Grâce à des électrodes enregistrant l’activité cérébrale, un réalisateur britannique a créé un film dont les scènes varient selon les émotions qu’il suscite chez les spectateurs.

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    Dans les années 1980, les « livres dont vous êtes le héros » connurent un bon succès. L'idée est aujourd'hui reprise par le cinéma, qui travaille sur des films dont on pourrait choisir la fin. Le premier film interactif, Late Shift, sorti en 2016 et produit par la start-up suisse CtrlMovie, permettait aux spectateurs de voter avec leur smartphone pour interagir avec l'histoire. NetflixNetflix travaillerait également sur des séries avec plusieurs intrigues possibles, chaque téléspectateur pouvant influer sur les choix des personnages.

    Richard Ramchurn, un chercheur de l'université de Nottingham (Royaume-Uni) spécialiste de l'interaction homme-machine, veut aller plus loin : son court-métrage, The Moment, évolue en fonction des émotions des spectateurs. Le film, qui dure 27 minutes, explore un futur où chaque neuroneneurone de chaque personne est interconnecté avec ceux des autres. Mais à l'instar d'Astrea, l'héroïne, certains humains vivent en dehors du système et sont chassés par des milices.

    Pendant la diffusiondiffusion, selon l'activité émotionnelle des spectateurs, mesurée grâce à un casque à électroencéphalogrammeélectroencéphalogramme (EEG) NeuroSky, certaines scènes, musiques ou animations vont changer. Contrairement aux films interactifsinteractifs, l'histoire est donc modifiée en continu sans volonté explicite de la part du spectateur. « Le film change en fonction de ce que vous pensez, et ce que vous pensez change le film, résume son créateur dans une interview. Il devient une partie de votre esprit. »


    La bande annonce du film The Moment. © Albino Mosquito, Viméo

    Passer à un spectacle à plusieurs personnes

    Attention toutefois, car les casques EEG sont encore incapables de lire les émotions et encore moins les pensées complexes. Pour The Moment, Richard Ramchurn se contente de mesurer le degré d'attention. Toutes les six secondes environ, un algorithme recalcule quelle suite il doit donner au film d'après les informations envoyées par le casque. Il choisit alors parmi deux ou trois scénarios, détermine quel personnage sera suivi ou adapte le rythme et le stylestyle de musique. Selon le réalisateur, il existerait au total plus de 101.000 milliards de possibilités.

    Pour les 27 minutes que dure le film, il a ainsi fallu enregistrer trois fois plus de scènes et six fois plus de musique que nécessaire. Si certaines variations sont quasi-imperceptibles, d'autres sont en revanche plus visibles. Un spectateur très attentionné aura par exemple accès à un dialogue plus détaillé ou pourra voir un carnet lu par le personnage.

    Pour adapter le concept à une plus large audience, par exemple une projection en salle, Ramchurn imagine un algorithme plus sophistiqué calculant une moyenne des émotions de tous les spectateurs. Une autre possibilité serait un mode coopératif, où chaque personne serait désignée pour guider un élément narratif (bande-son, rythme, transitions entre les scènes...).

    En 2017, un jeu vidéo, Brain Invaders, édité par le CNRS au sein du laboratoire Gipsa-lab à Grenoble avait déjà testé ce mode d'interaction. Équipé d'un casque bardé de 16 électrodesélectrodes, le joueur fixe du regard un monstre sur l'écran pour ordonner sa destruction. D'autres chercheurs pensent utiliser ces casques EEG pour piloter une voiture par la pensée ou remplacer les mots de passe.