignes d'un camp dans sa signification militaire ; la feuille de carton qui sert à transmettre les ordres du client à l'agent de change dans sa signification boursière). Et, grâce à Astérix, nous avons tous la vision de ces armées de scribes romains qui renseignent des fiches administratives en gravant des blocs de marbremarbre. Une parfaite allégorie de l'Administration telle qu'on pouvait la caricaturer il y a quarante ans ! De fait, jusqu'aux années 1960, le fichage se réduisait à mettre une information sur un support physique localisé (le registre d'état civil à la mairie, la liasse fiscale aux impôts...)). Mais depuis, l'État et les acteurs privés se sont lancés avec application dans la constitution de fichiers. C'est d'ailleurs le projet de « système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus », alias SAFARI, visant à créer un identifiant unique permettant d'interconnecter quelque 400 fichiers constitués par les différentes administrations, qui a donné naissance à la CNILCNIL. Révélé par le journal Le Monde en 1974, le projet était porté par Jacques Chirac, alors ministre de l'Intérieur. Le tollé fut tel que, quatre ans plus tard, la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés était votée, instituant la CNIL et rappelant que l'informatique devait être au service des citoyens et non de leur surveillance.

    Répertoire national d’identification des personnes physiques

    Aujourd'hui, chaque individu est inscrit dans le Répertoire national d'identification des personnes physiques. Géré par l'INSEE depuis 1946, ce répertoire nous dote tous d'un identifiant à 13 chiffres, le NIR, plus connu sous le nom de numéro de Sécurité sociale. Utilisé par les employeurs, les caisses de retraite, l'assurance-maladie... il reste cependant très encadré, afin d'éviter tout recoupement trop facile de fichiers. SAFARI n'a finalement jamais vu le jour ! Les impôts ont par exemple leur propre identifiant.

    Mais l'État continue à mettre en place les fichiers qu'il souhaite, se contentant de demander son avis à la CNIL, sans être obligé d'en tenir compte. L'Observatoire national de la délinquance listait en 2006 les fichiers tenus par l'Administration « contribuant à prévenir ou à réprimer les crimes, délits et contraventions ». L'État dispose en particulier pour cette mission de deux fichiers de police judiciaire mettant en oeuvre « une application automatisée de données à caractère personnel » qui contiennent des informations historiques sur les personnes. Le STIC (Système de traitement des infractions constatées) est géré par la Direction générale de la police nationale (DGPN) et le JUDEX (Système judiciaire de documentation et d'exploitation) est géré par la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).

    Le STIC a été mis en place dès 1995 alors qu'il n'a été officiellement autorisé et décrit qu'en 2001, à la suite d'âpres discussions entre la CNIL et le Conseil d'État. Mais à peine était-il autorisé que les multiples dispositions sécuritaires décidées entre 2001 et 2003 créaient de nouveaux décalages entre cadre légal et réalité. Et ce n'est que par la directive du 21 décembre 2006 que le ministère de la Justice a mis en cohérence les règles d'exploitation des deux fichiers. Une initiative primordiale car ils recensent toutes les procédures, infractions, victimes et personnes mises en cause dans quasi tous les délits.

    Manifestement pleins d'erreurs (les derniers contrôles effectués par la CNIL comptent environ 25 % d'erreurs ou d'informations qui auraient dû être effacées), ils ont la mémoire très longue : jusqu'à quarante ans pour certains délits. Et l'Observatoire national de la délinquance indique dans son rapport au ministre de l'Intérieur fin 2006 que « malgré le contrôle de la CNIL, les diverses modifications législatives intervenues en vue d'améliorer l'encadrement de ces fichiers et les opérations d'apurement importantes réalisées par les services de police et de gendarmerie, l'utilisation de certains fichiers, aux finalités administratives, continue de soulever certains problèmes susceptibles d'attenter aux libertés individuelles et collectives ». Au total, plus de 85 000 personnes y auraient accès. Pas étonnant dans ces conditions qu'il y ait régulièrement des « fuites ».