Pour faire croire à un bébé qu’un robot est vivant, nul besoin de lui donner une apparence parfaitement humaine : si le tas de ferraille a deux bras, deux jambes et surtout deux yeux et qu'il peut communiquer d'une manière ou d'une autre, c'est gagné ! 

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    Les bébés peuvent prendre les robots pour des êtres vivants, à condition qu'ils sachent communiquer. © daor, Flickr, Creative Commons

    Les bébés peuvent prendre les robots pour des êtres vivants, à condition qu'ils sachent communiquer. © daor, Flickr, Creative Commons

    Avec l'arrivée, ces dernières années, des « géminoïdes », ces robots jumeaux des humains plus vrais que nature, il est de plus en plus compliqué, même pour les adultes, de distinguer la copie de l'original. Mêmes mimiques au niveau du visage, mêmes mouvementsmouvements de respiration... Si l'on finit quand même assez vite par comprendre qu'ils ne sont pas vivants, la frontière est-elle aussi évidente pour nos enfants ?

     « Ce n'est pas seulement à quoi l'objet ressemble, mais comment il bouge et interagit avec les autres qui lui donne un intérêt particulier aux yeuxyeux du bébé », explique Andrew Meltzoff, premier auteur de l'article paru dans Neural Networks, et codirecteur de l'Institute for Learning and Brain Sciences de l'Université de Washington. Instinctivement, les bébés arriveraient donc à percevoir si un objet est « social » ou non, et par extension vivant ou non, simplement en observant son comportement.

    La curiosité des bébés : un atout pour apprendre

    L'équipe de chercheurs américains a donc décidé de tester l'hypothèse selon laquelle les robots aux comportements qualifiés de sociaux (même ceux dont l'apparence est tout à fait dissemblable des humains), pouvaient être pris pour des êtres vivants par les bébés. Pour le savoir, ils ont utilisé une particularité qui n'est pas propre aux bébés, mais qu'ils partagent tous : la curiosité.

    En particulier, ils aiment observer et imiter les grandes personnes, qui sont un modèle pour eux. En plus d'être un jeu très amusant, l'imitation des mouvements ou des grimaces leur permet également d'apprendre à utiliser leur corps. Mais leur fascination pour leurs aînés ne s'arrête pas là. 

    Morphy, le robot utilisé pour l'expérience, ne ressemble pas à un humain, mais est considéré comme vivant par la majorité des bébés ! © Université de Washington

    Morphy, le robot utilisé pour l'expérience, ne ressemble pas à un humain, mais est considéré comme vivant par la majorité des bébés ! © Université de Washington

    Observer une conversation

    Ils savent aussi suivre le regard des grandes personnes, et tourner la tête dans la direction de ce qui a attiré l'attention des adultes pour pouvoir observer eux-mêmes ce qui semble intéressant. « Les bébés comptent sur nous comme guide pour savoir comment interpréter les choses », explique Andrew Meltzoff. Ainsi, si les adultes traitent un objet comme un être vivant, les bébés vont probablement faire de même.

    Pour le prouver, des bébés âgés de 18 mois ont été placés assis sur les genoux de l'un de leurs parents, face à Rechele Brooks, une scientifique impliquée dans ces travaux. Une fois l'enfant mis à l'aise, un robot d’apparence humanoïde (deux bras, deux jambes, un torse et une tête carrée avec des yeux) était invité dans la pièce et accueilli par Rechele avec un « Oh, salut ! C'est notre robot ! ». Morphy, le robot, contrôlé par un autre chercheur caché, interagissait avec la chercheuse en l'imitant ou en répondant à ses questions par des gestes, de sorte que l'enfant bougeait sans cesse sa tête pour observer l'un et l'autre des intervenants.

    La communication, le propre du vivant

    Quatre-vingt dix secondes d'interactions entre le robot et la chercheuse ont suffi aux enfants testés pour considérer le robot comme un individu vivant. En effet, comme ils l'auraient fait pour un être humain, treize des seize bébés testés ont suivi le regard du robot qui tournait la tête, supposant qu'il avait vu quelque chose d'intéressant. Dans un deuxième groupe de bébés qui n'avaient pas observé l'interaction entre le robot et la chercheuse, seulement trois bébés sur seize ont réagi de la même façon. La communication est donc un trait fondamental des êtres humains, et les bébés le savent !

    Selon Rajesh Rao, autre auteur de l'article, « l'étude suggère que si l'on veut fabriquer un robot compagnon, il n'est pas suffisant de le faire ressembler à un humain. Le robot doit aussi être capable d'interagir socialement avec des humains, un challenge intéressant pour la robotique ».