Des chercheurs de Harvard ont inventé une méthode pour coder et décoder de l’information binaire dans des colorants fluorescents qui peuvent être imprimés en motifs à l’aide d’une simple imprimante jet d’encre. Une méthode de stockage bon marché, durable, et infalsifiable qui pourrait bien résoudre nos problèmes de disque dur.
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Disques optiques, mémoire flash, disque dur : il existe de nombreux supports pour stocker des données numériques. Mais ces dispositifs de stockage ont plusieurs inconvénients : duréedurée de vie limitée (environ 20 ans), taille restreinte, sensibilité aux conditions extérieures (chaleurchaleur, eau...)), apport en énergieénergie pour fonctionner et vulnérabilité au piratage. Une équipe de chercheurs de l'université de Harvard a inventé un système révolutionnaire pour stocker des données numériques (texte, images, vidéos...) grâce à des moléculesmolécules stockées dans de l'encre de couleur qui est ensuite imprimée sous forme de motif. Un véritable message secret !
Des données stockées sous forme de pixels
Le système utilise un mélange de sept colorants fluorescents disponibles dans le commerce. Chaque nombre, lettre et pixel des données que l'on veut stocker est codé sous forme binaire avec des 1 et des 0, selon qu'un colorant particulier est absent ou présent. À l'écriture, les molécules de colorant sont projetées par une imprimante jet d'encre sur une surface époxyépoxy contenant certains groupes amines réactifsréactifs. Une fois déposées à la surface, les molécules forment des liaisons stables, ce qui verrouille l'information en place. Pour « lire » les données, on utilise un microscopemicroscope fluorescent qui détecte la présence ou l'absence de molécules de colorant, et peut donc décrypter le message binaire (les 0 et 1). Les chercheurs ont ainsi pu stocker 1.407.542 octetsoctets d'informations sur un substratsubstrat époxy de 7,2 x 7,2 millimètres avec une précision de 99,6 % et une vitessevitesse de 469 bits par seconde. Mieux encore, ils ont pu lire les données fluorescentes 1.000 fois sans pertes significatives.
« Cette méthode donne accès à un stockage de données à faible coût, se réjouit Amit Nagarkar, auteur principal de l'article publié dans ACS Central Science. Elle ne requiert que des technologies commerciales existantes - l'impression à jet d'encre et la microscopie à fluorescence ». Ce stockage par colorant pourrait être particulièrement utile pour les informations sensibles (puisqu'il est inviolable), comme les dossiers financiers et juridiques, ou lorsque le stockage à long terme est crucial, comme pour les données satellitaires. De plus, la technique ne nécessite aucune énergie une fois les données enregistrées, et n'est pas sensible à l'eau comme une bande magnétiquebande magnétique par exemple.
Stocker les données numériques sur des molécules
En 2016, des chercheurs du CNRS avaient déjà réussi à stocker des données dans des polymères artificiels, représentant des 0 et des 1. Mais le processus est beaucoup plus laborieux, car il faut synthétiser les monomèresmonomères et l'impression est très lente. En 2019, une autre équipe de l'université de Harvard était parvenue à stocker des données numériques sur des petites molécules organiques (un ensemble de 12 oligopeptides). Cette dernière se fondait sur la massemasse de chaque molécule pour coder et décoder l'information. La nouvelle méthode à base de colorants est plus rapide à mettre en œuvre en lecture que toute autre méthode, fait valoir l'équipe d'Amit Nagarkar.
Le saviez-vous ?
Une autre méthode de stockage de long terme consiste à stocker l’information sur des brins ADN, en convertissant les données binaires en base 4 (l'adénine -A, thymine -T, guanine -G et cytosine -C). Une méthode qui permet de conserver les données pendant des décennies, voire des siècles, et de stocker une grande quantité d’informations dans un tout petit espace (jusqu’à un milliard de téraoctets dans un gramme d’ADN). Néanmoins, cette technologie est coûteuse, nécessite du matériel spécialisé, et son décryptage est assez lent.
L’explosion du volume de données dans le monde
En 2010, le monde ne comptait que deux zettaoctets de données numériques, soit l'équivalent de deux milliards de téraoctets. Nous en sommes aujourd'hui à plus de 47 zettaoctet et, selon Statista, le volumevolume mondial de données atteindra 2.142 zettaoctets en 2035. Or, les data centersdata centers servant à stocker ces données sont déjà un véritable gouffregouffre énergétique : on estime qu'ils consomment environ 205 TWh par an, soit environ 1 % de la consommation électrique mondiale. « Les méthodes de stockage de données alternatives comme celle à base de colorants vont donc prendre de plus en plus d'importance au cours du XXIe siècle », conclut Amit Nagarkar.