À l’École polytechnique fédérale de Lausanne, des chercheurs ont testé avec succès un doigt bionique doté d'une certaine sensibilité. Grâce à lui, un homme ayant perdu une main peut apprécier la rugosité d'une surface. Sans nécessiter d'intervention chirugicale, ce procédé est utilisable aussi sur des personnes valides et à de quoi faire progresser la prosthétique et la robotique.

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    Voilà plusieurs années que Dennis Aabo Sørensen collabore avec l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) au développement d'une main bionique capable de lui rendre le sens du toucher. Ce Danois bientôt quadragénaire a perdu sa main gauche dans un accidentaccident domestique il y a un peu plus de dix ans. En 2014, il a testé une prothèse expérimentale reliée par des électrodesélectrodes aux nerfsnerfs périphériques de son moignon grâce à laquelle il a pu ressentir le contact avec les objets. Les informations recueillies par les capteurscapteurs sont converties par une interface neuronale en signaux électriques que le système nerveux peut reconnaître.

    Grâce à cette prothèseprothèse, Dennis Aabo Sørensen pouvait identifier la forme et la consistance des objets qu'il saisissait et ainsi moduler la force de sa préhension. L'équipe de l'EPFL qui pilote ce projet vient de faire vivre une nouvelle expérience encore plus riche en émotions à son volontaire. Cette fois, il a essayé un doigt bionique qui lui a permis de distinguer avec une précision de 96 % des surfaces rugueuses et lisses. « La sensation du toucher est très proche de ce que vous sentez avec un doigt normal », explique Dennis Aabo Sørensen.


    Cette vidéo sous-titrée en français présente la dernière expérimentation menée par l’EPFL sur un doigt bionique grâce auquel un patient amputé d’une main a retrouvé une certaine sensation de toucher. © EPFL

    Le système nerveux peut être stimulé par voie externe

    Le doigt bionique est installé sur un bras robotisé qui le déplace sur différentes surfaces. L'index est connecté à une interface neuronale (un ordinateur), elle-même reliée aux nerfs périphériques du moignon via des électrodes. À chaque mouvementmouvement, les microcapteurs électromécaniques présents dans l'appendice bionique envoient un signal électrique qui est converti par des algorithmes en impulsions électriques que le système nerveux sait interpréter.

    Rendant compte de leurs avancées dans la revue scientifique eLife, les chercheurs de l'EPFL expliquent qu'ils ont aussi testé le dispositif avec succès sur des personnes valides et cela sans recourir à la chirurgiechirurgie pour implanterimplanter des électrodes. Les nerfs ont été stimulés par voie externe grâce à des aiguilles microneurographiques implantées dans le nerf médian du bras à travers la peau. « Les personnes non amputées ont été capables de distinguer la rugosité d'une texturetexture 77 % du temps », peut-on lire dans le communiqué.

    En comparant l'activité électrique du cerveaucerveau de personnes non amputées utilisant leur doigt pour sentir une texture à celle produite par le doigt bionique, l'équipe de l'EPFL a constaté une similitude au niveau des régions cérébrales stimulées. Ce qui signifie que les travaux sur le toucher via des prothèses peuvent être menés avec des personnes valides puis être répliqués sur des personnes amputées. Voilà qui devrait donner un coup d'accélérateur aux recherches dans ce domaine mais aussi en robotique pour le développement de peaux artificielles.

    Pour autant, il ne faut pas s'attendre à voir une telle prothèse bionique fonctionnelle avant plusieurs années. Car bien que les capteurs aient fait énormément de progrès au niveau de leur résolution, le plus gros défi technique se situe du côté de l'interface neuronale. Celle-ci doit être suffisamment puissante pour restituer les nuances du toucher tout en étant miniaturisée pour être incorporée dans un membre artificiel. Mais pour Dennis Aabo Sørensen et toutes les personnes dans son cas, l'espoir de pouvoir un jour sentir ce qu'il touche est désormais bien réel.