Un faisceau laser est ou n'est pas absorbé selon l'état de la molécule, lequel peut être modifié à l'aide d'un autre rayon laser. Voilà de quoi écrire et lire une information binaire. Bref, c'est l'équivalent optique d'un transistor mais à une échelle jamais atteinte jusqu'ici. De quoi imaginer l'optronique de demain et l'ordinateur quantique d'après-demain...

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    Remplacer les électronsélectrons par des photonsphotons est une quête acharnée des chercheurs en électronique depuis de nombreuses années. Les gains à attendre sont multiples, vitessevitesse de fonctionnement plus élevée, déperdition calorique beaucoup plus faible, débits plus importants... En utilisant les techniques de la photonique (qui exploite les lois de l'optique et de la physiquephysique pour conduire ou manipuler les rayons lumineux) et celles de l'optronique (équivalent de l'électronique), les ingénieurs savent désormais réaliser des circuits électroniques en partie optiques.

    Mais ce ne sont encore que des débuts balbutiants. « Si on compare l'état actuel de cette technologie [l'optronique] avec l'électronique, nous sommes aujourd'hui à un point plus proche des lampes des années 1950 que des circuits intégrés actuels » estime Vahid Sandoghdar, du Laboratoire de chimiechimie physique de l'ETH de Zurich. Lui et ses collègues viennent pourtant de pousser l'optronique vers un degré de miniaturistion jamais atteint en réalisant un transistor optique réduit à une moléculemolécule unique.

    Ils utilisent cette caractéristique du monde quantique qui fait que les états d'énergieénergie d'une molécule ne peuvent prendre que certaines valeurs. Une molécule dans un état d'énergie bas peut absorber entièrement une émissionémission lumineuse (laserlaser) qui la touche et passe alors dans un état d'énergie supérieure.

    Un autre rayon laser peut ensuite libérer cette énergie emmagasinée qui s'échappe sous forme de photons. Le rayon incident semble ainsi amplifié. C'est le principe de l'émission stimuléeémission stimulée, prédite par EinsteinEinstein et sur lequel repose la technique du laser (acronyme de light amplification by stimulated emission of radiation). Voilà donc de quoi imaginer un système dont le fonctionnement est celui d'une porteporte logique, c'est-à-dire d'un transistor ou d'une lampe de l'électronique des années 1950. Un premier rayon positionne la molécule dans un état quantique donné, excité ou non. Un second rayon laser sera ensuite absorbé ou bien amplifié selon l'état de la molécule.

    Une réussite confinée au laboratoire pour longtemps encore

    Reste que ce phénomène n'est exploitable qu'à grande échelle. Un laser utilise un grand volumevolume de matièrematière pour amplifier la lumièrelumière, donc un nombre énorme de molécules. Vahid Sandoghdar, Jaesuk Hwang et leurs collègues sont parvenus, eux, à le maîtriser sur une molécule unique. Le prix à payer est élevé. Il faut en effet refroidir le milieu à -272°C, soit environ 1 kelvinkelvin, tout près du zéro absoluzéro absolu. A cette température, tout se passe comme si la molécule offrait une surface plus grande face au rayon laser, à tel point qu'elle atteint celle du diamètre du faisceau. Il est donc bien plus facile de viser la cible...

    L'expérience, décrite dans Nature, a fonctionné. Un premier rayon laser peut basculer à volonté l'état énergétique d'une molécule isolée entre deux niveaux, haut et bas. Un second faisceau incident sera absorbé ou amplifié. On réalise donc une porte logique, qui ouvre ou ferme le passage d'un faisceau de photons à l'aide d'un autre faisceau de photons.

    L'ordinateur optronique, sans aucune électronique, est encore loin, très loin. Mais ce genre de travail de laboratoire montre clairement les possibilités offertes. Pour les auteurs, cette réalisation à l'échelle moléculaire ouvre aussi une voie de recherche vers l'ordinateur quantique, qui occupe de nombreux scientifiques, sur le plan théorique et sur celui de l'ingénierie. Pour les applicationsapplications pratiques, revenons dans quelques décennies..