De plus en plus de Russes tentent d'accéder à des sites d'informations occidentaux, qu'ils soient français, américains et britanniques. Ils utilisent pour cela des applications de type VPN, des messageries cryptées, mais aussi un service baptisé Warp qui leur permet de contourner les blocages des fournisseurs d'accès à Internet.


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    Comme Google, Cloudflare n'a pas quitté la Russie, mais ce géant du web a une bonne raison de maintenir son activité. Il reste notamment sur place pour protéger les sites web ukrainiens officiels des attaques des hackers russes. Peu connu du grand public, CloudFlare se cache derrière le fonctionnement des sites Internet les plus populaires, à la fois pour ses fonctions de CDN (content delivery network), un système de cache qui permet d'accéder très rapidement à un site web quel que soit l'endroit dans le monde, mais aussi pour ses fonctions de sécurité.

    Depuis le début l'invasion russe en Ukraine, Cloudflare a déjoué de nombreuses attaques et protège désormais 24 heures sur 24 les sites gouvernementaux. « Nous continuons à travailler pour protéger un nombre croissant de sites Web ukrainiens gouvernementaux, des sites d'informations, des sites bancaires, également à but non lucratif, et nous avons protégé le domaine de premier niveau ukrainien (.ua) pour aider à maintenir la présence de l'Ukraine sur Internet », explique un dirigeant de l'entreprise.

    Le Top 4 des applis les plus téléchargées en Russie ne concerne que des applications pour se connecter de manière anonyme ou pour se connecter à des services censurés. © CloudFlare
    Le Top 4 des applis les plus téléchargées en Russie ne concerne que des applications pour se connecter de manière anonyme ou pour se connecter à des services censurés. © CloudFlare

    Comment maintenir un lien avec l'extérieur ?

    De l'autre côté de la frontière, Cloudflare a fait plusieurs observations. D'abord que le gouvernement russe a pris des mesures pour renforcer son contrôle sur les infrastructures et sur le contenu de l'Internet russe. Les autorités russes ont ainsi bloqué des sites comme Facebook, Instagram et Twitter, mais aussi des médias en langue russe basés à l'extérieur du pays.

    À la suite de ces mesures, assimilées à de la censure, une partie de la population a réagi en se tournant vers des utilitaires et des applicationsapplications qui permettent de maintenir un accès avec le reste de l'Internet mondial, et Cloudflare constate plus précisément que les Russes recherchent des sources d'informations non russes.

    Ce graphique montre les tentatives de connexion à un grand média français depuis la Russie. La courbe explose après le début de la guerre. © Cloudflare
    Ce graphique montre les tentatives de connexion à un grand média français depuis la Russie. La courbe explose après le début de la guerre. © Cloudflare

    Une audience multipliée par cinq

    Ainsi, en mars, les applications mobilesmobiles les plus téléchargées en Russie étaient des outils de type VPN, la messageriemessagerie cryptée Telegram et « Warp / 1.1.1.1 » de Cloudflare, un outil qui permet de manière confidentielle de se connecter à un serveur distant pour accéder à un site étranger.  WARP empêche les requêtes DNS d'être surveillées par les fournisseurs d'accès à Internet. « Si l'on remonte au début du mois de février, on constate que l'outil Warp de Cloudflare était peu utilisé en Russie. Son utilisation a décollé dès le premier week-end de la guerre et a atteint son apogéeapogée il y a deux semaines », révèle la société.

    En analysant les statistiques d'utilisation de Warp, Cloudflare a donc constaté une augmentation de son utilisation en Russie, à partir de début mars, et la plupart des recherches concernaient de grands journaux français, britanniques et américains. Graphiques à l'appui, on constate que, depuis début mars, le trafic DNS a quintuplé par rapport aux niveaux d'avant-guerre, ce qui indique que les Russes tentent d'accéder à cette source d'informations, et donc de contourner les blocages mis en place par les autorités.


    1920.in, le génial outil pour contourner la censure en Russie et informer la population

    Proches des Anonymous, des développeurs ont créé un service qui permet à des Occidentaux d'envoyer des SMS à des Russes pour les prévenir de la situation réelle en Ukraine. Il s'appuie sur une base de donnéesbase de données de 20 millions de numéros de mobile, et 140 millions d'adresses email.

    Publié le 14/03/2022 par Fabrice Auclert

    Puisque Vladimir Poutine a décidé de censurer les réseaux sociaux, mais aussi la presse locale et étrangère avec la menace d'une peine de 15 ans de prison à chaque fois que les termes « guerre » ou « invasion » sont écrits ou prononcés, comment informer la population de la réalité en Ukraine ?

    Des développeurs ont eu l'idée de créer un site Internet qui permet d'envoyer des SMS de manière aléatoire à un résident russe. Le but est évidemment d'utiliser ses textostextos pour rendre compte de la guerre en Ukraine et de donner des informations exactes et vérifiées sur la situation.

    Des dizaines de millions de destinataires possibles

    Ce service s'appelle 1920.in, et il tient son nom d'une unité de pilotes polonais de la Seconde Guerre mondiale qui avait rejoint la Royal AirAir Force britannique pour poursuivre le combat contre Hitler après l'annexion de Pologne. Selon le Wall Street Journal, il s'appuie sur un annuaire de 20 millions de téléphones portables et de 140 millions d'adresses e-mail appartenant à des particuliers et des entreprises russes.

    Le groupe Squad303, proche des anonymous, a mis la main sur cet immense répertoire, et leur petite application génère des numéros ou des emails tirés au hasard dans cette base de données. N'importe qui dans le monde peut donc envoyer un message, sans connaître le destinataire, et on peut soit écrire son propre message, à condition de l'écrire en russe, soit envoyer un texte déjà préparé.

    Un numéro s'affiche et il suffit de copier le texte prérédigé pour l'envoyer depuis Whatsapp ou son application SMS. © Futura, squad303
    Un numéro s'affiche et il suffit de copier le texte prérédigé pour l'envoyer depuis Whatsapp ou son application SMS. © Futura, squad303

    Un message pré-écrit en russe

    Si vous souhaitez participer, connectez-vous à 1920.in depuis un ordinateurordinateur ou un mobile. Une fenêtrefenêtre Cloudfare se charge de protéger l'envoi, en évitant les attaques DDOSDDOS de hackers russes. Entrez le numéro que vous voyez en haut de votre écran dans votre application de SMS, puis cliquez sur le bouton « Copy text » pour copier le message déjà traduit en russe que vous allez envoyer. Depuis lundi matin, GoogleGoogle a bloqué la traduction des textes en russe, et vous pouvez vérifier le contenu du texte avec un autre outil, comme Deepl par exemple. Dans notre exemple, voici le message : « Chers Russes, vos médias sont censurés. Le Kremlin ment. Découvrez la vérité sur l'Ukraine sur l'internet gratuit et sur l'application TelegramTelegram. Il est temps de renverser le dictateur Poutine ! »

    Il ne vous reste plus qu'à appuyer sur « Envoyer » pour atteindre votre destinataire. Pour envoyer un email, il faut se connecter sur mail.1920.in et c'est le service qui envoie le message à votre place. Pour Whatsapp, il faut se connecter à wa.1920.in.

    Bien évidemment, on ne sait pas qui va recevoir le message, et si cette personne y sera sensible. On ne sait pas non plus, même si les messages sont cryptés de bout en bout sur WhatsappWhatsapp, si les services russes vont les intercepter. Une chose est sûre, c'est aujourd'hui l'un des rares moyens d'alerter la population, et le groupe Squad303 célébrait dimanche le 20.000e message envoyé.