Sans autre apport d'énergie que la lumière, ce petit moteur tout en plastique se met à tourner... Mis au point au Japon, ce prototype utilise des élastomères cristaux liquides, matériaux très particuliers capables de se déformer sous l'effet de la chaleur ou de la lumière, une propriété qui évoque celle des cristaux piézo-électriques. Ses inventeurs rêvent tout haut d'une version capable de déplacer une voiture...

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    Quatre images montrant la rotation de la grande poulie. © Wiley-VCH Verlag

    Quatre images montrant la rotation de la grande poulie. © Wiley-VCH Verlag

    Pierre-Gilles de Gennes aurait aimé. En 1975, il publiait une étude sur des polymèrespolymères étranges, baptisés élastomèresélastomères cristaux liquidesliquides, ou LCE (liquide-cristal elastomeres). Flexibles comme le caoutchouccaoutchouc, ils peuvent changer d'état, ou phase, comme les cristaux liquides. Leurs moléculesmolécules, des polymères présentant une forte anisotropieanisotropie, s'alignent en effet entre elles de différentes manières et on retrouve les états connus des cristaux liquides : smectique, nématique et cholestérique. L'énergieénergie apportée par la lumièrelumière ou la chaleurchaleur peut les faire passer d'un état à un autre. On parle de transition de phasetransition de phase.

    Or, les propriétés mécaniques diffèrent selon ces états. Voilà donc des matériaux que l'on pourrait déformer à volonté de manière réversibleréversible par le simple effet de la lumière ou de la chaleur. Cette caractéristique n'est pas sans évoquer le cas des cristaux piézo-électriques, déformés par un courant électriquecourant électrique ou, à l'inverse, produisant un peu d'électricité sous une contrainte mécanique.

    Des nombreux travaux ont abouti à une grande variété de LCE et on les dit promis à un bel avenir dans une grande variété d'applicationsapplications : capteurs de températurescapteurs de températures, valves, micro-pompes, actuateurs, et même petits moteurs.

    Schéma de principe du moteur. La courroie (<em>Belt</em>) est formée d'une couche de polymères (50 microns) surmontée d'une couche de LCE (18 microns) et mesure 36 par 5,5 millimètres. Elle réunit deux poulies (<em>Pulleys</em>), dont les diamètres sont de 10 et 3 millimètres. A gauche arrive la lumière visible (<em>Vis</em>), de longueur d'onde supérieure à 500 nanomètres, avec une puissance de 120 mW/cm<sup>2</sup>. A droite, la courroie est éclairée en ultraviolet (UV), à 360 nm et 240 mW/cm<sup>2</sup>. © Wiley-VCH Verlag

    Schéma de principe du moteur. La courroie (Belt) est formée d'une couche de polymères (50 microns) surmontée d'une couche de LCE (18 microns) et mesure 36 par 5,5 millimètres. Elle réunit deux poulies (Pulleys), dont les diamètres sont de 10 et 3 millimètres. A gauche arrive la lumière visible (Vis), de longueur d'onde supérieure à 500 nanomètres, avec une puissance de 120 mW/cm2. A droite, la courroie est éclairée en ultraviolet (UV), à 360 nm et 240 mW/cm2. © Wiley-VCH Verlag

    Bientôt une mécanique organique ?

    Au Japon, Tomiki Ikeda et l'équipe de son laboratoire (Tokyo Institute of Technology) a fabriqué le premier moteur utilisant des élastomères cristaux liquides. Ce petit dispositif, large d'environ 1,5 centimètre, est  constitué de deux poulies réunies par une courroie constituée d'une couche de LCE (contenant de l'azobenzène) sur une couche de polymère. Cet élastomère a la propriété de se contracter ou au contraire de s'étendre sous l'effet de rayons lumineux selon leurs longueurs d'ondelongueurs d'onde.

    Le moteur réalisé par les chercheurs japonais se met en action sous l'effet deux sources lumineuses, l'une dans l'ultravioletultraviolet et l'autre dans le visible, touchant la courroie en deux endroits différents. D'un côté, l'énergie de la lumière visible produit une extension de la courroie et les UV provoquent de l'autre côté une contraction. Le résultat est une rotation continue. L'énergie lumineuse a ainsi été directement transformée en un mouvementmouvement mécanique.

    On distingue nettement la fine courroie entraînant les poulies. © Tomiki Ikeda

    On distingue nettement la fine courroie entraînant les poulies. © Tomiki Ikeda

    Au bout de trente heures de fonctionnement, affirme le chercheur japonais, la résistancerésistance mécanique de la courroie restait intacte. La vitessevitesse maximale de rotation n'est que de 1 tour par minute et il reste encore beaucoup de travail. Confiant, Tomiki Ikeda explique au magazine Nanowerk que l'on pourrait obtenir bien d'autres mouvements que la rotation. Les élastomères cristaux liquides peuvent effectivement être déformés de différentes manières.

    C'est en quelque sorte une nouvelle mécanique qui est en train de naître, reposant uniquement sur des matériaux organiques. On peut penser aux nanotechnologies car les dimensions pourraient être beaucoup plus petites. Mais Tomiki Ikeda espère agrandir son moteur et imagine même des voituresvoitures muesmues par l'énergie solaire, directement transmise aux roues...