L'Amérique a peur. Elle est attaquée dans les fondements même de son identité. Les racines les plus profondes de cette civilisation sont aujourd'hui menacées. L'ennemi n'est même pas aux portes de la Nation, il est à l'intérieur. La deuxième plus grande démocratie du monde est en passe de devenir un Etat totalitaire au sens premier du terme. En effet, au nom de la lutte contre le terrorisme, une série de mesures créent de nouveaux cybercrimes passibles de la prison à vie, centralisent l'ensemble des forces de répression et institutionnalisent la surveillance permanente et systématique de chaque habitant.

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    Celui par qui le scandale arrive s'appelle John Poindexter. Depuis le début de l'année, il dirige un "bureau de veille totale de l'agence chargée du projet de recherche avancée sur la défense". Ce sinistre individu, déjà impliqué dans "l'Irangate", a franchi un pas supplémentaire dans ce qu'un éditorialiste du "New York Times" a défini comme "un fantasme de superfouineur". Son "programme de veille totale" (Total Information Awareness, TAI) a pour but de constituer une immense base de données, alimentée par toutes les données informatiques qui concernent les Etats-Unis. De la reconnaissance faciale via les caméras de surveillance aux moindres transactions financières, en passant par les mails, la navigation sur Internet et le moindre texte tapé sur un clavier, le TAI doit tout pouvoir traiter, analyser, décrypter afin de démasquer les terroristes au berceau.

    Ce nouvel échelon actuellement en préparation à Washington est évidemment dénoncé par de nombreuses organisations. Une trentaine d'entre elles ont signé une lettre ouverte à deux sénateurs pour les enjoindre de faire interdire cette initiative "anticonstitutionnelle". La tâche de ces associations est pharaonique tant la lutte contre le terrorisme semble aujourd'hui obnubiler l'administration Bush.

    L'ACLU (American civil liberties union) propose à chacun d'envoyer un faxfax au Président, pour lui rappeler notamment ses promesses de campagne concernant la protection de la vie privée.

    L'Epic (Electronic Privacy Information Center) affirme aujourd'hui avoir tenté des recours judiciaires pour obtenir des informations supplémentaires sur les agissements du bureau responsable du TAI.

    Un combat légitime

    Ce combat est d'autant plus légitime que la constitution d'une énorme base de données pour traquer les terroristes est inefficace. Il est d'autant plus difficile que tous les échelons de l'Etat semblent aujourd'hui vendue à la thèse paranoïaque, justifiant tous les abus. Le Sénat par exemple vient d'adopter à la quasi unanimité la constitution du Homeland Security Act.

    Ce texte institutionnalise la création d'un département unique de sécurité intérieur, regroupant notamment les douanes, la police fédérale et les services secrets. Mais il contient également de nouvelles disposition de répression de la cybercriminalité. Ainsi, un internautes qui aura pénétré un système en mettant en danger la vie d'autrui pourra être condamné à une peine de prison à perpétuité. Quand on sait que les systèmes informatiques du Département américain du Transport, en charge de l'aviation civile, sont les moins bien notés en terme de sécurité des agences gouvernementales, on peut craindre d'aller se renseigner sur des horaires de vol. On ne sait jamais, on pourrait se faire accuser d'avoir tenté de détourner un Boeing.

    Le Pentagone et le Sénat ne sont pas les seuls à remettre en cause les libertés premières. Dans la foulée, le FBI a également suscité les foudresfoudres des organisations de défense de la vie privée. Obligé d'avouer avoir perdu le contrôle de certaines listes de personnes suspectes de terrorisme, le FBI prouve le danger du maintien de ces listes. Certaines d'entre elles, non mises à jour, constitués de pseudo-suspects, sont disponibles sur le réseau et nuisent aux innocents qu'elle livre en pâture à la vindicte publique. C'est ainsi que des personnes se voient refusé un emploi ou plus simplement une place dans un avion. Leurs noms figurent sur des listes que le FBI ne contrôle plus.

    Non seulement l'Amérique s'orwellise, mais en plus il semble que Big Brother n'ait plus toute sa tête.

    Pour en savoir plus

    La lettre ouverte d'une trentaine d'association de défense des libertés contre le TAI
    http://www.epic.org/privacy/profiling/tia/tialetter11.18.02.html

    Les 500 pages du Homeland Security Act
    http://thomas.loc.gov/cgi-bin/bdquery/z?d107:H.R.5710:

    La réaction de l4ACLU aux aveux du FBI
    http://www.aclu.org/SafeandFree/SafeandFree.cfm?ID=11355&c=206